Lou-Tia

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Un mois plus tard...
Je suis qualifié pour le championnat régional ! J'ai rencontré une fille au club, Lou-Tia. Elle est brune aux yeux gris. Elle a mon âge et est légèrement plus petite que moi.

Elle m'a vite invité chez elle. On a dîné avec son colloc', Noah. C'est lui qui avait cuisiné et il n'a pas simplement réchauffé un plat Thiriet ou une pizza. Il avait fait des œufs à la coque avec les œufs de ses poules, du riz et les meilleurs haricots du monde! En dessert il avait fait un dessert (naooon vraiment ? Original...) suédois qui avait un nom de meuble Ikea. Il a les yeux couleur chocolat (Valrhona Caraïbes 75% après 2 minutes au bain-marie).

Il est plutôt mignon, il a de l'humour, des projets (faire un tour en van de la Scandinavie), des passions et intérêts (les vans peints, les poules rousses...) et il sent bon. Il est autiste (TSA) et il a deux intérêts spécifiques : la Skandinavie et les poules rousses (incohérent mais insolite et cute).

- tu viens, bébé ?
- Depuis quand tu m'appelles bébé, Lou-Ti' ?
- Depuis qu'on s'est presque galoché non ?
- On a failli se galocher ? J'étais pas au courant !
- Mais si ! dans l'ascenseur !
- Ah oui c'est vrai
(c'était pas vrai)
- et puis ça peut être ton surnom parce que Bernard, à part Nanar qui renvoie immédiatement l'image d'un soixantenaire porté sur l'alcool et les blagues misogynes, je vois pas grand chose de mignon.

***un mois et demi plus tard***

Demain je rencontre le père de Lou-Tia. Il dirige une grosse banque et est assez connu. Il n'a pas l'air commode et Lou m'a dit que son comportement est imprévisible : il peut être super sympa avec moi et dire après que je suis pas bien ou que ça va il a déjà vu pire, autant qu'il peut être méfiant, suspicieux et même méchant et dire à sa fille que je suis gentil/ nul. J'ai prévu de lui offrir du chocolat. Presque de la même couleur que les yeux du colloc' de Lou. J'espère que ce sera aussi bon que quand celui-ci cuisine. D'ailleurs, il faut que je pense à rapporter mes déchets végétaux à Noah pour qu'il puisse les donner aux poules de ses parents (qui habitent la ville d'à-côté).

C'est PAS LE SUJET, bon sang ! Le sujet c'est pas que j'aime, enfin, que j'aime bien la façon de parler de Noah, son odeur, son humour, ses yeux, lui faire un câlin, vouloir l'embrasser sur les lèvres à chaque fois que je le vois et à quel point il me manque. Et voilà ! J'ai encore dérivé !

Ok. Respire. Tout va bien. Sois confiant. Tu l'aimes de toute façon. Euh je l'aime, quoi. Et il va pas te manger, le padré.

- Relax, Max. Il est cool mon paternel, au fond. Pars du principe que c'est un parfait étranger et qu'il est timide.
- Salut les jeunes! Vous avez fait bonne route ? Ah tu dois être Marvin! Ravi de te rencontrer !
(Difficile de trouver un frigo humain TIMIDE...)
- Euh papa, c'est pas Marvin, c'est Bernard.
(Marvin? Affaire à creuser...)
- Oui... bonjour monsieur.
- Ah. Bernard ? C'est pas réservé aux retraités ce prénom ?
- Je suis là monsieur. Et je reçois cette remarque à chaque rencontre. Ce qui m'a plus chez votre fille d'ailleurs, c'est qu'elle a simplement dit : « Bernard ? Authentique donc sympathique ! »
- Vrai, Li-tchi ? Demande son père un tantinet vexé
- Oui... Hé, ne m'appelle pas comme ça !
- Oui c'est vrai mais j'aime bien ce surnom. Bon, il a un petit cadeau pour moi le petit Mowgli ?
- Mowgli ? Ah moi ? Oui, du chocolat, tenez.
- 🎶il en faut peu pour être heureux🎶 ah merci. Bon, vous entrez ou on installe une tente dans l'entrée ?

*plus tard...*
- bon, Nanar. Non, pas Nanar, Bernard. Tu aimes ma fille ?
- Euh... (👀je dois dire oui, là, Lou?) oui
- C'était long🤨, remarque le père
- Il est un peu nerveux papa. Tu le harcèles de questions !
- Mouais... viens lou, aide-moi à débarrasser et apporter la surprise.
- Je peux vous aider
- Non bébé, c'est une surprise.
Je les entends dans la cuisine : le père doute de ma sincérité. J'entends les mots « bougie » et « gâteau » et je me demande s'ils ne vont pas me souhaiter un bon anniversaire avec un gâteau et des chapeaux pointus. C'est long quand même d'attendre dans la salle à manger. Un chat arrive. Mignon, il vient se frotter contre mes jambes. Je le caresse, il n'y a que ça à faire. J'aime pas trop les chats mais là c'est mon seul allié face au père de Lou. D'ailleurs il arrive avec elle je crois. Heureusement ! Je connais presque toute la pièce par cœur. Ils entrent... avec un gâteau, des chapeaux pointus et en chantant Joyeux anniversaire !
On est le 17 octobre et je suis né le 27 avril. C'est quoi ce cirque ?

Quand ils ont terminé de chanter j'ouvre la bouche, mais ils enchainent avec l'anglais, puis l'allemand, et je commence à trouver ça lourd. Quand ils en sont à l'espagnol, je frotte mes jambes avec impatience et le chat saute sur mes genoux. Je suis surpris et je crie: « LE CHAT ! » super fort. La voix me force à décrocher l'animal d'un geste vif et à le pousser.

Ils arrêtent d'applaudir et on se fixe. Lou se tourne vers l'endroit où j'ai poussé le chat qui a vite déguerpi. Elle dit à son père qu'il va bien. Ils attendent que je souffle les bougies, puisque le matou est OK. C'est si ridicule de me fêter mon anniversaire maintenant et cette scène est si absurde que j'éclate de rire.

Lou s'exclame :
- Tu savais depuis le début, avoue !
- Quoi ? Cette surprise, non. Je ne m'en doutais absolument pas. Pourquoi je le saurais ?
- Bah ton anniv c'est demain ! Oui, apparemment ça porte malheur de souhaiter un anniversaire en avance mais tu n'es pas superstitieux, si ?

Je me lève:
- Lou-Tirina Dularac. je suis né le 27 avril. Je croyais que tu le savais.
- Ah merde! J'ai conf...
- Mais petit bonhomme, on viellit tous les jours ! Et de toute façon on a un cadeau donc tu vas pas faire la tête.
***

J'ai un match dans 30 minutes. Je m'échauffe tranquillement, sans la petite voix. Je veux y arriver seul! Frappe, esquive, frappe-frappe, esquive, frappe, esquive, esquive, esquive-frappe. Ça vide la tête. C'est long cette attente ! J'aurais dû m'échauffer quelques minutes plus tard. C'est le championnat régional. Si je gagne tout j'ai 4 matches à jouer. Le dernier après-demain.

Bon. Premier match. Je gagne. Deuxième match : il se défend très bien et il est rapide. Il fait des sourires réguliers vers des endroits du ring et ça me déstabilise. Heureusement, quand il sourit, il n'est pas attentif. Et paf, dans la tronche! Je gagne.

Pause boisson (mi-temps de boxe). Je réalise alors que le show est filmé. C'est pour ça que le coach voulait que je passe chez le coiffeur ! Je peste intérieurement contre les caméras de plus en plus petites.

Bon, on reprend. Troisième : J'ai eu chaud et je me suis pris des bonnes mandales, mais j'ai gagné. Le dernier de la journée, à présent. L'attente est insupportable. Qu'est-ce qu'il fabrique ? J'apprends qu'il est blessé. Il a gagné son match précédent avant de s'écrouler. Match reporté. Je suis rentré chez moi en passant au travers du flot oppressant de journalistes surexcités par la triste annonce. Je réalise alors que non seulement ce mec est connu, mais en plus c'est un ami du père de Lou-Tia. J'espère qu'il va bien. Je range mon vélo et j'allume la télé. Mon tel se connecte à internet. Lou et Nono m'ont appelés. Frédégonde, Raphaël et Toma aussi. Tous me demandent de passer chez eux. Je demande à Lou et Noah si mes amis peuvent venir chez eux aussi et je reprends mon vélo. Il y a des journalistes devant chez moi.
- comment vous sentez vous maintenant que votre adversaire est officiellement hors du combat et que vous êtes automatiquement par conséquent en demi-finale ? Me demande un journaliste sans prendre sa respiration avant la fin de sa tirade avide de scoop.

Je le regarde sans comprendre. Puis, en réalisant ce que ça veut dire, j'enfourche mon bolide et je pique un sprint de la mort qui pue jusqu'à chez Noah et Lou. Je me jette dans les bras de la personne qui ouvre: Noah, et je fonds en larmes. Mon adversaire est mort.

La folle aventure de Bernard K-OOù les histoires vivent. Découvrez maintenant