deux mois plus tard...
J'ai pu faire quelques compétitions, mais peu. Je sens une menace sourde planer.
Je vais souvent à LA BARQUE, comme nous appelons l'appart' de Lou et Noah, et comme par hasard, je n'arrive pas à retenir quand Lou est là donc j'y vais souvent quand elle n'y est pas. (C'est trooop dommageuh)En réalité, je sais quand elle y est, mais je fais exprès d'y aller souvent quand elle n'y est pas. Je me sens mal pour elle, mais je ne lui ai rien dit des menaces et de l'épée de Damoclès qui pèse au-dessus de moi. Frédégonde, que j'ai informée de la situation globale, m'a dit que je n'ai pas le choix, vu l'attitude de son père à mon égard.
Sinon, Noah m'a embrassé (sur la bouche!) la semaine dernière !! Je me sens encore plus mal pour celle qui est censée être ma « girlfriend », mais c'était comme un refuge que j'attendais depuis longtemps, ce baiser.
Je continue à progresser en boxe. La voix est devenue mon coach personnel invisible. Sauf que maintenant, si je l'écoute pas, j'ai des fourmis dans tout le corps pendant cinq secondes, et un tremblement nerveux de la paupière inférieure. Ça m'inquiète, mais j'aime trop ce sport pour que la voix m'en écarte à présent.
J'ai une compétition dans deux semaines. Championnat européen exceptionnel télévisé et très apprécié. J'ai intérêt à m'entraîner sans la voix pour être prêt si elle me lâche. Cependant, je ne peux pas juste la « désactiver », donc ça m'angoisse. Je n'ai parlé de la voix qu'à Frédégonde, ni Lou-Ti ni Nono n'est au courant.
Quatre jours plus tard...
J'ai reçu un message d'un numéro inconnu :
« R i e n d e l o u c h e c e t t e f o i s . C o m p r i s ? »
Je ne réponds pas. Je suis pas fait pour tant de haine.
On a croisé le père de Lou en ville, une fois. Il m'a fusillé du regard. Puis d'un air parfaitement hautain et gorgé de dédain, à la limite du dégoût, il nous a dépassés.Niveau boulot, c'est pas génial. Je n'arrive pas à me concentrer. À cause des entraînements de boxe, je ne peux pas rester trop longtemps après mes heures de service. En plus, les morts me dépriment. Je vois mes patients préférés décliner, et une est morte. Je ne suis toujours pas « blindé ». Ça me pèse. Lou finit de travailler de plus en plus tard, je ne peux même pas compter sur son soutien.
Une semaine plus tard...
Je suis chez moi. Il est 00:14. Allongé sur mon lit, je gis sur le matelas. Je me suis laissé choir dessus, tout habillé. En arrivant, je me suis empiergé dans des affaires qui n'étaient pas rangées. J'ai pesté un peu, avant de me souvenir que c'était ma faute, entièrement.Je compte les secondes qu'égrenne ma montre, inlassablement, imperturbable. C'est une technique que j'utilisais quand j'étais enfant. Je compte les secondes silencieusement, et à 60, je lève un doigt de plus. Quand je perds le fil, soit je reprends au hasard, soit je recommence.
Au bout de sept minutes- j'ai compté- je cesse. Je me dis : il faut que je fasse face à ce qui me fait peur. Sue j'accepte de comprendre ce que m'a dit Noah.
Je rejoue la scène dans ma tête. Nous deux, dans la cuisine. On prépare des galettes « complète saucisse », typiquement bretonnes. Je ne dis rien, assis sur une chaise haute de bar. Il interrompt ce qu'il fait, pose tiut et se tourne vers moi.
- Bernard, maintenant tu me dis ce qu'il y a
-...
- tout de suite.
- non, pas tout de suite, pendant le repas
- c'est prêt ! Je vais pouvoir TE cuisiner maintenant.- il n'y a vraiment que toi pour être aussi prévoyant.
- on s'écarte du sujet là. Dis-moi tout
-tout, je réponds, presque trop insolemment
- Bernard. Cesse de te protéger derrière ces stratagèmes de défense. Tu n'es pas à la boxe, et je ne suis pas une menace. Sérieusement. Bernard. (il me prend les mains, déclenchant en moi des frissons d'ado amoureux). Je tiens à toi, et là je vois que tu en as gros sur la patate. Crache, ou tu t'empoisonneras.
Suit à ça un exposé de mes malheurs de plusieurs minutes.
Il garde quelques secondes de silence, et je le connais assez pour savoir que c'est pour choisir sa réponse, parce qu'il m'a écouté pleinement, mais aussi pour témoigner du respect à mon discours.
Il ouvre les yeux et les plante dans les miens.
-Bernard, prends garde à toi, tu es en ébullition, comme une cocotte minute, et tu n'as pas bien ouvert le truc qui siffle au-dessus. C'est dangereux.Il signale qu'il a achevé en débarrassant. Sans me regarder, il me tend du papier ménager (sopalin), pour que j'essuie le gras que la galette a laissé sur mes lèvres et mes joues, et il dit :
- il faudrait peut-être que tu rentres chez toi pour réfléchir, ce soir. Je viendrai te voir à ta finale dans deux jours, si tu y vas toujours.
En guise d'au revoir, il me fait la bise (contact qu'il privilégie au câlin), un peu plus près de mes lèvres que nécessaire.
VOUS LISEZ
La folle aventure de Bernard K-O
RomanceJe suis Bernard, infirmier-canitherapeute en EHPA et EHPAD. (Oui, je sais, je m'appelle Bernard et c'est pas le prénom le plus stylé de la terre. Et ça tombe bien parce que vous allez voir que moi non plus). J'ai commencé la boxe, mais quelque chose...