"Maudis soient Luke et ses émotions."

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Rouvrant les paupières, Inès décida qu'elle devait faire quelque chose à ses mains avant que ça ne s'aggrave. Elle avait tellement mal que des étoiles tourbillonnaient en feux d'artifices devant ses yeux. Mais elle refusait de se laisser aller et se leva pour se diriger vers la salle de bain. La maison était redevenue silencieuse et elle retrouvait cette solitude qui hantait ses cauchemars. Kai semblait s'être à nouveau volatilisé mais elle restait sur ses gardes. Il était puissant, et elle avait compris à ses dépens que, même si elle ne pouvait le voir, cela ne voulait pas dire qu'il ne l'observait pas.

Elle posa son matériel sur le meuble adjacent au lavabo et déroula les torchons entourant ses plaies, les jetant sur le carrelage blanc. La jeune femme prit ensuite la bouteille d'alcool et en aspergea successivement ses deux mains ce qui lava le sang et désinfecta en même temps. Elle les porta alors devant son visage pour observer les plaies et elle due se retenir pour ne pas vomir. La chair était déchirée sur plusieurs centimètres, le sang coulait toujours et elle ne préférait pas savoir si les points blancs qu'elle apercevait à certains endroits étaient des os ou le carrelage qu'elle pouvait voir à travers les trous de ses paumes.

Inès était blanche comme un linge. Comment allait-elle pouvoir se soigner ? Elle n'était pas une sorcière et encore moins une infirmière. Elle n'avait jamais cousu de sa vie, ni sur tissu ni dans de la chair humaine. Et pourtant elle devait y arriver. Elle pensa alors à Bonnie qui avait su faire face à ce genre de situation et l'imagina à sa place. Que ferait-elle ?

Comme par automatisme, Inès attrapa une boite de comprimés indiquant des antidouleurs et en avala quelques-uns. Tout était difficile à manier lorsque vos mains sont réduites en charpies. Mais elle réussit malgré la douleur à extraire une aiguille et du fil à suturer de la boite à pharmacie. La vraie complication vint toutefois quand elle due passer le fil dans l'aiguille. Ses mains tremblantes et sa vue qui avait tendance à se brouiller ne lui facilitaient pas la tâche. Et moins elle y arrivait, et plus elle s'énervait. Ce qui évidemment ne fit qu'empirer les choses.

« Putain ! Cria-t-elle de frustration après une énième tentative infructueuse. »

Par chance, la suivante fut la bonne et elle parvint enfin à réunir fil et aiguille.

Kai l'observait par la porte entrebâillée, dissimulé par son éternel sort d'invisibilité. Cet horrible sentiment de regret avait refait surface en lui. Maudis soient Luke et ses émotions.

Cela l'avait poussé à venir voir la conséquence de ses actes. Jamais auparavant il ne s'était soucié des répercussions de ses impulsions. Mais il ne pouvait s'empêcher de le faire en ce moment même. Et le jeune sorcier tentait tout ce qu'il pouvait pour que ce sentiment de remord s'en aille. Et si cela signifiait donner un petit coup de pouce à Inès dans sa guérison alors il le ferait.

C'est pour cette raison qu'il se trouvait là, faisait un modique sort de mouvement pour qu'elle réussisse finalement à passer ce fil dans le trou de cette aiguille. Mais elle ne devait pas savoir qu'il l'aidait. Il perdrait tout le pouvoir qu'il avait sur elle, toute cette peur qu'il lui inspirait.

Inès, inconsciente de l'aide de Kai passa ses mains sous l'eau avant de prendre l'aiguille dans sa main droite.

« Allez, c'est parti. Murmura-t-elle pour se donner du courage. »

Elle rapprocha plusieurs fois la pointe de sa paume sans oser l'y enfoncer. Il fallait qu'elle soit courageuse. Ce serait faire plaisir à Kai que de mourir si bêtement que d'une hémorragie. C'est cette pensée qui lui donna le courage de finalement planter l'aiguille sous sa peau. La première vague de douleur fut la plus insupportables. Elle la fit vaciller, ses jambes fléchirent mais elle resta tout de même debout, les larmes roulant sur ses joues. Elle continua sa besogne, faisant les points le plus proprement possible alors qu'elle pleurait de douleur.

Suturer la main gauche fut bien plus difficile pour Inès qui était droitière. Mais elle avait atteint un stade de douleur tel qu'elle ne différencierait plus une piqure de moustique d'une amputation. Seule sa volonté l'empêcher de s'évanouir. Et la jeune femme accomplit la même besogne sur la paume et le dos de la main gauche.

Ses points étaient discontinus, maladroits, mais le flux abondant de liquide rouge qui s'échappait auparavant de ses blessures s'était enfin tari. Elle désinfecta une dernière fois avant d'Appliquer les compresses qu'elle fixa avec du sparadrap. C'était enfin terminé.

Elle ne croyait pas qu'un jour elle aurait été capable de faire une telle chose. Mais la volonté de rester en vie était plus forte que tout et lui ferait faire n'importe quoi.

Inès resta quelques minutes où elle se trouvait, à regarder son visage pâle dans le miroir, ce reflet qu'elle ne reconnaissait pas comme sien. Ces cheveux semblaient plus ternes, son teint moins lumineux, ses yeux éteints, ses joues creusées. Elle n'était plus qu'un fantôme, une ombre errant dans un monde parallèle duquel elle ne connaissait rien.

La jeune femme détacha enfin les yeux de son reflet et sorti d'un pas lent pour rejoindre sa chambre. Kai s'esquiva avant qu'elle ne lui rentre dedans. Les gélules qu'elle avait prises pour retirer sa douleur commençaient à l'assommer. Elle réussit à atteindre le bord de son lit. Mais ses jambes cédèrent avant qu'elle ne réussisse à y monter. Elle se résolut donc à s'assoir par terre. Remontant ses jambes contre sa poitrine, elle rapporta ses mains douloureuses sur son torse et s'endormie en pleurant, épuisée si bien physiquement que mentalement. Elle avait était bien assez courageuse pour cette journée. Résister serait stupide. Si Kai voulait la tuer pour se venger, elle n'avait plus rien à perdre. Elle lui serait même redevable de l'extraire à ses souffrances par la mort. Elle était incapable de se la donner elle-même.

C'était la première fois qu'elle pensait au suicide, mais il l'avait poussée dans ses retranchements. Et même si elle n'y penserait surement plus le lendemain, toute cette douleur qu'elle ressentait la poussait à le vouloir. A vouloir voir la mort s'approcher avec sa faux portant la destinée dans sa lame d'acier. Mais ce ne fut pas la mort qui accompagna ses dernières pensées mais un assoupissement comateux qui l'emporta dans les limbes d'un sommeil paradoxal peuplé de rêves mais surtout de cauchemars.

Wanna play a game ? {Kai Parker} (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant