Chapitre 11 : Liens du Sang - 1

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Ce mardi matin, Brooke est aux anges ! 

Elle va pouvoir accompagner son père et son frère à un rassemblement de bikers. Il lui aura fallu attendre d'entrer dans sa douzième année pour qu'on lui permette de suivre le club dans cette aventure. Son père l'a déjà prévenue, hors de question de titiller les gens, comme elle en a l'habitude au club. Là-bas, il y aura d'autres clubs, certains sont loin d'être amicaux. Qui plus est, l'alcool coulera à flots sur place, et la drogue sans doute également. Caleb n'a pas caché tout ça à sa fille, dans le milieu où ils évoluent, autant être préparé correctement car tout peut arriver. Mais Brooke est confiante et puis, elle sera sous la protection de son grand frère. Sean a en effet, pris de l'envergure avec les années, c'est devenu un grand gaillard aux bras musclés, toujours prêt à se battre pour impressionner sa petite sœur, et surtout, plus que jamais, protecteur envers elle.


Et si l'adolescent voyage dans le van avec deux prospects qu'il connait bien - et, Brooke le sait, qu'il rêve d'imiter au plus vite en endossant le cuir du club - de son côté elle a négocié. Comme souvent, elle a été tellement insistante que Caleb a fini par céder, de guerre lasse. Elle grimpe donc derrière son père et fait le trajet, les deux bras autour de la taille du motard, fière comme tout.


Le rassemblement n'est qu'à six heures de route de Charlotte, et le club fait de réguliers arrêts afin d'étancher la soif des uns et des autres. Brooke les presse et les houspille, elle voudrait déjà être arrivée sur place. Son frère a déjà pu participer à ce genre de regroupement et il lui a raconté tout un tas d'histoires à ce sujet. D'ailleurs chaque année il lui a ramené un bandana aux couleurs de l'évènement et Brooke les a tous conservés précieusement. 


Ce n'est que lorsque le soleil est déjà couché depuis longtemps que le club des Enfants de la Faucheuse pose pied à terre. On réveille Brooke qui, finalement, a décidé de finir le trajet dans la camionnette pour dormir contre l'épaule de son frère. Caleb et ses deux enfants sont déposés, ainsi que Denis, devant un motel. Pas que le président ou son sergent d'armes aient spécialement envie d'une chambre au lieu des tentes que partageront leurs compagnons dans le champ en contrebas, mais la présence de Brooke nécessite quelques adaptations. Et Caleb ne peut pas prendre son fils et sa fille sur sa moto du coup « tonton Denis » a bien volontiers cédé aux demandes de Brooke de passer le weekend avec eux. Depuis qu'elle a passé les grilles du club alors qu'elle n'était qu'une minuscule gamine, le géant aux cheveux longs n'a jamais rien pu lui refuser et la gosse ne se gêne pas pour en profiter.


Brooke partage donc la chambre de Denis pendant que Caleb et Sean pourront profiter de quelques soirées père-fils bien méritées. Alors que chacun est installé et que la nuit s'étire lentement tout autour du motel, elle s'agite dans son lit avant de soupirer lourdement. Denis ronfle et dort à poings fermés, et ce n'est pas cela qui dérange la jeune fille. Seulement elle a tellement bien dormi dans le van qu'à présent elle ne trouve plus du tout le sommeil. Elle se lève aussi doucement que possible et récupère ses chaussons en forme de petits lapins mauves, pique la veste de Denis, celle aux couleurs du club, qu'elle enfile par-dessus son pyjama. Elle fait aussi peu de bruit que possible et s'éclipse, son petit porte-monnaie couvert de strass, en main, afin de trottiner jusqu'au distributeur de sucreries qu'elle a repéré en arrivant. C'est certain qu'avec un soda et un peu de chocolat, tout rentrera dans l'ordre.


Elle fixe longuement l'appareil, hésitant entre des Skittles ou des Twizzlers, ceux à la fraise bien entendu ! Un bruit qu'elle connait bien lui fait lever le nez et lui tire un large sourire. Une bécane vient d'arriver, suivie d'une autre et encore une. Sans doute le club a-t-il décidé de les rejoindre finalement. Brooke s'élance, ses deux nattes blondes voletant gaiement dans son dos alors qu'elle dévale les escaliers pour se précipiter au-devant du club. Ce n'est qu'une fois en bas qu'un détail, ou plutôt deux, attirent son attention. Le van n'est pas là, et elle ne reconnait aucun de ces hommes. Curieuse, certes, mais intimidée, la gamine recule d'un pas et fait rapidement volte-face quand elle entend leur accent mexicain. Elle en est presque certaine, ceux-là ne sont pas amis avec son club. Et les sifflement méchants dans son dos quand les affreux remarquent la Faucheuse à l'arrière de sa veste lui donnent envie de filer à toutes jambes. Elle se prépare à le faire d'ailleurs mais une grosse main s'écrase sur son visage, contre sa bouche, et la tire en arrière.


