75. Emilia

300 29 4
                                    

Me voilà de nouveau dans le bureau de l'inspecteur de police, mais cette fois, je suis seule. J'ai dit à ma mère que je n'avais pas besoin d'être accompagnée et j'ai assuré la même chose à l'inspecteur.

— Vous avez donc de nouvelles informations ? me demande-t-il, l'air intéressé.

Je hoche la tête.

— Oui. Cependant, j'ai lu que vous étiez proche de clôturer l'enquête, donc je ne sais pas ce que vous allez en faire mais...

— Aucune enquête n'est close, me coupe-t-il. Et notamment l'instruction en ce qui concerne les photos dénudées.

— C'est vrai ? Mais je pensais que comme Nalo, enfin Nathan Lostier, était mort, on ne pouvait pas le poursuivre ?

L'inspecteur m'adresse un petit sourire. Je ne sais pas si c'est dû à ce sourire ou au ton qu'il emploie pour me parler, mais je le sens bien plus empathique que la première fois que je l'ai rencontré.

— Tout à fait, me répond-il. Il n'empêche qu'une instruction peut être ouverte contre x. Très vite, il s'est révélé clair que nous n'avions aucune certitude qu'il s'agisse de Monsieur Lostier derrière ces messages. L'enquête devait donc le déterminer. Dans son téléphone, que nous avions saisi, il n'y avait pas de traces de vos échanges. À la suite de votre passage dans nos locaux, d'autres personnes sont venues apporter leurs témoignages. L'instruction suit donc son cours.

— D'accord.

Je me triture les mains avant de les poser à plat sur mes cuisses.

— Du coup, je pense qu'il est normal que vous n'ayez pas trouvé de conversation entre Nalo et moi. Ce n'est pas qu'il les avait effacés, c'est que ce n'était pas sur son compte principal qu'on aurait pu les trouver. C'était sur un compte qu'il disait secret, sûrement pas connecté tout le temps s'il lui appartenait.

— Hum hum, fait l'inspecteur en acquiesçant vigoureusement, comme pour m'encourager à poursuivre, vu que ces informations, je les lui avais déjà communiquées.

— Comme vous le savez, je ne suis pas la seule à avoir discuté avec Nalo, ou celui qui se dit être Nalo, et à avoir reçu des photos de nus pour m'encourager à en envoyer aussi. Les photos étaient les mêmes à chaque fois, pour chacune d'entre nous.

— Jusque-là, rien de surprenant, vous savez, me dit l'inspecteur. Dans d'autres enquêtes du même type, nous sommes malheureusement souvent confrontés à des faits similaires. La personne ne s'embête pas à diversifier les photos. Elle en choisit quelques-unes qu'elle enverra à toutes ses victimes.

— Là, ce qui était surprenant, c'était que ces photos, n'importe qui ne pouvait pas les avoir. Si ce n'était pas Nalo, c'était quelqu'un de proche ou qui avait du moins accès à son téléphone.

L'inspecteur sourit. Il me regarde de manière bien plus douce que la dernière fois.

— Bien vu, mademoiselle. Et ce sont les pistes que nous explorons.

— J'ai regardé toutes ses vidéos et j'ai trouvé quelque chose. J'en ai parlé aux autres victimes et c'est cette info-là que je voulais vous donner.

Le sourire de l'inspecteur s'élargit.

— Nous y arrivons donc.

— La personne avec qui nous parlions avait une expression qui revenait tout le temps, que ce soit par écrit ou au téléphone. Il disait souvent « en vrai » ou « en vrai de vrai ». Je n'avais pas du tout tilté jusque-là que Nalo n'utilisait jamais ces expressions, en tout cas pas dans ses vidéos. Dans son quotidien, ça, on ne peut plus le savoir maintenant. Mais il y a quelqu'un d'autre qui apparaît souvent dans ses vidéos et qui, lui, l'utilisait souvent.

— Qui donc ? Je suis tout ouïe.

Le silence plane quelques instants.

— Son frère, Alec.

L'inspecteur griffonne sur son cahier, puis reporte son regard sur moi.

— Intéressant. Vous êtes cependant consciente qu'un tic de langage ne suffit pas à incriminer une personne ?

— Évidemment. Mais c'est suspect, non ?

L'inspecteur ne répond pas. Il note encore quelque chose.

— Son frère, c'est un proche, j'ajoute. Et il a accès à beaucoup d'infos, peut-être même au téléphone de Nalo, à ses photos, à ses vidéos, à ses messages, voire à ses comptes sur les réseaux sociaux. Donc...

— Donc, ça vous pose question.

— Pas à vous ?

L'inspecteur sourit une nouvelle fois.

HOAXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant