Chapitre 17

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Lake

 Je n'ai pratiquement pas dormi de la nuit. Depuis des semaines, mon sommeil me fait chier. Pas un seul moment, où une nuit se déroule sans accroc. Cette nuit était tout de même pire que les précédentes. Dès l'instant que mon petit frère m'a envoyé ce SMS inquiétant, je n'ai pas pu me sortir de la tête les pires scénarios possibles. Notre Nana avait déposé une lettre à mon intention, en rendant visite à Isahia à l'hôpital. D'après lui, elle semblait chagrinée, mais tentait de le dissimuler pour garder la face.

Je suis dans sa chambre, assis face à la lettre, sur laquelle mon prénom est écrit sur le devant à la plume. Il n'y a aucun doute sur sa provenance. L'écusson de la famille brille sur le coin gauche supérieur de la lettre. Je l'ai toujours trouvé too much.

Un lion qui écrase une chaîne enroulée autour de sa patte, avec notre nom de famille sur le dessus, vraiment ?

Si notre grand-mère avait eu de bonnes nouvelles, elle m'aurait appelé. Cette distance créée par ce bout de papier ne me rassure pas tellement.

— Tu vas l'ouvrir ou pas ? La lettre ne va pas sortir de l'enveloppe toute seule.

— Sans blague ?

Je dois avoir trop de signes de stress visibles devant mon frère. Il n'a pas besoin de me voir comme ça. C'est déjà trop. Peut-être que je devrais l'ouvrir en dehors de la pièce. Il risque de trouver mon geste étrange.

Je ne cherche qu'à le protéger des problèmes. Surtout si c'est en rapport avec nos parents. Et s'ils ne voulaient plus le voir lui aussi ? Comme si évincer un fils n'était pas suffisant, pourquoi pas le deuxième ? En vérité, ils ne viennent jamais à l'hôpital lui rendre visite, pas une fois. Seulement Nana s'en charge. Ils sont dégoûtés de l'endroit et ont très certainement peur de me croiser au détour d'un couloir. Finalement, ce n'est pas plus mal qu'ils ne fassent pas l'effort. Je n'ai aucunement envie de les voir. Pas besoin de ça en plus dans ma vie de merde.

Isahia penche la tête de côté pour tenter de croiser mes yeux en se rapprochant de moi. Ses mains sur son fauteuil, il avance d'un chouia, suffisant pour claquer sa roue contre le bureau.

— Tu veux fusionner avec moi ou quoi ? je me moque gentiment.

— Pardon, je suis pressé de voir.

Un léger sourire me titille le coin de la bouche. La curiosité, c'est bien ce que l'on ne peut pas lui retirer. Qu'il garde le plus longtemps possible cette flamme. À cause de sa demande dissimulée, je suis bien obligée d'ouvrir la lettre devant lui.

Je romps les battements accélérant de mon cœur en expirant bruyamment par le nez et décolle le papier scellé.

Faites que ça ne soit pas sur Isahia.

La lettre est écrite à la main. La même calligraphie que le nom sur le devant. C'est encore plus inquiétant que Nana écrive à la main. Mes yeux se posent sur la première ligne tandis que mon frère lit par-dessus mon épaule.

Lake, mon chéri,

Je ne savais pas comment t'annoncer la nouvelle, j'ai hésité plusieurs fois à venir te voir pour que nous en parlions calmement pour trouver une solution, mais je n'en ai pas eu le courage. Tout est arrivé très vite. En vérité, je ne connais les raisons que depuis deux semaines seulement. Je vais éviter de tourner autour du pot trop longtemps. Ton grand-père avait des dettes cachées. Je n'en connaissais pas l'existence jusqu'au mois dernier. Je me suis battue pour ne pas avoir à rendre les millions de livres sterling qu'il avait à rembourser. J'ai perdu. Les gens avec qui il avait des problèmes d'argent sont une famille avec qui la nôtre ne s'entend pas. Il jouait beaucoup trop au poker lors de nos sorties. C'était sous mes yeux et pourtant je n'ai rien vu. Malgré son décès soudain, il y a six ans, les dettes ne sont remontées que maintenant. Les huissiers de justice sont venus. J'ai été obligé d'hypothéquer la maison de famille. Je n'ai plus d'argent. Malheureusement, je ne pourrai plus rembourser ta dernière année. Le chèque au fond de l'enveloppe est le dernier que je peux me permettre de t'offrir afin que Rika ne manque de rien avant que nous trouvions une solution. Ne t'inquiète pas pour moi, je ne suis pas à la rue, ton père n'a pas voulu que je me débrouille seule. Il ne voulait pas que sa vieille mère finisse par survivre au milieu du peuple. Je suis à présent dans ton ancienne chambre. C'est l'une des raisons pour laquelle je ne suis pas venue te voir en personne.

(IN)CONTRÔLABLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant