✯ CHAPITRE XXXVII ✯

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Juillet 2024

« Pour réaliser une chose vraiment extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez d'un trait jusqu'au bout de votre rêve, sans jamais vous décourager. »

Parce que je savais bien que l'amour d'Ava pour Disney me servirait.

Parce que c'est sûrement grâce à cette phrase que j'y suis arrivé.

Parce que, petit—à—petit, j'arrive à noircir les cases de la liste

Parce que j'arrive enfin au bout du trait.

Parce que je suis maintenant prête à en tracer de nouveaux.

✯ ✯ ☼ ✯ ✯

— Nous allons bientôt décoller. Votre tablette doit être rangée, et votre dossier redressé. Nous vous remercions d'avoir choisi notre compagnie et nous vous souhaitons un bon vol, je conclus après avoir énoncé les différentes mesures de sécurité. Merci !

Je m'active dans la cabine pendant toute la première partie du vol puis je rejoins Maël au moment de prendre ma pause.

— T'as vu, me lance-t-il quand il m'aperçoit, le lever de soleil était particulièrement beau aujourd'hui.

— Je n'ai pas eu le temps de le prendre en photo, je lui confie un peu déçue en m'installant à ses côtés. Mais oui, c'était vraiment magnifique avec les nuages roses.

— J'ai une photo moi, ne t'inquiète pas.

Cette simple phrase suffit à me tirer un sourire. Parce que Althéa est toujours au centre, ça fait maintenant deux ans. En commençant à travailler, je me suis rendue compte que je ne pouvais plus m'y rendre une fois par semaine, que je ne la verrai plus autant. Et avant que je ne parte pour mon premier vol, elle m'a annoncé qu'elle adore les couchers et les levés de soleil. Alors j'ai promis que je prendrai en photo tous ceux auxquels j'assisterais depuis le ciel. Et je sais que c'est une idée que Ava aurait adorée, parce que c'est pour la beauté du soleil qu'elle aimait autant l'été.

✵✵✵

— Madame, Monsieur, en vue de notre proche atterrissage nous vous invitons à regagner vos sièges et à attacher votre ceinture. Assurez-vous que vos bagages à main sont situés sous le siège devant vous ou dans les coffres à bagages prévus à cet effet. Les portes et issues doivent rester dégagées de tous bagages. Nous sommes le 18 juillet, le temps à Phuket est dégagé et la température est de 28°c. Nous espérons que vous avez passé un agréable voyage.

Après cette dernière annonce, tout va assez vite et un heure après, Maël et moi sortons de l'aéroport, bras-dessus, bras-dessous. C'est la première fois que nous avons la possibilité de passer autant de temps sur place pendant un de nos vols communs alors nous comptons bien en profiter pour visiter un maximum. Trois jours, ça peut paraître court mais si on s'organise bien, on pourra voir ce qu'on veut. Je pourrais cocher une nouvelle destination sur ma liste des pays du monde.

Au lycée, je n'avais aucune idée de ce que je voulais faire. J'ai épluché des tonnes de brochures qui présentaient des métiers plus différents les uns que les autres. J'ai même envisagé la possibilité de rejoindre Jade dans l'armée mais j'ai dû me rendre à l'évidence que je n'aurais pas tenu. Puis je me suis rendue compte que la chose qui me fait vibrer, c'est voyager. En plus de le faire pour Ava, c'est quelque chose qui plaît profondément. Alors devenir hôtesse de l'air s'est imposée à moi comme une évidence. Parce que c'est un métier qui me permettra de faire le tour du monde et que le meilleur moyen pour que j'aille bien, c'est que je vive à cent à l'heure, que je ne m'arrête jamais et que je sois toujours occupée. C'est un peu ce qu'il se passe quand j'enchaîne les vols et j'aime pouvoir quitter la terre ferme plusieurs fois par semaine. 

C'est quelque chose que j'ai remarqué il y a peu alors que pourtant, ça fait maintenant plus de quatre ans que je vis sans Ava. Je sais à présent que pour être pleinement heureuse, il faut que mon cerveau n'ait jamais le temps de trop réfléchir. Parce que c'est dans les moments où je retourne la situation dans tous les sens qu'elle devient difficile à vivre. Si je me mets à penser à tout ce que j'aurais pu faire, ou ce que je n'ai pas fait.

Aujourd'hui, je prends conscience de l'impact qu'a eu Ava dans ma vie et ça me fait peur. Parce que je ne veux pas que tout soit bousculer chaque fois que je perdrais quelqu'un que j'aime. alors c'est peut-être égoïste mais je ne m'ouvre plus. Il y a assez de gens dans ma vie auxquels je tiens et je fais maintenant le choix de me protéger. Parce que je sais ce dont mon cerveau est capable et le jeu n'en vaut pas la chandelle. Parfois, je repense aux mois que j'ai passés au centre et c'est dans ces moments-là que j'arrive à réaliser les changements qui ont opéré, mais ça me montre aussi qu'il est hors de question que je me retrouve de nouveau dans cette situation, jamais.

Je concentre mon attention sur Maël qui était visiblement en train de me parler. Ne me rappelant pas à quel moment j'ai décroché, je me contente de hocher la tête et de deviner de le sujet de notre discussion.

✵✵✵

— C'est magnifique, s'émerveille Maël quand nous débarquons sur l'île de James Bond. Ce que je suis heureux de t'avoir suivie pour faire ce métier, j'aurais rater tout ça sinon et tu en aurais profité toute seule.

— J'avais peur que tu regrettes, je lui avoue. Quand j'ai décidé de m'embarquer là-dedans, tu as lâché tes études, et bien que ce que tu faisais ne te plaisait pas, je me suis sentie coupable de te faire prendre cette décision sans que tu n'y réfléchisse vraiment.

— Aucun risque que je regrette. C'est dommage que tu doives les cacher, lance-t-il en pointant mes tatouages, changeant totalement de sujet.

— C'est le jeu, je réponds. Mais ça me fait toujours un petit pincement au cœur de devoir les recouvrir.

Le 18 janvier dernier, pour marquer le jour où Ava aurait dû fêter ses vingt ans, nous avons décidé avec sa famille, la mienne, et nos amis que nous allions offrir à chacun un cadeau. Si Ava ne pouvait plus en recevoir, elle aurait été heureuse que nous puissions en avoir. C'est ce jour-là que j'ai reçu le bon pour mon premier tatouage. Le lendemain, la constellation Andromède ainsi que l'inscription Ἀνδρομέδα, ornaient déjà la peau qui recouvre mes côtes. Très vite, un avion en papier à pris place sur mon épaule et un arbre de vie s'est installé sur ma cheville.

J'aime mon métier de tout mon cœur, et c'est d'ailleurs pour ça que je ne me plains pas de devoir couvrir mes tatouages mais chaque fois que je les efface avec un peu de fond de teint, j'ai l'impression d'effacer Ava. C'est un sentiment qui revient souvent. Parce que j'ai tout le temps l'impression que faire quelque chose sans elle signifie l'exclure. Je sais que c'est faux, je sais qu'on ne peut pas vivre toute sa vie en pleurant la disparition de quelqu'un, je sais qu'elle ne m'en voudrait pas. Mais c'est plus fort que moi, parce qu'au fond, Ava me parait encore vraiment proche. Le problème c'est que chaque fois qu'il m'arrive quelque chose, la première chose qui me vient en tête c'est connaître la réaction d'Ava à cette nouvelle. Je sais que ce n'est pas possible, mais il m'arrive encore inconsciemment d'espérer alors que mon deuil est censé être terminé.

Mais les sept foutues étapes n'expliquent pas comment on est censé faire pour tirer un trait sur quelqu'un, pour arrêter de ressentir le besoin de tout lui raconter, pour continuer à vivre, mais sans lui. Alors je fais de mon mieux. Sauf que parfois le mieux ne suffit pas. Donc je fais en sorte de réfléchir le moins possible, parce que quand je ne pense à rien, je ne souffre plus.

𝐏𝐚𝐫 𝐮𝐧𝐞 𝐍𝐮𝐢𝐭 𝐝'𝐀𝐮𝐭𝐨𝐦𝐧𝐞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant