Chapitre 14

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Ava-Lee

Comme à mon habitude, j'ai attendu. Il est arrivé en retard. Je ne sais même pas pourquoi j'ai pu penser qu'avec ce changement de situation il ferait un quelconque effort pour changer cette tare. Ce n'est pas dans le contrat, il en profite un peu trop.

Il arrive nonchalamment, les boucles en pagaille, mains au fond des poches de son pantalon d'uniforme scolaire, la cravate très peu serrée autour de son cou. Comment, avec cette allure, allons-nous passer pour un couple crédible ? Nous sommes des opposés dans nos modes de vie, j'essaie de me convaincre que ça ira que mon idée tiendra la route jusqu'au bout, mais quand je me rappelle de la réalité, j'en reviens à me dire que c'est peine perdue.

— Enfin...

— Tu as du dentifrice juste là, me montre-t-il sur sa propre bouche.

Son intervention me surprend. Sur la défensive, je lève les yeux au ciel. Il ne cessera donc jamais.

— Tu n'es pas obligé de faire ton numéro de charme quand il n'y a personne, tu sais.

— Je ne mens pas. Tu as vraiment du dentifrice au coin de la bouche.

Il s'apprête a lécher son pouce. Mes yeux s'agrandissent en très peu de temps.

Oh non, je ne crois pas, non !

Aussitôt, je me retourne, me courbe le dos pour qu'il ne tente pas de venir m'agresser avec sa bave et frotte énergiquement la commissure de mes lèvres qui chauffe légèrement à cause de la friction que j'ai opéré sur la zone.

— Je n'ai plus rien ? demandé-je en reprenant une posture conventionnelle.

— Ouais. C'est mieux.

Sa pomme d'Adam remonte lorsqu'il déglutit. Ses yeux parcourent mon visage à la recherche de la prochaine étape. C'est plus déstabilisant qu'autre chose et il a l'air d'en faire exprès.

— On s'y prend comment au juste ? Je dois t'embrasser devant tout le monde ou le... ?

— Non, stop, le coupé-je.

— Quoi ?

— Il est absolument hors de question que ta bouche vienne se poser sur la mienne, ni nulle part ailleurs. Va falloir trouver autre chose. J'ai déjà un plan.

Il ricane légèrement se moquant de moi ouvertement. La tête inclinée sur le côté, Lake me dévisage de toute sa hauteur.

— Dis-moi.

Je lève le menton pour me sentir plus grande.

— Nous n'avons pas besoin de montrer énormément d'affection. Les gens savent que nous ne sommes pas comme ça. Justement c'est la meilleure façon de nous faire griller en surjouant. À la place, on pourrait simplement se tenir la main et s'asseoir à côté en classe. C'est largement suffisant pour laisser les soupçons s'installer. Le reste se fera naturellement.

Il a acquiescé. Je pensais avoir besoin de plus d'explications pour le convaincre. J'ai eu tort.

Devant le bâtiment dans lequel nous avons cours ce matin, je prends une large inspiration comme si c'était l'épreuve la plus compliquée que j'ai pu vivre au sein de cette école. Je ne stresse pas, mais je me rends compte que c'est le premier mensonge que je vais mettre en action de toute ma scolarité entre ces vieux murs en pierre.

Une main chaude vient s'immiscer entre mes doigts gelés. Lake me tient la main comme un vrai couple le ferait, non pas comme deux enfants dans une cour de récréation qui attendent la prochaine sonnerie pour annuler leur mariage. Sur le moment, sa façon aussi douce qu'elle soit, de me tenir la main, est tellement naturelle qu'il arrive à me convaincre en une fraction de seconde qui s'évapore en vitesse.

(IN)CONTRÔLABLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant