Chapitre 4 • La décision

39 11 24
                                    

Mon cœur bat très fort mais je n'arrive pas à me calmer. Pour la première fois depuis plusieurs années, j'ai peur. Peur pour Charlise.

Car malgré tout ce que je lui ai appris, malgré le fait qu'elle manie les poignards à la perfection, elle n'a pas l'âme d'une tueuse. Elle ne pourra pas s'en sortir si elle y va. Elle se fera tuer, car elle sera incapable de faire du mal à qui que ce soit.

Je tremble. J'essaie de parler mais je n'y arrive pas.
Je me tourne et je la vois qui s'avance dans l'allée centrale. Elle tremble comme une feuille.

Lorsqu'elle arrive à ma hauteur, je m'élance vers elle sans laisser le temps aux pacificateurs de me retenir et la prends dans mes bras. Elle éclate immédiatement en sanglots.

Les pacificateurs me demandent de lâcher Charlise et de retourner à ma place. J'obéis et lâche Charlise.

Puis, avant qu'ils ne me forcent à réintégrer ma place, je m'exclame :

« Je suis volontaire !»

Sur la place, personne ne pipe mot. Et soudain, plusieurs voix se font entendre en même temps : celle de Théa, qui raconte à grand cris que c'est la scène la plus émouvante qu'elle n'ait jamais vue (si c'est vraiment le cas, je dois dire que je la plaint un peu), et plus proche, que je suis probablement la seule a entendre, celle de Charlise qui me supplie de rester avec elle. Je la prends dans mes bras et me tourne vers ma rangée. Je cherche les seules filles en qui j'ai assez confiance pour leur confier Charlise. Je finis par les trouver, toutes deux assez sonnées par la rapidité des évènements.

« Charlise, s'il te plaît, écoute moi. On n'a pas le temps de trop discuter tout de suite, mais on pourra dans l'hôtel de ville d'accord ? Va rejoindre Ambra et Louixia maintenant, et ne les quitte pas.»

Pendant que je parle, Ambra s'approche, et lorsque je finis de calmer Charlise, elle l'a prend par la main et l'entraîne vers la rangée.

Je me relève, en sentant tous les regards sur moi, et m'avance dans l'allée centrale. Tout les "criminels" me connaissent et absolument personne ne s'attendaient à mon sacrifice pour Charlise, malgré le fait que chacun connaisse mon instinct très protecteur envers elle.

Pour les autres, les non criminels en dehors du cercle, je ne suis qu'une fille lambda. C'est probablement pour ça d'ailleurs, qu'ils ne comprennent pas vraiment que les pacificateurs ne nous aient pas séparés plus vite. Parce que ce qui est bien, quand on est chef de file, c'est que même si on est regardé comme un monstre par tout le monde, on a au moins droit à certains avantages, tels que prendre son temps si on est choisit pour la moisson.

Lorsque j'arrive au niveau de l'estrade, Théa me tend la main pour m'aider à monter à ses côtés. Elle a l'air assez surprise d'avoir une volontaire, d'habitude ses tributs vont aux Hunger Games la mort dans l'âme, mais se reprend vite et s'exclame d'une voix chantante :

« Et bien quel retournement de situation ! La petite Charlise s'est faite prendre sa place ! Et dit moi, jeune fille, comment t'appelle-tu ?»

Depuis mon enfance, j'ai appris plusieurs choses, mais une seule importe actuellement.
Si je veux pouvoir gagner, je dois me montrer implacable. Dès maintenant.

« Laëticia Karowll», répondis-je d'une voix de stentor, assez forte pour être entendue de tous, et assez glaciale pour faire comprendre à tout le monde que j'étais prête à tout.

Théa marque un instant de pause, surprise de mon assurance, pendant lequel je recroise le regard de Lejie dans la foule. Elle devait probablement jubiler, la tueuse qui avait faillit lui ôter la vie partait pour mourir à son tour. Mais elle n'en laissais en tout cas rien paraître, affichant toujours la même petite expression de peur qu'au début de la moisson.

Je sors de mes pensées suite au regard insistant de Théa sur moi. Mince. Je crois qu'elle m'a posé une question que je n'ai pas entendu.... Il faut que je trouve un moyen de me sortir de la tout en gardant mon rôle de fille déterminée.

« Excusez moi, je n'ai pas entendu la question ?»

Ce n'est pas extrêmement déterminé, mais ça fera l'affaire en ce qui concerne la politesse... Et puis c'est la seule phrase qui me soit venue en tête, je pouvais pas en inventer une parfaite en 5 secondes...

« Ce n'est pas grave, ma chérie. Je voulais simplement savoir comment tu te sentais ?
- Oh, à vrai dire je ne me sens pas si mal. Je vais même plutôt bien pour l'instant.»

Passé l'instant de gêne, Théa reprend avec les questions réservés aux volontaires chaque année.

« Et quel âge a-tu, Laëticia ?
- J'ai 16 ans.
- Et tu à eu à attendre aussi longtemps pour te porter volontaire ! Oh ma chérie, il ne fallait pas être si timide !
- ...
- Et dit moi, pourquoi t'es tu portée volontaire à la place de la jeune Charlise ? Vous vous connaissez ?
- Oui. Charlise est mon amie et elle n'a rien à faire dans ces Jeux. Personnellement, j'ai déjà tué, je sais ce que ça fait, ça ne me dérange pas de le refaire si c'est pour ma survie.»

Théa me regarde comme si je m'étais transformée en quelqu'un d'autre en quelques secondes. Quelqu'un de plus... mûr.
C'est sur que pour une fois, elle a quelqu'un de volontaire et de sûr en face d'elle, car même si nous sommes tous des criminels dans les Hunger Games, il n'y a pas souvent de volontaire passés les quatres premiers districts.

« Bien, à présent, au tour des hommes ! Qui aura l'honneur de partir aux Hunger Games en compagnie de mademoiselle Karowll cette année ?»

Ce faisant, elle s'approche de la coupelle à sa droite, celle des hommes, et recommence son petit manège. Elle le mélange pendant plus longtemps, peut être espère-t-elle un second volontaire pour notre district. Malgré tout, je pense que le fait de mélanger le bocal pendant plus longtemps ne motivera personne à se porter volontaire.

Après quelques longues minutes à tourner et retourner les bouts de papiers, elle en pioche un parmi les rares encore en un seul morceau et retourne vers son micro, en continuant de sautiller bêtement.

Elle le déplie lentement en chantonnant. Il me prend une soudaine envie de la frapper pour qu'elle se taise et qu'on entende plus sa voix ni qu'on ne la voit plus sautiller pour un rien, mais j'arrive à me retenir.

En revanche, j'arrive à lire le nom inscrit sur le papier avant qu'elle ne l'annonce haut et fort. Et ça ne me plaît pas du tout.

Hunger Games - Laëticia KarowllOù les histoires vivent. Découvrez maintenant