HOAX

55. Emilia

Je tombe dans les bras de Shanice. Nassima vient se joindre à nous. Puis Tom fait de même. Nous restons un long moment enlacés, en silence.

Quand on se détache les uns des autres, je remarque qu'on a tous le visage humide. L'émotion est palpable.

— Je suis sincèrement désolée, me dit Shanice.

Nassima acquiesce à ses côtés.

— Pareil.

Chacune me prend par un bras et on pénètre dans le parc. Je ne voulais pas aller dans un café, j'avais besoin de rester à l'extérieur, de pouvoir sentir l'air sur mon visage.

Ma poitrine est oppressée, mon souffle bloqué. J'ai l'impression de peiner à respirer depuis que j'ai appris le décès de Nalo.

On se dirige vers un coin à l'écart du monde. Tandis qu'on s'installe sur un banc, Nassima me demande :

— Y a des infos qui sont sorties ?

Je secoue la tête.

— Je ne me suis pas connectée depuis que je suis sortie de chez moi. Je crois que j'ai peur de regarder ce qui se dit sur internet.

— C'est compréhensible, fait Tom. Tu risques de lire tout et n'importe quoi. Il vaut mieux attendre des infos officielles et pour l'instant, il semble qu'il n'y en a pas. Je n'ai rien lu de tel en tout cas.

Pendant un instant, le silence s'installe. Mon regard se perd dans le vague et je plonge dans mes pensées. J'ai mal au ventre. Mal au cœur. Je voudrais voir Nalo. Le serrer dans mes bras. Me dire que tout n'est qu'un mauvais rêve, qu'il va bien. Que tout ça n'est qu'une blague d'un mauvais plaisantin.

Mais mon esprit, lui, voudrait que Nalo soit devant moi pour que je le gifle de toutes mes forces. Pour les propos qu'il a pu tenir. À repenser à la pression qu'il a exercée sur moi, mon estomac se noue. La colère m'envahit. Tant d'émotions contradictoires m'agitent que je crains de vomir.

— Mimi, doucement...

Soudain, la voix de Shanice me sort de mes pensées. Je prends conscience de la douleur que je ressens dans mes paumes. Je baisse les yeux et constate que mes poings sont si serrés que mes bras tremblent. Je desserre les poings et déplie lentement les doigts. Je découvre de petites entailles ensanglantées laissées par mes ongles plantés dans ma chair. Tout en ne les quittant pas du regard, je dis tout bas :

— Je lui en veux tellement.

— À qui ? demande Shanice.

— Nalo, je chuchote.

Je jette un regard à Tom qui me fixe en retour. Il sait très bien ce que j'ai en tête. Ce qui me hante. Mais les filles, non.

— Il s'est passé des choses avec Nalo, je dis.

— Des choses ? Quelles choses ?

Surprises, intriguées, Shanice et Nassima m'observent, attendant que je poursuive.

Je prends alors une profonde inspiration et je me lance. Comme je l'ai fait avec mon frère et Tom, je vais raconter tout ce qui s'est passé avec Nalo. Tout ce qu'il m'a fait vivre. Les montagnes russes.

Je commence par nos débuts, que Nassima et Shanice connaissent : le bonheur absolu, l'amour grandissant que j'éprouvais pour Nalo, la hâte que j'avais de le rencontrer en vrai.

Puis j'évoque ses demandes. Ses demandes oppressantes auxquelles j'ai cédé. Et sa jalousie. Ses réactions excessives. Et son chantage.

Les yeux ronds, les filles demeurent muettes pendant tout mon récit, visiblement sous le choc de ce que je leur apprends. Quand je me tais, Nassima finit par se pencher vers moi et articule doucement :

— Désolée pour tout ça.

— Quel sale enfoiré ! crache Shanice. C'est bien qu'il soit déjà mort, sinon je l'aurais tué de mes propres mains.

— Shanice ! s'exclame Tom.

— Quoi ? réplique-t-elle sèchement. Tu n'es pas d'accord ? Il ne mérite pas son sort ?

— Ce qu'il a fait est odieux, immoral et illégal. Mais en mourir, c'est une punition un peu trop forte, je trouve. Disproportionnée.

— Je ne trouve pas, moi, lâche Shanice, convaincue.

— Et pour le moment, on ignore de quoi il est mort. Ça n'a peut-être rien à voir avec ce qu'il a fait à Mimi.

— À Mimi ou à d'autres...

Je fronce les sourcils. De quoi parle Shanice ?

— Qui sait, poursuit-elle. Tu n'es probablement pas sa seule victime. D'autres ont pu être confrontés à ce type d'agissements de sa part.

Je n'avais pas encore pensé à cette éventualité. Moi, au milieu d'autres ? Non, c'est impossible.

Je secoue vivement la tête.

— Non, non, il m'avait juré qu'il n'y avait que moi. Qu'il n'aimait que moi.

Shanice fait la moue.

— Mimi, sérieusement ? Déjà, penses-tu sincèrement que c'était de l'amour ? Et crois-tu un traître mot sorti de sa bouche ? Pas moi. Pas après ce que tu viens de nous raconter.

Je me contente d'acquiescer. Shanice a raison. Comment pourrais-je encore avoir confiance en ce que Nalo m'avait dit ?

Mon cœur et mon esprit se livrent bataille, mais je sais pertinemment lequel a raison et lequel a tort.

— Je suis perdue, je lâche cependant, au bord des larmes.

— C'est tout à fait normal, me dit Nassima en m'étreignant.

Une idée tourne en boucle dans ma tête : S'il y avait d'autres victimes ? Et si cela avait un lien avec sa mort ?