Chapitre 3

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Dehors, la nuit noire s'est emparée du paysage parisien. L'heure est aux mondanités. La place Vendôme est illuminée par la trentaine de réverbères qui l'entourent. L'endroit se remplit peu à peu de personnalités aux looks travaillés de la tête aux pieds. Costard-cravates pour messieurs, escarpins haut à semelles rouges pour mesdames. Luxe et volupté à gogo. Cette overdose de superficialité est presque risible. Une grande solitude m'envahit à la vue de cette foule, pour qui l'apparence compte plus que les valeurs. Faire semblant de s'apprécier avant de se cracher dans le dos les uns les autres, voilà leur credo.

Soudain, j'aperçois au loin le visage radieux de ma mère vêtue d'une longue robe de soie rouge et coiffée d'un impeccable chignon brun. Elle est magnifique. Si elle savait comme je l'admire, cette femme intrépide et généreuse. Elle tient le bras d'un homme plus petit qu'elle, les cheveux grisonnant que je reconnais comme étant ceux de mon père.

Après milles embrassades, nous pénétrons tous les trois dans le loft gigantesque de l'associé de papa, et ami de longue date à ses heures perdues.

- Quelles beautés ! Lance Bernard à ma mère et moi en nous accueillant les bras grands ouverts. Bienvenue, entrez donc !

Il serre fermement la main de papa, suivi d'une petite accolade, puis embrasse tendrement ma mère avant de se tourner vers moi et de m'enlacer.

- Tu es venue, trésor ? J'aurais parié le contraire !

- Je me suis laissée convaincre...

Du regard, je cherche du soutien auprès de mes parents, mais ils échangent déjà d'autres banalités avec de vieilles connaissances.

- Très bien, très bien, je suis ravie que tu sois là ! Tu es splendide qui plus est, un vrai délice ! Tu aurais beaucoup de succès en tant que modèle tu sais.

- Merci Bernard, mais j'ai bien peur que vous fassiez erreur.

- Et modeste ! Je pourrais te faire rencontrer quelques personnes si tu le souhaites, je connais un photographe très doué qui....

Alors qu'il continue à déblatérer, je ne l'écoute plus du tout. Mon regard s'est posé sur un groupe de jeunes hommes vêtus de sweat-shirt à capuches et de casquettes qui discutent entre eux. Ce n'est pas vraiment le genre d'accoutrements que je m'attendais à rencontrer ce soir, mais ils sont plutôt drôles. D'ailleurs, à ma droite, un couple de quinquagénaire pincé les observe d'un air dégoûté.

« Pourquoi de jeunes voyous sans aucune classe se trouvent dans le même environnement que nous... Déjà que nous payons des impôts magistraux pour que la classe populaire ait de quoi se loger et se nourrir, il ne manquerait plus que les pauvres osent respirer le même air que nous.... Tout à fait très chère ! Après tout, nous n'avons pas choisi d'être riches, et si les pauvres sont pauvres c'est qu'ils sont trop fainéants... »

Lire dans les pensées de ces gens qui ont tout et à qui on donne toujours plus est l'un de nos jeux préférés à Ach et moi. Nous pouvons rester des heures assis dans un coin à dévorer une quantité astronomique de petits fours en nous imaginant la vie et les pensées des spécimens qui nous entourent. D'ailleurs, j'aurais bien aimé que mon meilleur ami soit là ce soir, pour me tenir compagnie, mais je ne le vois pas à l'horizon. Le couple de retraité détourne enfin le regard du jeune groupe avec un air de dégoût. Je n'arriverai jamais à comprendre comment des êtres humains peuvent à ce point être inhumains. D'accord ces mecs n'ont peut-être pas le style vestimentaire adapté, et même moi je me demande ce qu'ils font ici, mais ils ne sont pas dérangeants pour autant.

- Qui sont-ils ?

Bernard semble vexé ou surpris par ma question. Difficile de lire à travers le sourire hypocrite qu'il a soigneusement épinglé sur son visage avant le début de la soirée.

Les antithèsesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant