Ambiguité...

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Quand Lou rentre, Noah me tient la main et je le regarde d'un regard d'amour. Euh d'amitié sincère. Cette «amitié» nous fait quand même sursauter au bruit du verrou.

Je pense alors que travaille demain. J'irai à vélo. Je pourrais pas promener les chiens avec les résidents quasi-autonomes.

Je ne devrais pas avoir de préférences parmi les patients mais je suis humain. Je peux cocher la case « je ne suis pas un robot » sur internet (oui je sais, vous aussi vous trouvez ça inutile mais c'est une chance !). Mes préférés sont Germaine Lefol (qui n'est pas folle, ou pas plus que moi), Gervais Bouiller (ancien prof d'histoire radoteur) et Syrine Sifa. Souvent quand je suis avec eux, René et Josette me suivent fidèlement. Je les aime beaucoup même s'ils ne sont pas très bavards. Quand je leur parle, je vois leurs yeux brillants et inexpressifs me contempler en retour. C'est mignon. Ils sont très doux, avec le poil mi-long. Leurs principaux défauts c'est de ne pas être autonome pour leurs besoins, de baver continuellement, et d'être surexcités tous les matins. On a besoin de leur ouvrir la porte à chaque fois. Leurs qualités sont leur bonne humeur inébranlable, leur bon caractère, leur poil facile d'entretien et ce sont des bons chiens affectueux. René est un... porte et fenêtre. Un bâtard, quoi. Josette est croisée Cocker, Labrador et Braque d'Auvergne . Je leur ai donné des prénoms de vieux pour mettre les résidents à l'aise. Enfin bref.

Lou hausse un sourcil, voyant que mon esprit fait l'autruche, devant une scène ambiguë et bien gênante, autant pour ma petite-amie que pour moi.
Elle cligne des yeux, posé successivement son regard sur moi puis sur son charmant colloc, ouvre la bouche, la referme, ferme les yeux, inspire profondément, expire silencieusement, et me dit:
« Ça tombe bien que vous pleuriez comme des fontaines les gars, j'ai acheté des mouchoirs en rentrant. »
C'est mon tour d'être surpris. Tout ça pour ça ? Ok...
Et elle ajoute:
« Liam, est-ce que tu pourrais POUR UNE FOIS ranger symétriquement tes chaussures et ton manteau ? Bernard, il faut qu'on parle. »
Nous obtempérerons en silence, les yeux baissés, comme si c'était notre mère qui nous sermonnait.
Elle me fait signe de la rejoindre dans la cuisine et me regarde d'un air grave.
« Voilà... ça fait des mois que j'y pense, des mois que je réfléchis, des mois, que dis-je, des secondes, des minutes, des heures, des jours, des semaines entières que ça me trotte dans la tête. Ce soir a été le soir de trop. Ça prend trop de place dans ma tête, je pense qu'à ça. »
Houlàlà, ça sent pas bon. Quand elle est comme ça, elle me fait peur.
« Bernard, dit-elle en mettant un genou un terre
(au secours je veux pas me marier!),
est-ce que tu veux bien...
me faire le plaisir...
Dégage Liam! ...
Et changer de chaussures et acheter des chaussons ? » finit-elle enfin en m'enlevant mes godasses.
Ouf !
« ... euh quoi ? Enfin... que... mariage... oui je... je m'en charge dès demain ma chérie. C'est tout ? »
« oui je crois. Ah aussi, mon père a cherché à te joindre il m'a dit. Tu sais pourquoi ? »

Oh non. Si son père veut me parler, c'est certainement pas pour me demander s'il doit m'offrir des fleurs jaunes ou roses, parce qu'il hésite. Je me décompose. Elle fronce les sourcils : « rien qui ait à m'inquiéter ? »

Je la rassure vite fait et je reprends mon téléphone. Je vais dans la chambre pour écouter le message que son père a laissé.
« Écoute Norbert. Bang Coq est mort. Et bizarrement, ça t'arrange. Je te tiens à l'œil. C'est louche de sortir avec ma fille, s'inscrire à la boxe quand on a un tel physique que le tien, et avoir une si belle évolution et de tels déplacements. Je sais que quelque chose n'est pas clair et que tu me caches quelque chose de capital. Autant en boxe qu'avec ma fille. Je te préviens que si je trouve quoi que ce soit, tu vas regretter pas mal de choses. Ta naissance ou ta rencontre avec ma fille par exemple. À bon entendeur, salut. »

Ok super. Je pense aux arrêts temporels et à Noah et je me sens coupable. Je m'assieds sur le bord du lit défait, je regarde dans le vide en prenant ma tête dans mes mains. Je respire, je ferme les yeux. C'est trop pour moi tout ça. D'un coup, comme dans un sursaut, je me lève et j'ouvre la fenêtre. Ouh. J'aurais pas dû me lever si brusquement. Mon vestibule me le fait remarquer. Je ferme les paupières quelques secondes. Me voilà dans une belle merd... dans de beaux draps. Je songe à quitter Lou mais son père serait encore plus furieux, il s'arrangerait pour détruire mon avenir dans le monde de la boxe et ce serait en plus gênant de revenir à l'appart pour Noah, avec Litchi à côté.

Arghhh ! Ça me prend la tête ! Ma vision se trouble, j'ai envie de vomir, d'aller aux toilettes, de bouger, de rester immobile, de parler, de boire, de bâiller, de manger... en même temps. Je n'arrive plus à bien respirer et j'ai juste le réflexe d'aller vers le lit avant que tout soit noir.

La folle aventure de Bernard K-OOù les histoires vivent. Découvrez maintenant