Chapitre 7 • La Folle

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Prise par surprise, je la regarde béatement, et elle me fixe en retour, sans parler, simplement en souriant.

Nous restons une dizaine de secondes à nous dévisager avant que je ne reprenne mes esprits et que je ne recule vers ma chaise, toujours sous le choc de la surprise de la voir venir devant moi sans une escouade complète de gardes du corps.

« Que fais tu ici ?, finis-je finalement par murmurer, trop choquée pour parler correctement.
- Je suis venue te dire au revoir, ça ne se voit pas ? Installe toi, je te prie, j'ai à te parler. »

En me disant ça, elle me montre la chaise derrière moi.
J'enrage, je bouillis intérieurement.
Cette gosse de riche est venue me voir sur mon lit de mort pour m'humilier ?
Et elle pense que je vais la laisser faire son petit jeu sans broncher ?

Au lieu de m'asseoir sur la chaise, je m'avance vers elle. Lorsque j'arrive à sa hauteur, j'essaie de la frapper, mais elle esquive mon coup sans difficulté et appelle quelqu'un à l'extérieur.

« Monsieur, pourriez vous rappeler à mademoiselle Karowll qu'elle ne doit pas me frapper ? Je crois qu'elle l'a oublié...»

Apparaissent alors devant la porte deux pacificateurs et un homme en costard-cravate : le tuteur de Lejie, qui s'est chargé de son éducation ces 2 dernières années, car la pauvre est trop traumatisé par l'attaque pour retourner à l'école.
Évidemment, quand j'avais pensé qu'elle était venue seule, je m'étais trompée...

Ledit tuteur me toise avec un mépris non dissimulé avant de prendre la parole, pour me remettre les idées en place.

« Mademoiselle, au cas où vous l'auriez oublié, mademoiselle Dawson n'est pas une de vos semblables. Elle n'a jamais été contre la loi et n'est pas une vandale dans votre genre. Autrement dit, vous pouvez attaquer les autres criminels, mais vous n'avez aucun droit d'attaquer des citoyens.
- Elle n'a jamais enfreint la loi ? Vraiment ? je réplique avec amertume. Donc, pour vous, harceler quelqu'un est légal et légitime ???»

Son tuteur fait comme si il n'avait rien entendu puis, après un léger échange avec Lejie, repart, suivit par les pacificateurs.

Son comportement m'horrifie. Ainsi donc, c'était un comportement normal selon eux... En tout cas, pour une riche. Si elle avait eu autant d'argent que moi, ce serait Lejie qui serait actuellement dans le camp d'entraînement, ou peut être même sur son lit de mort, en route pour les jeux. Cette seule pensée me fait me sentir un peu mieux.

Je n'ai donc d'autre choix que d'aller m'asseoir sur ma chaise, comme Lejie me l'avait demandé.

Puis elle s'adosse contre le mur et commence à parler.

« Bien, tu sais finalement être raisonnable. Tu t'es améliorée, en deux ans.
Je suis venue ici, comme tu a pu le remarquer, mais je crois que le début de notre discussion n'a probablement pas aidé à notre entente pour les prochaines minutes. Donc, je vais t'expliquer pourquoi je suis là, mais j'aimerais qu'on se mette d'accord pour que tu ne me sautes pas dessus à la moindre occasion. C'est entendu ?»

J'acquiesce, tout en me méfiant. Avec Lejie, on ne peut être sûr de rien, et je la sait capable de me faire dire ce contrat puis de me sauter dessus à son tour, et si je me défend, je serai en tort, car j'aurais rompu le contrat.
Après tout, elle, elle n'a jamais dit qu'elle ne me sauterait pas dessus, mais on ne pense pas à le faire entendre très clairement quand on ne la connait pas, c'est vrai qu'elle est bien trop angélique pour faire ça... Non ?

« À la condition que tu me fasses également la promesse de ne pas m'attaquer.
- Bien sûr. Je ne suis pas comme cela, voyons !
Pour en revenir à ma présence ici, je suis venue car je souhaite te remercier. Cela va probablement te surprendre, mais grâce à ton carnage, j'ai pu rencontrer de nouvelles personnes dans d'autres classes, avec qui je m'entends bien mieux que nos anciens camarades...
- Attend, la coupais-je, je croyais que tu n'allais plus en cours...
- Car je suis traumatisée par l'attaque. Oui. Enfin, ça c'est l'avis de ma mère. Moi, je ne suis pas vraiment traumatisée, vu que ça m'a aidé à découvrir de nouvelles têtes. Et même si je ne vais plus en cours aujourd'hui, suite à la demande de mes parents, je suis toujours en contact avec eux et on s'amuse bien.»

Je me rappelle qu'il y a deux ans, son amusement était de me harceler. Je n'ose pas imaginer son nouveau passe-temps.

« Et tes réactions sur la place ? Ton comportement de victime ?
- Mes parents m'ont inculqué le fait que cet événement m'a traumatisé, Karowll, et je n'ai pas envie de passer pour un ovni à leurs yeux. Donc oui, je joue le rôle qu'ils me donnent. Mais ce n'est pas pour ça qu'il faut me croire faible, car comme tu a pu le constater tout à l'heure, j'ai des armes, qui sont mes gardes du corps.»

Sympathique, la vision qu'elle a de ses gardes du corps. Des objets servant à la défendre.
J'espère pour eux qu'ils ont une bonne assurance vie avec leurs familles respectives, car connaissant Lejie et ses passes temps, leur espérance de vie actuelle est d'environ 3 jours...

« Mais assez blablatté, je ne suis pas venue te raconter ma vie. Je veux te dire que je crois en toi, je sais que tu peux gagner, tu nous a déjà tous prouvé que tu avais la force et le caractère pour ça. Ça ne te changera pas de d'habitude, après tout, tu a déjà tué pas mal de monde.
- Je n'ai jamais tué pour le plaisir.
- Et tu ne tuera pas pour le plaisir, sauf celui du Capitole, tu tuera pour ta survie.
Et quand tu reviendras, tu pourras lancer la contre attaque.»

Je la regarde petit à petit se rapprocher de moi pendant qu'elle me déclame ce discours. À présent, elle est juste devant moi, et me fixe avec une légère folie dans les yeux. Moi, je suis juste perdue dans son charabia.

« Lejie ? De quelle contre attaque parle-tu ?
- Ne t'inquiètes pas, tu comprendras en temps voulu, ils t'expliqueront tout. Tu vas être parfaite pour ce rôle, ton histoire est si vraie !»

C'est à ce moment là que j'arrête de m'intéresser à ce qu'elle raconte. Je ne sais pas qui sont ce "ils", et je n'ai aucune envie de le savoir. Avec un peu de chance, Lejie a du fumer son premier joint peu de temps avant de venir me voir et ça lui a fait l'effet d'un shoot de vodka complet, ce qui expliquerait qu'elle ait eu des hallucinations. La pauvre.

Je continue la conversation en acquiesçant légèrement ses propos de temps à autre, pour qu'elle ne s'en rende pas compte. Au bout d'un moment, les pacificateurs viennent chercher Lejie et elle repart, non sans m'avoir une énième fois souhaité bonne chance et un bon retour au district après les combats.

Et, malgré toutes ses gentilles paroles et ses belles pensées, je sais une chose.
Je hais, et haïrais toute ma vie Lejie Dawson, et son rôle de fille parfaite.

Hunger Games - Laëticia KarowllOù les histoires vivent. Découvrez maintenant