13. Emilia

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Je ferme la conversation des Têtes Brûlées. C'est Tom qui a trouvé ce nom de groupe, lors d'une après-midi où on ne faisait que s'enfiler des bonbons et le meilleur moment avait été quand on s'était fait un concours de vitesse de « manger de têtes brûlées », à la façon des concours de bouffe où on ingurgite un maximum de je ne sais quel aliment (souvent bien gras, il faut le dire !).

Shanice avait failli mourir étouffée pendant que Nassima avait fini sur les toilettes (trop de bonbons n'est pas bon pour la santé, et particulièrement pour l'estomac dans son cas) et moi, j'avais attrapé un point de côté tellement je riais. Du coup, les têtes brûlées, on ne risquait pas de les oublier.

Affalée dans le canapé du salon, je me mordille les ongles. Ça fait dix fois que je commence à taper un message et que j'efface tout. J'ai l'impression que ce que j'écris est pourri, inintéressant. La réponse de Nalo était drôle, sympa. Moi, je me trouve bête et gnangnan. Mais il faut que je lui réponde. Je dois lui répondre !

— Grrr, je maugrée en attrapant un coussin pour y enfouir ma tête. Faut que je commence par me détendre.

Je reste un instant avec le coussin sur le visage avant de le balancer, puis de prendre une bonne inspiration. Allez, bon sang, je ne joue pas ma vie, là. OK, c'est un truc de dingue ce qui m'arrive, mais je ne vais pas passer dix ans à écrire ce message.

Je relis encore une fois la réponse de Nalo en soupirant d'aise. J'ai presque envie d'imprimer ce message pour l'afficher sur mon mur. En grand format. Avec une guirlande lumineuse qui clignote autour, jour et nuit. Non, je plaisante, je n'en suis pas là. Mais le lire encore et encore et encore, ça, oui, je peux le faire. Et d'ailleurs, je ne m'en prive pas.

— Hum.

Je rencontre le regard de Nolan fixé sur moi. Je n'avais pas entendu mon frère arriver.

— C'est quoi ce sourire ? me demande-t-il.

— Quel sourire ?

— Ce sourire niais scotché à ton visage.

Niais ? Toujours sympa le frangin.

— Rien de spécial. Des conneries que me raconte Nassima. Il est où, Ethan ? ,je l'interroge pour faire diversion.

— C'est marrant, j'aurais pas attribué ce smile à une copine, lâche-t-il en éludant ma question. À un mec, plutôt, non ? Ou une nana, mais genre intime.

Je hausse les épaules.

— Je n'ai pas d'ami intime. Quel que soit son sexe.

— OK.

Mon frère n'a pas l'air convaincu.

— Alors, Ethan, il est où ?

— Aux chiottes.

— Charmant.

— C'est toi qui insistes pour le savoir !

— M'en fous qu'il soit aux chiottes, mais aux toilettes, c'est moins violent pour mes oreilles.

Mon frère lève les yeux au plafond en se marrant.

— Ne fais pas la choquée. Raconte-moi plutôt ce que Nassima te disait comme connerie marrante.

Ça, c'est mon frangin bien-aimé tout craché, il ne lâche jamais l'affaire. On va sortir un petit mensonge rapide histoire qu'il me lâche la grappe.

— C'est par rapport à un truc qui s'est passé pendant notre cours de français. Une connerie, quoi.

— Dis-m'en plus.

— Tu me saoules.

— Respecte ton frère, balance-t-il d'un air faussement sérieux. Je suis ton aîné, tu me dois obéissance.

J'explose de rire.

— Et puis quoi encore !

J'attrape le coussin et le balance en direction de mon frère. Il l'esquive sans problème. Puis il fronce les sourcils, poings sur les hanches.

— Ah ouais ? Tu cherches les emmerdes ?

— Qui ça ?

Ethan vient de faire irruption dans le salon.

— Ta sœur, lui répond son jumeau. Elle veut démarrer une guerre.

Sur quoi, Nolan attrape le coussin et commence à le faire tourner en l'air au-dessus de sa tête. Je me mets en boule dans le canapé en riant.

— Non, je n'ai rien fait ! Je n'ai rien dit !

— Trop tard ! Ma vengeance sera terrible !

Nolan se rue sur moi dans le canapé et m'assène des coups de coussin. Ethan le rejoint, chope un autre coussin et contre toute attente, il attaque son jumeau.

— Laisse ma sœur tranquille ! hurle-t-il. Elle est jeune et insouciante !

Je ris à m'en décrocher la mâchoire. C'est quand notre mère quitte la cuisine pour débarquer dans le salon, alertée par le bruit, que la bataille de coussins prend fin. Notre mère nous regarde avec un air ravi.

— Vous êtes un sacré trio, vous le savez, ça ?

On acquiesce tous les trois de concert. Ethan sourit de toutes ses dents.

— On nous le dit souvent.

Ma mère nous laisse, mes frères quittent la pièce peu de temps après. Parfait, Nolan a oublié le pourquoi de notre bataille de cousins. Je n'ai pas eu à développer mon mensonge au sujet d'un « truc qui se serait passé pendant le cours de français ».

Je replonge aussitôt le nez dans mon téléphone. Relis (encore) une nouvelle fois le message de Nalo. Retape (encore) un début de message et au moment où je m'apprête à tout effacer, je m'arrête. Stop ! Je ne vais pas y passer la nuit. Go. Je finis le message. N'efface rien du tout. Et j'appuie sur envoyer.

HOAXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant