23. Emilia

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Shanice revient vers notre table, les bras chargés de boissons.

— T'es sûre que tu ne veux pas un coup de main ? demande une nouvelle fois Tom, en esquissant le geste de se lever.

— Tu laisses ton derrière posé sur cette chaise, sinon je vais te le botter sévère, lui répond notre amie en faisant les gros yeux. C'est pas croyable d'insister comme ça.

Tom se rassoit en levant les mains, en signe de reddition.

— Excuse-moi de vouloir t'aider.

L'air triomphant, Shanice dépose les quatre gobelets sur la table.

— Je me débrouille très bien toute seule, non ?

J'acquiesce vigoureusement.

— Absolument. Cette fois-ci, contrairement aux trois fois précédentes, tu n'as renversé que quelques gouttes sur ton trajet.

Shanice plisse les yeux avec une grimace de mécontentement.

— Tu es mauvaise langue. Absolument rien ne s'est échappé de ces gobelets du comptoir jusqu'à cette table.

Nassima fixe ostensiblement du regard le sol constellé de tâches, puis sourit à notre amie.

— Si tu le dis.

Shanice s'installe à côté d'elle puis brandit son gobelet dans les airs.

— Tchin !

Tom arque un sourcil.

— Avec du café, sérieusement ?

Shanice hausse les épaules.

— Toutes les boissons sont bonnes pour trinquer à la jolie histoire de notre petite Mimi ici présente avec son beau Nalooooo.

Nassima se marre.

— Je crois qu'il n'y a qu'un seul o dans son prénom.

— C'est son pseudo, corrige Tom.

Nassima lui envoie un coup dans l'épaule.

— C'est pareil !

Tom fait semblant d'avoir mal.

— Aïe, s'écrie-t-il théâtralement.

— Arrête ton cinéma, je t'ai à peine touché.

Tom fait la moue.

— Je me fais martyriser dans ce groupe.

J'explose de rire.

— Ah oui, au moins !

Shanice intervient :

— Ne changeons pas de sujet ! Focalisons-nous sur la belle romance.

Je me sens gênée.

— C'est pas une romance, je marmonne.

Shanice et Nassima échangent un regard.

— Vous vous envoyez des messages tous les jours, du matin au soir.

C'est vrai que ces derniers jours, on s'écrit non-stop. Je suis tellement souvent sur mon téléphone qu'il ne vaut mieux pas que j'aille voir mon temps d'écran...

— Et depuis peu, tu ne nous partages plus ce que vous vous dites, ajoute Nassima avec un air déçu.

— C'est que c'est privé, je marmonne encore plus bas.

Tom prend ma défense.

— Elle fait bien ce qu'elle veut. Si elle préfère garder des choses secrètes, c'est son choix.

— Je ne veux pas garder des choses « secrètes », mais...

— Mais tu as envie d'en profiter seule, complète Nassima en m'adressant un clin d'œil.

C'est exactement ça. J'ai envie que cette histoire ne concerne plus que Nalo et moi.
Au début, j'ai aimé partager à mes amis les différents messages que Nalo m'avait envoyés. On en discutait, les filles et Tom tentaient d'interpréter certaines tournures de phrases, me donnaient des conseils sur ce que je devais répondre (conseils que je ne suivais pas franchement, ça, mes amis l'avaient vite compris).
Mais maintenant, je n'ai plus envie que ma discussion avec Nalo continue d'être un sujet de conversation avec mes amis.

Je hausse les épaules, avant de boire une gorgée de mon café.

— Je crois que je m'attache à lui, je leur confie ensuite.

En réalité, j'en suis certaine.

Nassima et Shanice me regardent, l'air tout attendri.

— Oh, c'est trop mignon !

— C'est trop trop mignon, même.

Tom me sourit.

— Tu as les joues toutes roses.

Je désigne mon gobelet.

— C'est à cause de ma boisson.

— Tu bois du café, pas de l'alcool.

— Certes.

Nassima se lève pour venir me prendre dans ses bras.

— Je suis trop contente pour toi.

Shanice l'imite. Je me sens compressée entre mes deux amies.

— Tu as raison. Profite de votre histoire. Tu nous partages ce que tu veux nous partager, on ne t'embêtera plus avec ça.

Tom m'adresse un petit sourire.

— Juste, fais attention.

Les filles lèvent les yeux au plafond. L'une dit :

— Sois pas jaloux !

Puis l'autre :

— Tout le monde n'a pas la chance de vivre une belle histoire avec son youtuber préféré.

J'en suis consciente. J'ai de la chance. Et chaque jour, je me dis que je ne dois pas me demander de quoi demain sera fait, je dois profiter de l'instant présent.





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