- Le dernier défilé de mode de Stéphane Rolland était incroyable ! Un vrai coup de théâtre. Et toi ? Tu en as pensé quoi ?'' la voix de Chloé, aiguë et forte, m’agace légèrement.
C’est qui Stéphane Rolland ?
- Oui bien sûr, c’était incroyable à voir.'' dis-je en essayant de manger cet amuse-bouche qui glisse depuis déjà vingt secondes de ma fourchette.
- Tes parents sont gentils d’être venu avec toi, on pensait que t'allais pas venir, comme la dernière fois.'' dit l’autre jeune fille d’une quinzaine d’années. On a été déçues avec Lola.
- Bien sûr, moi aussi je l’étais, mais je me portais pâle, ne pouvant venir, j’ai fait parvenir par mes parents mes excuses.
C’est un demi-mensonge, j’étais malade, mais pas au point de ne pas pouvoir venir, j’ai eu deux mois de punitions que mon père a eu le malin plaisir à m’offrir à suivre et pas lâcher. Interdiction de sortir de la pièce à punition, devoir d’école général, ceux où mon père et ma mère m’inculpent depuis enfant, le language, la marche, la danse et mon répertoire d’instruments de musique à jouer, l’art et la politique.
Ils continuent de discuter, quand les pas de mon père font légèrement écho dans la pièce.- Ciele, tu nous joues du piano avant le dessert ?''
Bien c’était évident, j’étais là pour ça en même temps, montrer l’enfant prodige, l’enfant qui sait jouer de la harpe, du piano, de la guitare, du violon, et du triangle.
- Bien sûr, père, ça me ferait plaisir.'' dis-je avec un sourire qui ferait fureur au cinéma tellement il est faux.
Le repas continue, c’est vrai que ce salon est beau, de couleur jaune pâle, table en marbre, des vases bleus coûteux à l’allure élégante en hauteur, sculpté de fleurs mauves, je trouve la décoration bien plus intéressante que ce qui se passe devant mes yeux autour de cette table bien trop longue et ses cinq jeunes qui discutent de robes, d’argents, de voyages, je participe à cette conversation qui ne m’intéresse pas. Priant les dieux que je connais pour que ce supplice s’arrête. Mon père revient et me demande de jouer, je sais pas encore je verrai quand mes doigts glisseront sur les touches noires et blanches.
On m’applaudit le temps d’aller à l’instrument, fière et droite, une posture tant apprise qu’elle est naturelle.Je prend place sur le fauteuil noir en cuir, pose mes doigts sur les touches froide, quelques notes d’essai, et me voilà à jouer un compositeur et pianiste que j’aime beaucoup, Erik Satie, mes doigts s’envolent, je me lance dans un court extrait lent, qui me fait oublier un temps l’endroit où je me trouve, je finis sur une note aiguë, les applaudissements sont plus forts, j’aurai aimé que ça ne s’arrête pas, et rester jouer dans ce petit espace.
En me retournant, j’aperçois mon père et ma mère venir jusqu’à moi, de grands sourires sourire sur leurs lèvres, me mettant une main sur chaque épaule.- Ciele est merveilleux, on ne se lasse jamais de l’entendre, c’est un garçon avec énormément de savoir et la musique est née pour lui.'' Dit-il d’une voix sûre et enjouée.
J’aime pas ça. Je déteste quand ils me font ça. Ça c’était trop bien passé pour qu’ils finissent par tout briser, j’aurai presque pu apprécier cette soirée, mais ils faut toujours qu’ils gâchent tout.
- Iel. Je préfère qu’on dise Iel et non par un genre, je ne suis pas comme vous, je ne le saurais jamais. Un minimum de respect serait le bienvenu.
- Ciele ? Mon garçon ? On va prendre l’air un peu, tu m’as l’air un peu tendu.
Je tourne la tête vers ma mère et son spectacle m'afflige, ses yeux embués, main sur la bouche, et cette posture légèrement courbé, qui me donne envie de la secouer.
Je sais ce qui va s’en suivre, sa main me serre l’épaule de plus en plus fort, ma mère à lâcher l’autre, j’accompagne donc mon père qui m’est passé devant, on descend les quelques marches en pierres rejoignant un plus loin de la propriété un petit terrain à l’herbe fraîchement tondue illuminé par le sol.
Il se tourne vers moi, le visage fermé sort sa main de la poche de son costume noir, et la reçois sur la joue.- Je t’avais prévenu Ciele ! Ça suffit ses enfantillages de non-genre, tu es un garçon. Tu m’entends ? Un garçon, jusqu’à ma mort tu le sauras. Tu es puni, je ne veux plus entendre le moindre son de ta voix jusqu’à ce qu’on soit rentré, j’ai honte, honte de toi et ta façon de réfléchir.'' criant à me postillonner dessus comme un chien.
- Je vous laisserais faire de moi ce que vous voulez, mais ne m’insulter pas de cette façon. Je me plie en quatre pour vos caprices d’enfants bien éduqués, j’accepte de venir partout où il faut me montrer, je demande qu’une chose en retour, m’appeler iel, ou ne pas m’appeler du tout. Que je lui lance au visage en me rapprochant de quelques pas presque tête contre tête.
- On t’offre une belle vie, tu ne manques de rien, on t’a élever comme il faut, tu vis chez nous. Nos règles que tu suis à la lettre. J’ai dit plus un mot avant que ça aille plus loin Ciele.
Je me tiens la joue quelques secondes de plus, il n’y est pas allé de main morte, j’ai la rage qu’on me manque de respect ainsi, ce n’est un pas un choix, je suis comme ça, je suis l’un et l’autre, je suis iel, et iel, c’est moi.
Il fallait bien que je rentre dans ce maudit manoir, finalement je prends plus plaisir à ce repas, je ferme court aux discussions, ne répondant plus aux moindres questions qu’on me pose. Je veux rentrer, être dans ma chambre, être qui je veux.
Deux longues heures s’éternisent malgré moi, quand monsieur et madame Castro me font une légère courbette regardant en coin mes parents, des visages peinés pour ma joue rouge non, certainement pour ma maladie mentale que mes parents ont dû accuser, monsieur Castro me serre la main et s’approche me chuchotant ses quelques mots qui m’auraient fait pleurer si je n’avait un caractère aussi fort.- On est désolé, on n’aurait pas dû insister pour que tu viennes, si on avait su que ta maladie était si grave. Tu es un bon garçon, si tu as besoin, fait appel à tes parents, ils sauront t’aider .
L’homme d’une cinquantaine d’années me sourit de ses dents blanches sorties d’un institut de dentiste, il serait parfait dans une publicité pour dentifrice.
- Merci. Chuchotant à mon tour. Mais je ne suis pas malade ainsi que toujours pas un garçon. Ajoutant à mon tour plus fort, croisant les yeux de ma mère qui s’écarquillent.
Alors que nous prenons le chemin inverse qu’à l’aller, ma gorge se serre, je veux finalement plus rentrer, je préfère disparaître que de recevoir cette punition, car cette fois, je sais que je ne vais pas manquer aux coups, on va me retirer cette parti de moi, on va m’enlever ce que je suis.
La porte claque à côté de mon oreille m’obligeant à fermer les yeux à l’impact du bruit fort et net, mon père démarre, le trajet se fait dans un silence de mort, et je sens que je vais bientôt l’être moi aussi.
On est arrivé, je descends, le cœur lourd, la gorge nouée, non je ne vais pas pleurer.
On entre dans notre grande maison à la devanture blanche, on monte quelques petites marches en bois foncé, me retenant à la rambarde, un peu fortement, je ne tiens pas à passer cette porte.- Ciele ! Ici !'' Dit mon père comme si j’étais un animal domestique qui aurait fait une bêtise.
Je m’approche le regard dans les yeux, mais je triture le bas de ma veste.
-Suite-
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Ciele
Cerita PendekMon éducation m'a appris à marcher, parler, m'habiller, sourire, être aimable, éduquer. Évidemment, vous pensez bien que c'est ce que j'ai fait. Même si je ne suis pas à l'aise, m'effacer, je me suis rangé dans la bonne conduite qu'on m'a ordonné.