V. Évasion

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Alors que le jour de son seizième anniversaire approchait, la princesse désespérait de devoir se marier à un homme dont elle ne savait rien, si ce n'est son nom. Et ces trois mots étranges dont elle ne connaissait pas la signification ne la quittaient plus. Elle voulait savoir ce qu'ils signifiaient. Ces mots ne pouvaient être laissés là au hasard. Quelqu'un avait voulu lui laisser un message, lui dire quelque chose. Contrairement à ce que les apparences laissaient croire, la princesse Juliette, bien qu'ingénue, était loin d'être stupide et illettrée. Elle avait parfaitement conscience que son enfance pouvait être placée sous n'importe quel signe, à l'exception de celui de la normalité. Il fallait qu'elle sache, il fallait qu'elle comprenne la menace qui pesait sur elle et avait conditionné sa vie depuis sa naissance. Elle prit donc une décision. Elle implora sa mère de faire venir sa servante Charlotte, tout en lui faisant promettre de ne rien dire au roi. Après quelques supplications déchirées, la reine Eléanor avait eu pitié de sa fille, et à contre-cœur, avait accepté dans un murmure terrifié.

Lorsque sa fidèle compagne se présenta devant elle, Juliette prit ses mains charnues dans les siennes et lui dit d'une voix déterminée, imprégnée d'une douceur qui se voulait rassurante.

— Écoute-moi bien, Charlotte. Je vais partir.

— Non, princesse, s'étouffa la servante, vous...

— Ne me regarde pas comme ça, s'il te plaît, la coupa la jeune fille dans un chuchotement peiné. Je le dois, je n'ai pas le choix. Je ne peux pas rester enfermée ici à attendre d'être mariée. Je ne peux pas épouser un inconnu. Et ces messages...

Elle s'interrompit, découvrit son poignet où trônait toujours la griffure du chat noir.

— Ils signifient forcément quelque chose. Je dois retrouver la personne qui me les a laissés. C'est probablement quelqu'un qui essaie de m'aider à trouver une faille, une porte de sortie.

Charlotte écarquilla les yeux de terreur mais avant qu'elle ne puisse la contredire, Juliette secoua la tête avec conviction.

— Ou peut-être juste quelqu'un qui sait. Cela me suffit. Tu ne dois parler de mon évasion à personne, Charlotte, d'accord ? Tu dois me le promettre. Pas même à cette fille qui est devenue ta confidente à l'orphelinat – comment s'appelle-t-elle déjà ? – Esma, c'est cela ?

Devant le léger acquiescement de la part de sa servante, elle continua d'un ton plus assuré.

— Bon, alors pas un mot à Esma, s'il te plaît. Mais j'ai besoin de ton soutien pour m'échapper. Les gardes ont des yeux de lynx, ils me remarqueraient à un kilomètre à la ronde. Surtout si je sors habillée de cette façon...

Sa voix mourut dans sa gorge tandis qu'elle baissait les yeux sur le corps de sa dame de compagnie, et ses yeux s'illuminèrent.

— Mais bien sûr ! s'écria-t-elle, un sourire franc venant décorer ses lèvres. Tu vas m'apporter des vêtements de servante ! Ensuite, j'attacherai mes robes les unes aux autres pour en faire une corde. Et je descendrai par la fenêtre de la salle d'eau qui est située juste au-dessus du petit portail des domestiques. Toi, pendant ce temps, tu vas attirer les gardes postés devant ce portail de l'autre côté des jardins. De sorte que je puisse sortir de la Bastille Noire sans encombre. Je compte sur toi, Charlotte. Ne trahis pas ma confiance. S'il te plaît.

La gouvernante, interdite face aux yeux brillants d'espoir de la princesse, répondit par un hochement de tête hésitant.

— C'est d'accord. Mais par Aedan, je vous en prie, faites attention princesse...

— Je te le promets, Charlotte, lui assura la princesse, rayonnante, avant de prendre ses mains dans les siennes. Et surtout, ne sois pas triste ! Je reviendrai, je te le promets. À bientôt, Charlotte.

La Magicienne Sans Cœur (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant