L'enfer, dit-on, est pavé de bonnes intentions, mais Brooke vous dirait qu'en réalité, l'enfer possède un splendide parquet en chêne ancien, foulé toute la journée par une bande de filles prétentieuses portant des jupes écossaises. Deux autres jours à peine se sont écoulés mais la jeune fille a l'impression qu'elle est emprisonnée dans cet endroit depuis des mois. Elle a commencé, sur les conseils de Denis, à faire un calendrier où elle coche chaque journée passée. Lui-même avait agi ainsi lorsqu'il a fait de la prison, cela lui permettait de visualiser sa sortie, de garder le moral. Pour Brooke, cela a plutôt l'effet contraire. Chaque fois que son regard se pose sur le calendrier elle y voit ces trois petites croix qui la narguent, encore deux longues journées la séparent de son retour à la maison pour le weekend.
C'est devant ce constat qu'elle finit par attraper son téléphone et appeler son père. L'image est sombre, et l'appareil semble avoir bien du mal à faire le point.
-P'pa t'es caché sous ton lit ? Il fait tout noir !
-Fiches-toi de moi va, figure toi que je suis caché sous le tien, de lit, et que j'y ai trouvé ton journal intime.
-Papa !
L'homme se met à rire, l'œil pétillant, rapidement accompagné par Brooke une fois qu'elle a compris qu'il la fait marcher.
-Dis, tu veux bien me raconter tout ce qu'on va faire ce weekend, la maison me manque.
-Ho, à ce sujet Brooke, j'ai reçu un coup de fil de ton école.
-Tu fais ta tête des mauvais jour, qu'est-ce qu'il y a ?
-Miss Burton m'a dit que tu avais du mal à t'intégrer, et elle m'a parlé de ton pull aussi....bref. Elle pense que ce serait bien pour toi de te faire des copines dans ton école, et je suis d'accord avec elle.
-Bah envoie des filles normales ici et je m'en ferais des copines. P'pa ces filles sont juste affreuses, snobes et méchantes.
-Brooke, écoutes...cette dame-là, elle...elle m'a conseillé de te laisser passer le weekend à l'école, beaucoup d'autres élèves y restent et ils font plein d'activités. Elle pense que ça pourrait t'aider à...
-Non ! Non ! Tu peux pas me faire ça.
-C'est pour ton bien ma puce, crois-moi.
-Et la fête ? Oncle Denis m'a promis une fête.
-Justement avec le club on a des...trucs à faire, tu sais, des choses pour lesquelles je ne peux pas t'emmener.
-Alors tu t'es dit : super je vais abandonner ma fille, ma toute petite fille, dans son horrible école, toute seule, avec ces filles affreuses qui passent leurs temps à la rabaisser !
-Bien sûr que non, mais essaies de profiter de ces deux jours pour ..
-Pour rien du tout ! Je vais rester dans ma chambre toute seule puisque c'est ce que tu veux !
Sentant les larmes monter, la gosse raccroche brusquement le téléphone et refuse de décrocher quand son père rappelle. Enragée, elle éteint son téléphone et s'oblige à respirer profondément avant de serrer les poings et de sortir de la chambre. Son cours d'histoire est dans quelques minutes, elle se met donc en route vers la salle de classe.
Fixant ses chaussures pour ne pas croiser les regards méprisants de la majorité des filles d'ici, la gamine est stoppée net dans son avancée par un groupe de filles qui l'attend, au milieu du couloir, bras croisés et petit air supérieur sur le visage. Sa camarade de chambre se trouve parmi elles mais c'est une autre fille, une grande rousse, chignon serré et appareil dentaire étincelant qui s'adresse à Brooke.
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Les Enfants de la Faucheuse (Tome 2)
Narrativa generaleUne autre femme, une autre destinée, et toujours le même cuir. Brooke Hailey perd sa mère alors qu'elle n'est qu'une toute petite fille, elle se retrouve propulsée dans un univers qui n'a rien à voir avec le cocon douillet qu'elle partageait avec sa...