IX. Déception

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Un jour, la magicienne apprit qu'une récompense était promise par les souverains à celui qui capturerait Crudelis et sauverait la princesse Juliette.

Elle décida donc de s'enquérir elle-même de la tournure – qu'elle espérait tragique et déchirante – qu'avaient pris les événements à la Bastille Noire.

Les souverains avaient organisé une cérémonie pour l'anniversaire de la disparition de leur fille bien-aimée. En premier lieu, une messe était donnée dans la chapelle du château, bâtiment aussi austère et sombre que le palais qu'elle jouxtait, dans l'espoir qu'Aedan l'Aimant ou Devon l'Indulgent ramèneraient un jour la princesse à ses malheureux parents.

Lorsque le Dévoué eut terminé sa longue prière prononcée dans un vieux silva hésitant, toutes les bougies s'éteignirent d'un coup. Les murs de la petite église se mirent à trembler, un liquide fluide et écarlate dégoulina sur les têtes dramatiques des statues dorées, les vitraux se fêlèrent à l'unisson. Le visage du Dieu Aedan trônant au dessus de l'autel se brisa en mille morceaux de verre tranchant qui jonchèrent le sol de pierre froide.

Une fumée bleu azur apparut non loin de l'autel et se propagea tel un brouillard impénétrable. De ses entrailles naquit la silhouette longiligne et triangulaire d'une grande femme majestueuse vêtue de noir. Son épaisse capuche de velours ne parvenait pas à dissimuler le sourire éclatant de cruauté qu'arborait fièrement ses lèvres d'un violet intense.

Toute l'assemblée était pétrifiée devant le spectacle de la sinistre magicienne sortie tout droit des légendes qui venait d'apparaître en chair et en os pour la première fois sous leurs yeux ébahis.

Un pouvoir tel que celui-ci ne pouvait être l'œuvre des dieux, pensaient-ils tous avec horreur.

Le roi et la reine se levèrent d'un seul mouvement, et le souverain s'approcha de l'inquiétante visiteuse. Sans attendre, il se mit à bafouiller de surprise, de colère.

— Crudelis ! Que... Que viens-tu faire ici ? ragea-t-il entre ses dents.

— Mais quel chaleureux accueil, j'en suis enchantée ! clama fièrement la magicienne. Eh bien, voyez-vous, cher roi Richard, j'ai appris récemment que vous promettiez une honorable récompense à celui qui retrouverait votre fragile petite princesse disparue. Alors je me suis empressée de venir vous annoncer la bonne nouvelle. Je sais où se trouve la princesse Juliette.

Le roi secoua la tête, abasourdi, la bouche grande ouverte.

— C... Comment ? s'égosilla-t-il, ses joues prenant une teinte rougeâtre. Où est-elle ? Que lui as-tu fait, sorcière ? Dis-le-moi, et je te laisserai la vie sauve.

La femme née de la fumée se mit à rire bruyamment, son caverneux, résonnant. Sa tête balaya l'assemblée où se trouvaient quelques soldats qui avaient décrit plusieurs pas en arrière à son arrivée. Leur chancèlement faisait trembler leur armure.

Son sourire était pourpre, mais avait la couleur du sang.

— Oh ! Mais je ne suis en rien responsable de ce fâcheux incident. Et pour votre gouverne, sachez que je ne suis pas une sorcière non plus. Ce qui signifie que contrairement à elles, je n'ai aucun parti pris et en tant que magicienne, je peux donc engager ma parole, cela votre femme pourra vous le confirmer.

Le visage caché de la magicienne se tourna vers la reine Eléanor, qui cligna des yeux de stupeur. Le roi jeta un coup d'œil rapide à son épouse, qui hocha la tête avec toute la lenteur de sa crainte. Crudelis continua comme si elle ne s'était jamais interrompue.

— C'est uniquement la pitié qui m'a menée jusqu'à vous, Ô grand roi. Je vais donc vous proposer un marché. Je vous dirai où se cache votre fille, et en échange, vous promettez devant vos dieux tout puissants et la Cour toute entière ici présente que vous abandonnez définitivement votre quête obsessionnelle, et ne tenterez jamais de pénétrer ma forteresse.

La Magicienne Sans Cœur (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant