« Il n'y a pas d'au revoir pour nous. Peu importe où tu es, tu seras toujours dans mon cœur... »
Parce que je ne ferais pas mentir Gandhi.
Parce qu'il est hors de question que notre «Au revoir» ait un goût d'adieu.
Parce que ce «Au revoir» sera en fait un «À plus tard».
Parce qu'il servira de Merci pour tout ce qu'on s'est mutuellement appris.
Parce que je veux que Maël emporte avec lui toute l'estime que lui porte.
Parce que je veux qu'il sache que je suis sincère quand je dis qu'à ma sortie j'irais toquer à sa porte.
Parce que je ne compte pas l'oublier.
Parce que j'ai peur d'être incapable de le laisser s'en aller.
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Je dévale les escaliers du centre, affolée. J'ai passé la nuit à faire un cadeau spécial pour Maël. Parce que, peut-être égoïstement, je ne voulais pas qu'il commence sa nouvelle vie sans y emporter un petit bout de moi. Le souci c'est qu'après y avoir passé près de huit heures, j'ai essayé de rester éveillée pour ne pas rater son départ, et évidemment, je me suis endormie il y a trente minutes.
Je cours alors dans les couloirs, espérant qu'il ne soit pas parti sans venir me voir. Sa chambre est vide quand je passe devant alors je continue ma course folle et menace de foncer sur Sandra qui se contente seulement de m'indiquer la porte de la cour, l'air amusé. Je m'arrête à peine et repars de plus belle comme s'il était possible qu'il se soit évaporé. J'ai l'impression de mettre un temps fou avant que la porte ne daigne bouger mais elle finit tout de même par s'ouvrir sur Maël, en pleine discussion avec une femme qui ne peut être que sa mère tant la ressemblance est frappante. J'hésite alors à faire demi-tour pour ne pas les déranger mais il m'aperçoit avant que je n'ai eu le temps de disparaître.
— Elaïa, salut ! me dit-il le sourire aux lèvres. J'allais justement passer te voir.
— Alors ça y est, tu t'en va ? demandé-je afin d'essayer de réaliser que dans quelques minutes je perdrais mon meilleur ami, parce que oui, c'est ce que Maël représente pour moi aujourd'hui.
— Il faut bien, mais on se reverra vite. Au fait, je te présente ma mère.
— Bonjour, disons nous d'une même voix alors que je reste impressionnée par son sourire aussi pur que celui de son fils.
— Ravie de te rencontrer Elaïa, poursuit-elle, tu peux nous accompagner jusqu'à la voiture pour que vous puissiez vous dire au revoir au dernier moment.
Au revoir. Ce mot me fait intérieurement tiquer. Il est bien trop définitif. Trop formel. Pas assez nous. Je lui réponds malgré tout, la mine enjouée, et nous nous mettons en route. Arrivée à l'accueil, Hélène règle les derniers détails concernant la sortie de Maël. Le temps s'écoule sans qu'aucun de nous ne brise le silence qui s'est installé. Alors que nous fonctionnons comme ça depuis le début, aujourd'hui, je regrette de ne pas réussir à troubler ce silence. Il m'a toujours semblé agréable. mais aujourd'hui il me pèse.
Parce que je me rends compte que dans quelques instants, je n'aurais plus personne à qui parler. Le silence me donne l'impression de gaspiller les derniers moments où j'aurais pu m'amuser avant un bout de temps. Mais finalement, ce silence est peut-être la meilleure façon pour nous de nous dire «Au revoir». Parce que ça, c'est nous. Ce silence vaut en fait mille mots.
On se remet en marche. Je suis machinalement les pas d'Hélène mais je suis totalement perdue dans mes pensées. Arrivée devant la voiture, la mère de Maël me sert tendrement dans ses bras en me disant qu'elle serait ravie de m'accueillir chez elle à ma sortie puis elle entre dans l'habitacle et nous laisse tous les deux. Debout, l'un face à l'autre. Silencieux. Alors je tends à Maël le sac que j'ai apporté pour lui :
— Quand on était petite, Ava a décidé qu'elle voulait devenir peintre et qu'elle allait m'apprendre, je commence sans aucune transition, alors c'est ce qu'elle a fait. Et depuis ce jour, c'est devenu notre passion commune, la chose qui était censée maintenir un lien entre nous pour toujours, quoi qu'il arrive. L'activité qui nous unirait pour toujours. Puis elle a petit-à-petit laissé ce rêve de côté, parce qu'elle avait envie de s'essayer à tous les arts. Parfois l'écriture, certains jours la danse et même la photo. Et moi, je me suis rendue compte que mon truc, c'était écrire, parfois des poèmes, parfois quelques mots et parfois même des nouvelles que j'illustre toujours de peintures. Alors j'ai fait ça pour toi, dis-je, tandis qu'il contemple la couverture ornée de nos deux silhouettes et du mot «Merci» écrit à l'encre doré
— C'est nous ? demande-t-il, l'air admiratif, ce à quoi je réponds d'un hochement de tête. Waouh Elaïa, c'est à moi de te remercier ! Il va falloir que tu m'apprennes ! Bouge pas, moi aussi j'ai quelque chose pour toi, ajoute-t-il en fouillant dans un de ses sacs.
Après quelques instants de recherche, il me tend des peluches élimées que je pensais ne jamais revoir. Alors que je m'en étais débarrassé, après un énième excès de colère, Maël les a récupérées et gardées bien au chaud tout ce temps alors qu'on ne se connaissait même pas. Le bruit du moteur nous rappelle brusquement que c'est le moment pour lui de partir. Alors on s'étreint une dernière fois. Sa chaleur est toujours des plus réconfortantes et je réalise soudainement que je lui dois bien plus que son amitié. Il est celui qui m'a sauvée. Pas seulement une personne que je n'oublierai jamais : celle grâce à qui je suis en vie.
— Tu es une battante Elaïa, ne l'oublie jamais, reprend-il en s'écartant légèrement de moi.
— Et on dirait bien que je te dois beaucoup.
— À très vite, promet-il comme si moi aussi j'allais sortir d'un moment à l'autre. Et au passage Elaïa, t'avais l'air profondément heureuse l'autre jour avec tes amis. S'il te plaît, jure-moi que tu les reverras vite.
— C'est promis, assuré-je, bien décidée à tenir ma parole.
— Une dernière chose, Sandra m'a dit que le centre organise une soirée Blind Test ce soir. Vas-y Elaïa, amuse toi et ne te sens pas coupable en le faisant. Tu verras, les gens ici sont tous foncièrement gentils. Tu te rendras vite compte que la guérison semble plus accessible quand on essaye de vivre réellement.
—C'est noté, je réponds, faisant exprès de ne rien promettre cette fois-ci. Appelle-moi quand tu seras installé. Ca va être bizarre sans toi ici, je suis habituée à ne rien faire de mes journées mais c'était vachement plus sympa quand on ne faisait rien ensemble. Tu vas me manquer.
Il monte dans la voiture qui devient peu à peu un point que je peine à distinguer, avant de disparaître complètement. Je ne bouge pas. Je tente de me convaincre que continuer de regarder dans la direction où il doit se trouver est la même chose qu'être avec lui mais je dois bien m'avouer que même l'imagination à des limites. Peut-être que si je reste là assez longtemps et que j'y crois assez fort, ce sera à mon tour de quitter cet endroit. Mais j'ai beau y croire de toutes mes forces, le chemin est encore long avant que je puisse suivre les pas de Maël.
Alors je me contente d'honorer la promesse que j'ai faite à Maël, j'envoie un message à mes amis, leur proposant de passer un bout du week-end tous les quatres. Et, lancée dans mes bonnes résolutions, je pars à la recherche de Sandra, décidée à lui demander de rajouter mon nom à la liste des participants de ce soir.
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𝐏𝐚𝐫 𝐮𝐧𝐞 𝐍𝐮𝐢𝐭 𝐝'𝐀𝐮𝐭𝐨𝐦𝐧𝐞
Teen FictionOn dit toujours qu'il faut perdre les choses pour se rendre compte de leur valeur. J'aimerais dire que c'est faux. J'aimerais vous assurer que je savais à quel point Ava m'était indispensable. Et je peux vous jurer que j'en étais convaincue. Mais...