✯ CHAPITRE XII ✯

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« Le bonheur c'est accepter la vie telle qu'elle est. »

Parce qu'il y a quelques mois, je ne l'aurais jamais cru.

Parce que ce mot, «le bonheur», n'existait plus pour moi.

Parce que mon bonheur c'était Ava.

Parce que maintenant je comprends que la vie c'est aussi ça.

Parce que mes amis font mon bonheur aussi.

Parce que je suis prête à faire d'Ava un souvenir.

Pas parce que j'accepte tout ce qui s'est passé..

Mais parce qu'aujourd'hui, j'ai besoin d'avancer.

✯ ✯ ☼ ✯ ✯

Notre après-midi passé tous les quatre s'écoule à une vitesse folle. Mes pommettes me font mal tant Jade me fait rire et mon cœur se sert chaque fois que je pense à ce qu'Ava aurait répondu aux différentes moqueries de Simon. Alors que Luc semble s'inquiéter pour son contrôle de demain, les deux autres n'ont même pas l'air de savoir de quoi il parle. Jade est trop occupée à débiter une centaine de phrases à la minute et Simon a besoin de toute son attention pour lui répondre avec son sarcasme naturel. Enfin bref, j'ai retrouvé mes amis. Jade me sort de mes songes en secouant mon épaule avec tant d'entrain que je suis surprise qu'elle ne me l'ai pas arraché :

— Eh Elaïa, tu le connais le gars là-bas ? Ça fait un moment qu'il regarde dans notre direction.

— Lui ? dis-je en plissant les yeux pour voir la personne que pointe le bout de son doigt. Oh, c'est Maël !

— Maël, le Maël ? Celui qui... ajoute-t-elle avant de s'interrompre en réalisant sûrement ce qu'elle s'apprêtait à dire.

— Ce Maël, oui, rétorqué-je pour lui montrer que le sujet n'est pas interdit. Maël ! ajouté-je plus fort pour qu'il nous rejoigne. Viens !

Il traverse la pelouse qui nous sépare en quelques enjambées. Très vite, il se retrouve mêlé à notre joyeux brouhaha. Et Simon accapare rapidement toute son attention en le prenant à parti dans son éternelle dispute avec Jade. On passe une autre partie de l'après-midi, comme ça. Mon ancienne vie se mélange avec celle que je construis petit-à-petit au centre et me donne un aperçu de ce que pourrait être la nouvelle. Bien que le souvenir d'Ava occupe mes pensées en permanence, je crois que j'aimerai recommencer à vivre de cette façon.

Luc, Jade et Simon lancent un tournoi de volley en ayant rallier à eux plusieurs personnes qui passaient par là. Avant que je ne les rejoignent, Maël m'interpelle :

— Elaïa ?

— Oui ?

— Il paraît que je suis guéri, dit-il le sourire aux lèvres.

— Sérieux ? Mais c'est génial ! je m'exclame sincèrement heureuse pour lui.

— Ça fait tellement longtemps que j'attendais ça, ajoute-t-il alors que son sourire disparaît peu à peu. J'ai l'impression qu'on m'a enlevé un poids immense.

— Pourquoi est-ce que tu as l'air triste alors ? je demande complètement troublée. C'est vraiment une bonne nouvelle Maël.

— Ma mère m'a demandé d'aller vivre avec elle, en Louisiane, et je crois que je lui en veux, dit-il l'air honteux. Pendant longtemps, j'étais tellement énervé contre mon père que je n'ai jamais pensé à ce qu'elle nous avait fait, mais elle nous a quand même abandonnés. Elle nous a laissés, seuls, alors qu'elle savait que le mieux était de fuir. Elle m'a laissé jouer son rôle alors qu'on avait besoin d'elle. Elle n'a eu aucun scrupule à partir parce que c'était trop difficile pour elle mais elle n'a pas pensé une seconde à l'enfer dans lequel elle nous laissait, mes sœurs et moi.

— Je ne veux pas lui chercher d'excuses Maël, je te jure, je comprends tout à fait ce que tu ressens. Peut-être que c'était insoutenable pour elle, je pense qu'elle y a réfléchi longuement et qu'elle aussi s'en veut. Tu sais, quand j'ai voulu en finir, j'ai pensé à tous les gens que je laisserais derrière moi, et c'est ce qui m'a fait hésiter pendant un an. En janvier, j'étais décidée à passer à l'acte. Parce que j'avais un poids qui m'empêchait constamment de reprendre ma respiration. J'étais à bout de souffle et j'avais l'impression de me noyer. Encore une fois, je ne cherche pas à la défendre mais peut-être qu'elle ressentait la même chose et a décidé de faire un choix radical, bien qu'il soit très certainement égoïste.

— J'y ai pensé à tout ça, pendant très longtemps, et c'est pour ça que je me sens coupable de lui en vouloir autant mais je ne peux pas m'en empêcher. Chaque fois qu'on est tous les deux, même si je suis heureux de la retrouver, une part de moi ne peut pas s'empêcher d'être en colère.

— Et tu ne pourrais pas rester vivre quelque temps chez tes grands-parents le temps de t'habituer à tout ça ? je demande en me doutant bien qu'il a déjà dû envisager cette solution.

— J'aurais adoré mais ma grand-mère est malade alors ils ont déjà assez choses à gérer comme ça, répond-il l'air triste. Et puis ils ont l'impression que Maïa et Eva sont morts par leur faute, parce qu'ils n'étaient pas ici ce week-end là. Je crois que ce serait trop dur pour eux. Pour nous tous en fait.

— Alors tu vas vraiment partir, je m'écrie les yeux écarquillés, réalisant soudain que près de 10 000 kilomètres nous sépareront bientôt.

— J'ai pas le choix, reprend-il tristement alors je fais de mon mieux pour retenir mes larmes. On a tous une personne qui restera gravée dans notre mémoire pour toujours. Tu es cette personne Elaïa. Tu n'en a certainement pas conscience mais tu m'a vraiment aidé, plus que beaucoup ne l'ont jamais fait. Seulement parce que tu étais là, parce que tu m'a écouté et tu m'as fait confiance. Je te jure que je ne t'oublierais pas, même si j'essayais de toutes mes forces, j'en serais incapable. Promets-moi qu'on se reverra ?

— On se reverra, c'est promis, murmuré-je non sans mal tant ma gorge est serrée.

Il réduit la distance qui nous sépare en m'entourant de ses bras et on reste comme ça un instant, sans bouger. Aucun son ne sort de nos bouches. Le silence est seulement troublé par quelques reniflements discrets et les rires francs de mes amis qui s'amusent un peu plus loin. Après quelques instants, je viens briser ce silence réconfortant :

— Merci pour tout, je commence la voix tremblante. Merci d'avoir été là. Merci d'être toi. Merci de t'être intéressé. Merci de m'avoir montré que tout n'était pas terminé. Merci de m'avoir tant aidée, je déclare, vraiment reconnaissante de tout ce qu'il a fait pour moi. Je vais m'arrêter là avant que cette discussion ne ressemble trop à des adieux mais merci pour tout Maël, vraiment.

Avant qu'il n'est le temps de répondre quoi que ce soit, une tornade rousse nous fonce dessus, resserrant notre étreinte. Jade, qui en a visiblement eu marre de perdre, a, je cite «horreur des larmes et nos petites bouilles toutes tristes lui font de la peine. Elle nous tend à chacun un paquet de mouchoir après avoir passé une éternité à fouiller dans son sac sans fond et se met en quête de raconter un maximum de blagues jusqu'à ce que nos larmes ne soient plus qu'un lointain souvenir.

Le soleil à déjà bien amorcé sa descente quand mon téléphone vibre, m'annonçant l'arrivée d'un message de Sandra. Elle demande si tout se passe bien et me rappelle par la même occasion que Madame Chauvet m'attend dans dix minutes. Je me suis sentie tellement bien aujourd'hui que j'avais totalement oublié notre séance de ce soir. Je salue alors mes amis le sourire aux lèvres, profondément heureuse. Sous leurs yeux rieurs, je promets une bonne dizaine de fois qu'on se revoit très vite avant de m'éclipser. Avec Maël, nous reprenons le chemin du centre, lui pour la dernière fois, moi pour la première me sentant si légère. 

𝐏𝐚𝐫 𝐮𝐧𝐞 𝐍𝐮𝐢𝐭 𝐝'𝐀𝐮𝐭𝐨𝐦𝐧𝐞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant