Les Enfants de la Faucheuse (Tome 2)

Chapitre 12 : Liens du sang - 2

C'est d'abord la pulsation douloureuse à l'arrière de son crâne qui ramène Brooke au moment présent. Groggy, elle n'a pas encore suffisamment émergé pour prêter attention à autre chose qu'à la douleur et au goût âcre qui remonte dans sa gorge. La gamine a juste le temps de tourner la tête avant que le jet acide franchisse la barrière de ses lèvres. La terreur revient lui glacer les membres, elle ouvre les yeux et se souvient de tout ce qui s'est passé. Elle fouille du regard l'endroit où elle se trouve, on dirait une vieille grange. Un jeune hispanique la surveille sans lever le petit doigt pour l'aider. Brooke n'a pas le temps de réfléchir d'avantage, la porte s'ouvre et le faisceau d'une lampe torche vient l'aveugler avec brutalité. La nausée la reprend, plus violente encore. La gosse se recroqueville un instant puis expulse le restant de son estomac sur le côté. Le pull de Denis est imbibé de vomi, tout comme ses cheveux, et c'est cela, en plus de tout le reste qui finit de tirer de grosses larmes de désespoir à Brooke.

La lumière continue de l'aveugler, implacable, et si elle ne les voit pas, Brooke les entend. Les Pesadillos rient à gorge déployée. Ils se moquent de cette pauvre petite chose sans défense qu'ils ont attrapée. La détresse de Brooke les amuse. Il n'en faut pas plus à l'enfant pour se redresser comme un diable qui sort de sa boîte. La tête lui fait atrocement mal et son équilibre est des plus précaires mais elle fixe droit devant elle, cette lampe qui continue à lui brouiller la vue. Elle serre les poings, relève le menton, tend un bras devant elle et envoie à la face de ses agresseurs un magistral doigt d'honneur, donnant tout ce qu'elle a de gros mots et d'injures pour accompagner son geste.

Sa révolte enfantine a au moins le mérite de les faire taire. La lampe se décale légèrement et elle peut lire une certaine forme de surprise dans les yeux des trois gros bras qui lui font face. Ils parlent entre eux, rapidement, en espagnol, du moins c'est ce qu'il lui semble. Brooke sait juste qu'elle ne comprend pas un mot de ce qu'ils se racontent. Mais elle n'en démord pas, fière malgré sa mine piteuse, la petite garde le doigt bien levé face aux affreux.

Le plus jeune avance vers elle, encouragé par ses deux camarades. Il doit avoir un an ou deux de plus que son grand frère. Le garçon semble un peu intimidé, mais ses comparses le poussent dans le dos, se tapent les mains sur les cuisses en riant et l'invectivent en espagnol.

Finalement le jeune homme bondit devant Brooke, saisit sa main tendue et tord son doigt avec force, sans prévenir. La gosse entend un craquement désagréable et ce n'est qu'après que la douleur vient. Irradiant son doigt brisé puis tout son bras. Brooke hurle de douleur, ramenant sa main blessée dans son giron. Le garçon profite de l'effet de surprise pour gifler la gamine, hochant la tête en riant avec ses camarades, visiblement très fier de lui-même. Brooke sanglote en silence, elle se laisse retomber au sol dès la seconde gifle et recule dans un coin de la pièce pour se ramasser sur elle-même.

-Tu reste tranquille maintenant !

Lorsqu'il pivote pour rejoindre ses camarades, Brooke remarque qu'il n'a pas, dans le dos, la tête de mort surmontée d'une araignée qui correspond aux Pesadillos. Il s'agit donc d'un prospect. Il se fait féliciter bruyamment par les deux autres et roule quelque peu des mécaniques, saisissant, dans son dos, sous son cuir, un pistolet qu'il pointe vers une Brooke terrifiée avant de le reposer sur une caisse en bois à côté de lui.

Au motel c'est le branle-bas de combat ! Denis et Caleb, téléphones en main, passent leurs ordres et font jouer leurs contacts. Sean est parti réveiller le gérant qui a bien volontiers accepté de lui montrer les images des caméras de surveillance. L'homme sait que ces gens-là ne plaisantent pas, et aussi qu'ils ne feront pas appel aux flics. Et tant mieux ! Mauvaise pub que d'entendre parler de l'enlèvement d'une enfant sur son parking.