La gamine se retrouve plaquée contre le torse épais d'un homme au rire gras qui la fait pivoter et l'amène au milieu des autres. Brooke ne peut pas crier tant la poigne sur sa bouche est implacable. Les autres rient avec lui et plusieurs commentaires sont échangés en espagnol. Finalement l'un d'eux se tourne en parlant au téléphone et Brooke peut lire le nom de leur club. Les Pesadillos, ennemis jurés des Enfants de la Faucheuse !


Un des types parle rapidement dans une radio et un van déboule après quelques secondes qui ont semblé une éternité à la gosse. L'homme qui la maintien toujours fermement a commencé à promener la main qu'il n'a pas plaquée sur sa bouche, sur le corps de Brooke qui se tortille tant bien que mal pour l'éviter. Les grands yeux bleus de l'enfant ont viré rapidement à l'orage et les larmes se sont bientôt mises à ruisseler sur ses joues.


Finalement celui qui la maintenait captive amusé, de ce petit jeu, lui a dit avec son accent horrible.

-T'en fais pas ma jolie, je te laisserai bientôt crier autant que tu veux, et je vais y prendre beaucoup de plaisir.

-Plate comme elle est, c'est pas sur Pablo !

-Bah si ces trous du cul la baisent c'est qu'elle doit savoir y faire, hein ma grande !

Sur ces mots il resserre son étreinte et Brooke sent un petit coup de rein contre son postérieur. Elle essaie à nouveau de crier mais l'homme presse si fort sa main sur son visage qu'elle parvient tout juste à respirer. Les autres, tout autour, rient fort en la dévisageant. Des rires qui n'ont rien d'amicaux. Au plus profond d'elle, Brooke sent, d'instinct, que ces hommes ne se contenteront pas de lui mettre quelques gifles. Leurs yeux parlent pour eux.


Lorsqu'on ouvre les portes du van pour la pousser à l'intérieur, la jeune fille saisit sa chance. Elle inspire et hurle de toutes ses forces.

-Papaaaaa !!!

Elle n'a pas le temps d'appeler son frère ou Denis à la rescousse que le colosse qui la maintenait il y a encore quelques secondes lui envoie sa main en plein visage, la faisant valser en arrière, sur les fesses. Les portes sont refermées et le noir s'abat sur Brooke alors que le van se met immédiatement en marche.


La gosse ne perd pas une seconde, même si elle n'y voit rien. Elle tâtonne autant qu'elle le peut, cherche une poignée, quelque chose. Elle se coupe les doigts en les faisant glisser contre un morceau de tôle tranchante mais elle ne trouve ni arme, ni moyen de sortir. En désespoir de cause, quand elle touche ce qui lui semble être la porte coulissante, elle se met à la frapper de toutes ses forces. D'abord à coups de poings, ensuite à coups de pieds. Sa rage la pousse à frapper encore et encore jusqu'à ne plus sentir ses poings. Elle valdingue d'un côté à l'autre du van dont le conducteur ne fait preuve d'aucune délicatesse. Son front finit par cogner contre une paroi et elle voie trente-six chandelles.


Brooke tente de se remémorer, tant bien que mal, ce que les héroïnes de ses séries préférées feraient dans ce genre de situation. Mais dans la vraie vie il n'y a pas de super pouvoir, de force surhumaine, ou de faux plancher qui cacherait pile poil l'arme qui lui permettrait de s'en sortir. Elle enrage, et elle meurt de trouille également.

Finalement, tout s'arrête, elle n'ose pas remuer. Il fait noir, elle entend tout un tas de voix menaçantes là dehors, et elle a envie de faire pipi. La peur la paralyse !


La porte s'ouvre et c'est l'homme qui l'a attrapée tout à l'heure qui vient s'emparer à nouveau d'elle. Elle le reconnait à l'odeur âcre de sueur qu'il dégage tout autant qu'à son rire gras. Cette fois, hors de question de lui laisser une chance de la faire taire, quand la main se trouve à portée, Brooke plante ses dents dedans, de toutes ses forces. Elle a la satisfaction bestiale d'entendre le hurlement de douleur du type alors que le goût du sang se répand dans sa bouche. Ils s'y prennent à deux pour lui faire lâcher prise, deux hommes, qui lui agrippent les bras et la tirent en arrière. La petite furie resserre la mâchoire et le cri de l'homme monte dans les aigus alors qu'il leur hurle qu'elle va lui arracher la main.


Brooke entend un bruit sourd, elle a une sensation de froid derrière la tête, puis la douleur explose d'un coup dans son crâne, troublant sa vision. La gamine lâche prise et tombe, inerte, sur le bitume. Sa vessie lâche. Tandis que l'urine envahit lentement son pyjama, ses cheveux blonds se colorent de rouge dans l'indifférence totale de ses bourreaux.

Les Enfants de la Faucheuse (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant