HOAX

48. Emilia

Nalo est là. À côté de chez moi. Comme il l'avait annoncé, il est bien là. Dans ma ville. À Saint-Louis. Il ne mentait pas. Il ne plaisantait pas.

Trop d'émotions me submergent et se mélangent. De la peur, car il est là, tout proche. De l'excitation, aussi, car il est là, tout proche. Et du bonheur, car il a bien fait ce qu'il a dit. Il s'est débrouillé pour venir près de chez moi, pour qu'on se voie.

Mais après ses derniers messages, vu comme la situation a changé, je n'ai plus le sentiment que ce soit une bonne idée. Au fond de moi, j'ai encore envie de le voir, de le prendre dans mes bras, même de l'embrasser. Mais je sais que c'est une mauvaise idée. Une très mauvaise idée.

Je reste un moment affalée là, sur le sol de ma chambre, adossée contre le mur. Je me sens si mal. Si perdue. Je me force à inspirer, puis à expirer lentement. Mon rythme cardiaque ralentit. Ma nausée se dissipe. Je me redresse et vais me mouiller le visage dans la salle de bain. Ça me fait un bien fou.

Ça sonne à la porte. Je suis seule à la maison. Je ne réponds pas. Qui que ce soit, il repassera.

Ça sonne une nouvelle fois. La personne insiste. Je me résigne à aller voir.

J'entrouvre la porte d'entrée et découvre Tom sur le seuil.

- Qu'est-ce que tu fais là ? je m'étonne.

- Tu ne répondais pas au téléphone et Nassima m'a dit que ça n'allait pas du tout.

- Pas du tout, c'est un peu fort.

Non, ce n'est pas fort. C'est exactement ça. Ça ne va pas du tout. Je sens les larmes monter. Je cligne des paupières pour les repousser. Sans succès. Elles se mettent à couler abondamment le long de mes joues. Tom entre et vient me prendre dans ses bras. Il me serre fort contre lui.

- Emilia, qu'est-ce qui se passe ?

Je m'essuie les yeux et me racle la gorge.

- Je... C'est...

- On va s'asseoir, d'accord ? Et tu m'expliques tout.

La gorge serrée, j'acquiesce. On se rend dans ma chambre et Tom me fait asseoir sur mon lit.

- Je peux tout entendre, tu le sais.

- Tu n'as sûrement pas envie de tout savoir.

- Détrompe-toi.

Je vais céder. Je vais tout lui dire. Tout lui raconter. J'en ai besoin.

Je prends une profonde inspiration et je me lance. Je repars du tout début, lui redis ce qu'il sait déjà : les supers messages que Nalo et moi on s'envoyait, les discussions sans fin qu'on avait, puis je parle des photos. J'évoque ensuite les demandes de plus en plus présentes de Nalo, notamment pour des vidéos, et, dernièrement, son chantage, ses menaces.

- Quoi ?!

C'est la voix d'Ethan qui s'élève brutalement. Je tourne la tête et découvre mon frère sur le seuil de ma chambre. Il me fixe, le visage fermé.

- Tu es là depuis longtemps ? je lui demande.

- Suffisamment pour avoir entendu ce que ce putain d'enfoiré te fait subir.

- Ethan...

- N'essaye surtout pas de le défendre !

- Ce n'était pas mon intention.

Ethan vient s'accroupir devant moi et plonge son regard dans le mien. J'y vois tant de tendresse que ça me serre le cœur.

- Tu n'as rien fait de mal.

Ses mots me font éclater en sanglots. Pour moi, je possède une part de responsabilité dans ce qui se passe. Jamais je n'aurais dû envoyer la moindre photo. Et pas de vidéo, non plus.

- Oui, il a raison, appuie Tom. C'est Nalo, l'enfoiré. Il n'avait pas le droit de faire ce qu'il a fait.

- Merci, je murmure.

Ethan bouillonne de rage.

- C'est un putain de sale type ! Pour qui il se prend ? Parce qu'il est connu, suivi par des millions de gens, il croit qu'il est au-dessus de tout ?

Je baisse la tête, regarde fixement le bout de mes pieds.

- Non, enfin, je ne sais pas... Peut-être que si je n'avais pas...

Mon frère attrape doucement mon menton et me fait relever la tête.

- Je t'interdis de culpabiliser !

- Le comportement qu'a eu Nalo est inadmissible, dit Tom. Pas le tien.

J'opine lentement du chef.

- Je sais.

J'en suis plus que consciente. Si j'étais surtout triste et blessée, maintenant que j'ai formulé à voix haute tout ce qui se passe avec Nalo, c'est la colère qui est en train de prendre le dessus.

Comment Nalo peut-il me faire vivre un tel enfer ? Je n'ai fait que tomber amoureuse de lui et répondre à ce qu'il me demandait. Enfin, jusqu'à un certain moment. Jusqu'à une certaine demande. Oui, désormais, c'est la colère qui m'anime.

- Je vais lui parler, j'annonce. Je vais parler à Nalo.

Tom et Ethan échangent un regard.

- On le fera avec toi, assène Tom.

Je ne peux m'empêcher d'éclater de rire.

- Vous êtes mignons, mais je ne suis pas une demoiselle en détresse. Ce que je vis m'a jetée au fond du gouffre, oui, mais je suis capable de remonter la pente toute seule, comme une grande.

- Mais si besoin... commence Ethan.

- Je peux compter sur vous, je complète.

Mon frère confirme d'un mouvement de tête.

- Il vaut peut-être mieux que ce soit toi qui gères cela, de toute façon. Ça risquerait de mal tourner si je m'en chargeais.

Tom lance un regard entendu à mon frère et dit :

- Pareil.

J'affiche le sourire le plus convaincant possible.

- Alors, ça tombe bien, je m'en occupe.

C'est sûr, je le ferai. Je parlerai à Nalo. Juste pas maintenant, pas tout de suite, peut-être plus tard ce soir, peut-être demain. Quand je m'en sentirai capable. Mais je le ferai. Il ne s'en sortira pas comme ça. Hors de question.