II-4 Roses

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J'asperge mon visage d'eau fraiche en soupirant. C'est le plein été, et je craint la chaleur. Je laisse l'eau couler sur mes poignets en me regardant dans le miroir, commentant a voix basse.

- Quel bordel.
- Je sais pas mec, les gens ont tendance a penser que les choses qu'ils ne comprennent pas sont bordéliques.
- Qui comprendrait ?
- Moi !
- Toi ? Tu comprend mon visage ?
- On peut dire ça.
- Comment ça ?

Je me tourne vers Larry et observe sa nuque. Il me tourne respectueusement le dos, les bras croisés. Il laisse un petit silence puis reprend.

- Tu te souviens la première fois que j'ai vu ton visage ?
- Comment je pourrais oublier ?

Je soupire, souriant malgré moi à ce souvenir, en remettant mon masque en place.

- Tu me fait confiance Sal ?
- C'est quoi cette question ? Tu sais que je te confierai ma propre vie plus qu'à n'importe qui d'autre, non ?
- C'était rhétorique. Suis moi mec.

Il attrape mon bras et me tire dans sa chambre avant que j'ai le temps de protester. Je m'assied adossé a son lit, et il s'installe face à moi.

- C'est ok si je te demande de retirer ton masque et de fermer les yeux ?

Je le dévisage, hésitant à refuser, mais mes mains bougent avant que j'ai le temps de penser.
Quelque longues minutes plus tard, il m'autorise a rouvrir les yeux après un dernier trait froid sur ma peau.
Je met quelques secondes a comprendre que je suis face à un miroir, et agite les mains avec émotion pour empêcher mes larmes a peine formées de ruiner son travail.
Je lui saute au cou et le serre de toute mes forces contre mon cœur. Cet homme est une perle rare, une pièce de collection que j'ai trouvé par pur hasard.

- Oh Larry... Tu es le pire crétin de la Terre... Mais putain tu es tellement doué !
- Heh, voilà a quoi j'ai pensé quand je t'ai vu la première fois. Tu es tout sauf une bête de foire, Sal, tu es tous les motifs et les hasards les plus harmonieux de la nature. Il y a du bordel dans les plus belles choses. Tu es une œuvre d'art par toi même, je n'ai fait que te prêter mes yeux.

Je pleure sans pouvoir me retenir, agrippant ses vêtements, tentant de partager mon émotion  débordant.

- T'es un putain de poète Johnson... Je suis désolé, tout a du couler maintenant...
- Tu en garde les pétales gravé dans la peau.

Je frotte mes yeux, brouillant les vestiges des roses entrelacés qu'il a fait naitre de mes cicatrices d'un simple contour et d'ombres apposés sur ma peau. La texture de mes joues m'évoque le léger accro d'une épine et mes mains tremblent.

- Larry, tu es l'homme le plus mielleux que je connaisse, et j'adore ça.

🍋Singuliers🚬🎸 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant