80. NALO

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Je raccroche et serre mon téléphone dans mon poing. Putain. Encore une personne qui me reproche d'avoir eu je ne sais quelle conversation inappropriée. Je ne peux pas croire qu'il a été jusque-là. Bordel de merde, il a complètement perdu la tête ! Je suis hors de moi.

— Qu'est-ce qui t'arrive ? Pourquoi t'es si énervé ? me demande Jess, pour la énième fois.

Je n'ai pas envie de lui parler de tout ça. C'est avec Alec que je dois parler. C'est avec lui que je dois clarifier la situation. C'est pas possible. Il n'a pas pu faire de la merde comme ça.

Putain, je me suis toujours donné la mission de le protéger. Depuis le départ de notre père, puis le décès de notre mère, je me suis toujours dit que je me devais de m'occuper de lui. Comment peut-il en être arrivé là ? Comment peut-il me faire ça ?!

— Nathan ! Réponds-moi !

Je me force à sourire et passe nonchalamment une main dans mes cheveux.

— Un deal que j'ai perdu à cause d'un autre putain de youtubeur.

— Un deal ?

— Oui, je me suis fait volé un contrat, c'est tout.

Le visage de Jess se détend. Elle sait que ce genre de situation m'arrive de temps en temps et que je passe vite à autre chose. Des contrats, j'en ai à la pelle. Donc un de plus, un de moins...

— OK. Je vais me préparer, me dit-elle, rassurée, avant de filer sous la douche.

Je m'affale dans le canapé et jette un œil par la baie vitrée. On est au dernier étage et la vue est magnifique. J'ai obtenu la chambre la plus grande de l'hôtel. Faut dire que le gérant sait la pub que ça va lui faire de m'accueillir dans son établissement. D'ailleurs, faudra que je fasse une autre publication avant qu'on aille au resto.

J'hésite à appeler Alec, mais au ton de ma voix, il va savoir que quelque chose ne va pas et je ne veux pas prendre le risque qu'il prenne la poudre d'escampette. Il a trop souvent tendance à disparaître quand les choses ne vont pas dans le sens qu'il veut.

Ça y est, Jo et Max débarquent, prêts à sortir faire la fête. Jess est de retour peu de temps après, changée et apprêtée pour le resto. Alec n'est pas encore là. Qu'est-ce qu'il fabrique ?

— J'ai la dalle ! lance Jo.

Max frotte ses mains d'excitation.

— Le Mystique, je rêve de tester ce resto depuis un bail.

— Pareil ! s'exclame Jess en vérifiant sa coiffure dans le gigantesque miroir de l'entrée.

Elle est sublime dans cette robe.

— Tu es superbe, bébé, je lui dis.

Le sourire qu'elle affiche me donne envie de l'embrasser. Je ne me gêne pas pour le faire. Je la serre contre moi et respire son odeur. Cette fille me rend dingue. Je suis le gars le plus chanceux, ça, c'est certain.

— On va manger ? murmure-t-elle contre mes lèvres.

Je me détache doucement et lui réponds :

— Partez devant. J'attends un coup de fil pro et je vous rejoins.

— On peut t'attendre, dit-elle.

— Appel confidentiel, je chuchote avec un clin d'œil.

Jess esquisse un sourire. Dans ces cas-là, ça ne sert à rien d'insister. Depuis le temps qu'on est ensemble, elle sait que quand je suis en négociation avec une marque, je ne dévoile jamais rien à personne, même elle !, tant que tout n'est pas balisé et que le contrat n'est pas signé de part et d'autre.

— On va prendre l'apéro, alors ! lance max en se dirigeant vers la porte, vite suivi par Jo et Jess.

Juste avant de sortir de la pièce, elle m'envoie un baiser.

— Tu fais vite, hein ?

J'acquiesce. La porte se referme derrière eux. À partir de cet instant, je me mets à tourner en rond comme un lion en cage. Je descends un verre. Puis un autre. La colère me donne soif. Même si je suis conscient que c'est une très mauvaise idée, je descends la bouteille posée sur la table basse devant moi.

J'étais vraiment sûr qu'Alec m'avait écouté la dernière fois. Et surtout, je l'ai cru quand il m'a dit que c'était une erreur, une seule et unique erreur qui ne se reproduirait pas. C'était arrivé comme ça, il s'était mis à discuter avec cette nana en se faisant passer pour moi et plus le temps passait, plus il avait eu du mal à lui avouer la vérité. Si je ne l'avais pas pris en flagrant délit, ça ne se serait jamais arrêté. Maintenant, j'en suis convaincu, même s'il m'avait assuré le contraire. Il s'est bien foutu de ma gueule.

Mais putain, des nudes ?! C'est quoi ce délire ?! Bordel, demander des photos à des gamines ?! Des mineures. Ça, c'est nouveau ! Il a complètement perdu la tête ! Et putain de bordel, en mon nom, en plus !!

Alec fait son apparition alors que je suis sur le point de craquer et de l'appeler. Il a les joues roses et l'air joyeux. Il a donc déjà commencé sa soirée.

— Salut frangin ! lance-t-il. T'es pas déjà au resto ?

— Je t'attendais, je réponds froidement.

Il hausse un sourcil curieux.

— Ah ouais ? Pour ?...

Je brandis mon téléphone en l'air.

— Tu as demandé des nudes à des mômes en mon nom ?!

Il secoue la tête.

— Hein ?! N'importe quoi.

Il ose nier farouchement. De rage, je jette mon téléphone par terre. J'avance vers mon frère et je m'immobilise à quelques centimètres de son visage. Je plonge mon regard dans le sien. Je rêve ou il sourit ?

— Détends-toi, frérot, lâche-t-il. Tu ne veux pas qu'on aille retrouver les autres ? J'ai soif.

Aussitôt, ma main droite part. La gifle claque dans le silence de la pièce. Alec explose de rire.

— Je ne te croyais pas aussi hargneux !

Je le pousse. Il part sur le côté sans tomber. Il affiche toujours ce putain de sourire narquois.

— Comment oses-tu ?! Après tout ce que j'ai fait pour toi, tu te fous de ma gueule de la sorte ?! Tu utilises mon nom, mon image pour faire de la merde ?!

Son sourire s'évapore.

— Tout ce que tu as fait pour moi ? Redescends ! Je me suis fait tout seul !

À mon tour d'exploser de rire. C'est la blague du siècle ! Si je n'étais pas là à le soutenir, à payer pour tout et n'importe quoi, je ne préfère pas imaginer ce qu'il ferait de sa vie.

— Sans moi, tu ferais quoi ? Sans mon putains de fric, tu ferais quoi ?! Hein ??

Alec s'approche et me crache au visage.

— Tu m'as volé ma vie. C'est moi qui devrais être célèbre. C'est moi qui ai commencé en premier sur les réseaux. Les vidéos humoristiques, c'était mon idée ! Tu m'as volé mon idée ! Ce n'est pas moi qui ne suis rien sans toi, c'est l'inverse ! Tu me dois tout. Tout, tu entends ?!

Il a hurlé ces mots. Puis un nouveau sourire moqueur étire ses lèvres.

— Et c'est toi qui as demandé des photos à ces nanas. Ce sont tes photos privées que tu leur as envoyées. Pas les miennes.

La colère m'envahit. Je vais pour me jeter sur lui quand mon pied glisse sur quelque chose. C'est mon téléphone. Je cherche à me rattraper, mais je sens que je pars vers l'arrière. Je tombe à la renverse et ma tête vient heurter violemment un coin de la table basse. Je m'écroule par terre. La douleur est indescriptible. Je sens un liquide chaud s'étendre derrière ma tête.

Alec est debout, devant moi. Il se met à bouger, ses lèvres s'entrouvrent pour dire quelque chose au moment où mes yeux se ferment et ma respiration devient laborieuse. C'est trop tard. Je n'entends plus rien. Je n'arrive plus à faire le moindre mouvement. Je suffoque. Je perds connaissance. Tout est noir autour de moi. Complètement noir.



HOAXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant