5 - Le bonheur dans la dépendance

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Dans la tête de Harry – Deux ans plus tard

Depuis près de deux mois, Louis ne fait plus classe avec nous. Je ne le vois plus de la journée. Il n'est pas avec moi, quand nous allons jouer. Il n'est pas avec moi, devant les dessins animés. Le matin, il part avant moi à la cantine pour aider les autres grands à préparer nos plateaux. Et, après chaque repas, ils aident à ramener les bassines et à tout mettre à laver. Oui... Il fait partie des grands maintenant. Alors, les seuls moments où je retrouve mon Lou, c'est lorsque toutes les lumières s'éteignent et que je traverse le couloir pour m'infiltrer dans sa chambre, dans son lit, dans ses bras...

Ce matin, à mon réveil, Louis était déjà parti. Je crois qu'il m'a laissé dormir plus longtemps parce que j'étais un peu malade, ces derniers temps. Personnellement, j'aurais préféré qu'il me réveille pour pouvoir le voir, lui parler et l'enlacer. Je me suis donc levé du mauvais pied. Quand je suis ainsi, je renoue avec mes anciennes habitudes... Je ne parle plus du tout, à personne. Et, dernièrement, ça arrive plus souvent que nécessaire. Il faut croire que depuis que Lou s'éloigne de moi, volontairement ou non, mon bonheur semble le suivre.

Je viens d'arriver dans la cantine et, toujours renfrogné, je ne calcule ni les copains, ni les adultes. Mon pouce à la bouche, ma couverture en main, je me dirige vers ma place et m'y installe, silencieusement. Les plus grands commencent à distribuer les plateaux et, une fois le service terminé, Lou me rejoint à ma table. De sa main, il tire sur la mienne pour éloigner mon pouce de mes lèvres. Et, lorsque mon visage est dégagé, il se penche pour embrasser ma joue.

Le cœur lourd, je ne parviens même pas à lui sourire. Mais, il ne semble pas s'en apercevoir. Il est déjà reparti pour commencer à manger, assis à la table des grands, située un peu plus loin. Entouré de ses nouveaux copains, j'entends son rire résonner comme des milliers d'échos. Une boule se forme dans mon corps, nouant ma gorge. Je n'ai jamais ressenti ça... Ni quand mon père m'a déposé ici. Ni au départ de Steven, que j'appréciais beaucoup. Et encore moins quand il a fallu dire au revoir à Jimmy, que je considérais comme un grand-frère.

Non, je n'ai jamais ressenti une si grande tristesse. Les larmes viennent obstruer ma vue. Toujours sans un mot, je me lève de ma chaise précipitamment. Laissant le plateau contenant mon petit-déjeuner sur la table, je me dirige vers la sortie de la cantine. Je veux simplement être seul... Je ne veux pas être ici et entendre Louis, tandis qu'il est si loin de moi. Bien évidemment, ma fuite ne passe pas inaperçue.

Aujourd'hui, nous sommes surveillés par les deux nouveaux surveillants. Ils ne sont là que depuis quelques semaines. Nathanaël tente de m'appeler mais, je l'ignore, poursuivant mon chemin. J'entends alors Christina lui dire qu'elle s'en occupe. Et, je comprends que ça signifie qu'elle me suit. Ma tristesse grandit plus encore... Si elle vient avec moi, je ne vais pas pouvoir aller dans la chambre de Lou. Je ne vais pas pouvoir laisser son odeur m'apaiser, en m'entraînant dans un voyage à travers nos souvenirs heureux.

Résigné, je regagne ma chambre. J'ai bientôt huit ans pourtant, cette pièce continue de m'effrayer. Elle est le symbole d'un abandon et, sa froideur me pousse à l'associer à mon père. Je déteste tellement être ici. Je m'apprête à faire demi-tour, pour ouvrir la porte d'en face mais, Christina apparaît devant moi. À son sourire, je devine tout de suite qu'elle va me demander de retourner dans la cantine. Ce sourire faux, je ne l'aime pas ! D'ailleurs, je n'aime plus personne ! Je ne veux que Louis... Elle n'a pas le droit d'être là !

- « Harry ? Qu'est-ce que tu as, mon grand ? Il faut y retourner, tu n'as même pas touché à ton assiette... »

Plongé dans mon mutisme, je lui tourne le dos. Mes pas me conduisent jusqu'au lit parfaitement bordé. Je tire sur les draps pour m'allonger sur le matelas. Je ramène alors mes genoux contre mon ventre, remontant mon pouce entre mes lèvres. Christina vient s'accroupir face à mon visage et, ça me met en colère. Je ne veux pas la voir !! Je ne veux voir aucun d'entre eux ! Empli de rage, je tire sur la couette pour la rabattre sur ma tête. Ma couverture noire vient prendre place contre mon visage, me plongeant dans l'obscurité.

Mon Cœur Orphelin - LarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant