Chapitre 10

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Le lendemain matin, Bonnie me réveille par des petits coups de langue rugueuse. Je déteste quand elle fait ça, pourtant, elle a l'air d'adorer. Mon réveil indique 7h15. Normalement, ce satané réveil sonne à 8h, ce qui me laisse le temps de me préparer, de prendre mon petit déjeuner et de filer direction Miromesnil, là où se trouve les locaux de Vox. Mais chaque matin, Bonnie en décide autrement.

J'enfile ma robe de chambre, puis verse des croquettes à Bonnie tandis que l'eau pour mon thé chauffe. La fenêtre du salon donne sur un petit square encore fermé aux visiteurs. En fait, ça a du bon de se réveiller aussi tôt, je peux profiter du calme avant que ma journée ne se transforme en véritable capharnaüm. Je savoure en silence mon thé vert citron et mon bol de Chocapic avant de filer me laver et me préparer pour le boulot. Dans ma penderie, je choisi une jupe longue à fleurs bordeaux et un tee-shirt blanc tout simple. Je les porterai avec mes converses blanches et mon perfecto en cuir. Il va faire beau aujourd'hui.

Comme toujours, les bureaux sont vides quand j'arrive, hormis celui de Cruella. Parfois je me demande si elle ne passe pas ses nuits ici. Elle est toujours la première arrivée et la dernière partie. A croire qu'elle passe ses nuits, accoudé à son bureau à chercher LE titre qui ferait la Une. Elle semble plongée dans la lecture d'un magazine concurrent, alors je décide de ne pas la déranger et lui adresse seulement un petit signe de la main avant de m'asseoir à mon poste.

- Salut poussin.

J'étais tellement absorbé par la relecture de mon dernier article que je n'ai même pas remarqué la présence de Max.

- Salut Maxence.

Max est ma bouée de sauvetage au sein de la rédaction. Je n'ai aucun problème avec mes autres collègues, mais Max est mon binôme. C'est à lui que je raconte mes week-ends et c'est aussi à lui que je fais part en exclusivité de toutes mes nouvelles idées d'articles. Il me prend toujours dans ses bras à chaque savon d'Erica et je fais de même pour lui. Et puis, je me suis toujours mieux entendu avec les garçons. Sauf Emma. Elle est l'exception.

La journée se déroule de manière tout à fait banale. A midi, Erica m'appelle, sans daigner lever les yeux vers moi, pour que je lui commande des sushis, donc je m'exécute. Chaque semaine, elle désigne un sous-fifre parmi tous ses employés. Il faut croire que cette semaine, c'est pour ma pomme.

A 14h, je lui apporte son café allongé au lait de soja sans sucre. Alors que je m'apprête à quitter son bureau sans un mot, Erica m'interpelle :

- Larché, assied-toi.

Son ton est sec et elle ne daigne même pas lever les yeux vers moi. Pourvu qu'elle ne me vire pas. Ce ne serait pas la première fois qu'elle décide de se séparer d'un de ses journalistes sans raison apparente, après tout. Je m'exécute en essayant de paraître le plus décontracté possible.

- Iris, tu es une jeune femme très intelligente, reprend-elle. Et tes articles reflètent en tout point ta personnalité, cependant...

Oh non. Je comprends immédiatement ce qu'il est en train de se passer. C'est impossible, elle ne peut pas me virer maintenant.

- Erica, s'il vous plaît, laissez-moi une chance. Je suis vraiment attaché à ce travail et à ce journal.

Ma voix est tremblante et je peine à trouver mes mots.

- Ne soyez pas stupide, me coupe-t-elle sèchement, je ne vais pas vous virer. Au contraire, vous avez fait énormément de progrès depuis votre arrivée. Attention, je ne dis pas que votre travail est parfait... Mais je pense que vous êtes surqualifié pour les petits papiers que vous rédiger. J'aimerais vous confier quelque chose de plus important. Connaissez-vous l'association Non c'est non ?

Alors là, je m'attendais à tout sauf à ça. J'ai déjà entendu le nom de cette association qui défend les victimes de viol au détour de quelques conversations.

- Je connais le nom. Ce sujet me tient énormément à cœur.

Erica esquisse un sourire quasiment imperceptible.

- C'est parfaitement ce que j'attendais de vous. J'aimerais que vous vous rendiez sur place pour interviewer la fondatrice. Rien d'infaisable, juste un petit reportage vite fait bien fait pour surfer sur la vague #MeToo. Etes-vous capable de faire ça, mademoiselle Larché ?

- Absolument ! Si vous saviez depuis quand je rêve que vous me confiez des sujets plus importants.

- Parfait, conclut-t-elle en me congédiant d'un geste de la main.

Je m'empresse de sortir du bureau d'Erica, ravie par ce nouveau reportage.

- Ne me décevez pas, ajoute Cruella lorsque je referme la porte de son bureau derrière moi.

Durant le reste de l'après-midi, je m'attèle à la rédaction d'un article passionnant sur l'utilisation des pesticides dans l'agriculture alimentaire, si bien que je ne vois pas le temps passé. Lorsque que je quitte enfin mon écran des yeux, le bureau est désert et ma montre indique 19h passé. Merde. Emma et Ach doivent déjà m'attendre. J'attrape ma veste et mon totebag, adresse un signe de main pour saluer Erica et file retrouver mes amis.

Le Sun se trouve à moins de deux stations de métro de mon travail. Comme le vent n'est pas trop frais, je décide d'y aller à pied.

A peine arrivée devant le bar, j'aperçois Emma me faire de grands signes. La terrasse est déjà bondée mais je suis soulagée de voir que mes amis m'attendent à notre table habituelle.

J'arrive à leur niveau et avant même que je puisse m'asseoir, Emma me questionne :

- Bah alors t'étais passée où ?

Si elle ne souriait pas de toutes ses dents, je pourrais prendre cette question comme un reproche. Je réponds en l'embrassant :

- J'ai pas vu le temps passé, j'étais absorbé par mon prochain article. Erica m'a enfin confié la rubrique Société.

- Salut princeeeesse ! Dit Ach tandis que je le sers dans mes bras. On t'a déjà commandé un mojito.

Effectivement, un verre rempli à ras bord de menthe et de glace pilée se tient devant moi, tout près à être dégusté. Je les remercie d'un sourire.

Emma insiste :

- Alors, pourquoi t'étais aux abonnés absents ?

Je dépose mon téléphone portable sur la table et allume une cigarette avant de lui répondre :

- Je suis vraiment désolée les gars. Il m'est arrivé des trucs de dingues depuis la soirée d'inauguration ! Premièrement devinez qui j'ai vu là bas ?

- Charlize Theron ? Tente Ach.

Je lève les yeux au ciel avant d'annoncer :

- Jean était là.

- Jean ?

Ils me répondent en chœur, les yeux écarquillés.

- Vous avez parlé de quoi ? Demande Emma d'une voix plus aiguë qu'à l'accoutumé.

- De notre rupture, ce qui était très gênant, soit dit en passant...

Pendant plus de vingt minutes, je leur raconte ma soirée, ma rencontre avec Finn, le vol, l'agression, notre soirée en tête à tête, tandis que nous sirotons nos mojitos.

- Il donne un concert ce soir avec son groupe. Il m'a demandé si je serais là.

- Et tu ne comptes pas y aller ?

- Pourquoi y aller Em', j'aurais l'air ridicule. Tu me vois, moi, à un concert de rap franchement ?

- Mais tu dois revoir ce type ! Et puis c'est l'occasion rêvée de rencontrer du monde et de sortir de ta zone de confort.

Ach, qui nous écoute débattre en riant, fini par trancher :

- Allons-y tous les trois, on va bien rigoler ! Je n'ai encore jamais vu de concert de rap.

Les antithèsesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant