Du vide

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Quatre heures du matin.

Sanzu jouait avec la fumée du joint, assis sur le grand lit. Les fenêtres et la porte étaient fermées, l'air était trouble, l'obscurité régnait dans une ambiance morbide et insalubre et le silence planait dans un parfum entêtant de beuh et de trou noir.

La tête sur les genoux de son subordonné et pourtant seul au monde, Mikey fixait le plafond, incapable de bouger, comme s'il fusionnait corps et âme avec l'ambiance insalubre. Les cris de son âme avaient disparu en même temps que son amnésie avait effacé les événements de sa journée. Les formes défilaient sous ses yeux, des images et des émotions sans sens avec des transitions floues. Il jouait à cache cache avec ses maux, avec la noirceur de son âme, le sang sur ses mains, sa culpabilité, ses doutes.

Il n'avait pas vu ses anciens proches depuis ce qui lui semblait être une éternité. Il ne voulait pas les tuer ni affronter leurs regards inquiets, il ne voulait de la pitié de personne, il ne voulait pas savoir, pas comprendre, il ne voulait même pas du corps nu de son partenaire, il voulait juste se tuer à petit feu sans penser à rien. Son corps était épuisé, ses cernes se creusaient jusqu'à devenir d'un bleu inquiétant et sa volonté s'effilait au fil des armes que Sanzu mettait dans ses mains. Rien. Le vide. Le néant.

Il en était là depuis maintenant bientôt douze ans si les dires de Sanzu étaient fiables.

Il avait passé l'âge de jouer et de se calquer sur le rythme d'une vie décente. Il était en pause depuis une éternité. Plutôt mourir que de se connecter avec soi même. Fuir. Encore. Courir de toutes ses forces loin de ses rêves et puis qui étaient-ils? Il avait oublié ce qu'il voulait, rongé par des "Si seulement" résignés et silencieux.

Il ouvrit les yeux. Tout tanguait, il n'arrivait pas à bouger ni à penser de manière lucide.

Il était tellement loin des gens qu'il cotoyait, tellement loin de son enfant intérieur, tellement loin de tout.

Malgré l'ombre qui l'enveloppait et qui aurait dû le pousser à bouger, à détruire, il était complètement figé dans un espace qui l'avait étouffé jusqu'à ce que son esprit se desenclenche dans la nuit. Il ne se souvenait de rien, ni d'où il venait, ni d'où il voulait aller, ni d'où il en était, ni qui il était, ni qui étaient les autres. Tout n'était qu'ombre. Comment s'appelaient ces gens qu'il aimait? Qui étaient-ils? Ou étaient-ils au delà du monde dans lequel il s'était barricadé?

Un sentiment de vide immense l'envahit au coeur de la nuit, il n'existait plus, ne ressentait rien. Tout était en pause, sous une puissante anesthésie générale. Aucune larme, aucune peine, aucune joie.

Il etait dans cet etat depuis que la nuit etait tombée et depuis il n'avait pas bougé le moindre doigt. C'etait fini, son esprit avait surement terminé de s'autodetruire. Ses iris étaient figées, il voyait mais ne voyait pas, le plafond n'etait qu'une excuse, en réalité il ne l'avait même pas remarqué.

Parfois, en pensant à ces fameux douze ans, le prénom « Takemichi » résonnait dans son crâne, suivi par une boucle infernale qui lui disait amèrement que personne ne pouvait le sauver meme en le voulant réellement. Ensuite, il réalisait encore et encore que ce vieil ami dont il tentait de se remémorer le visage était à la fois exactement comme lui et à la fois complètement opposé.

Ils voulaient sauver leur prochain.

Cependant, pour Mikey, sa disparition était nécessaire à leur bien être et il leur offrait jusqu'au sacrifice de sa vie et de son bonheur pour arriver à une fin heureuse. Takemichi, quant à lui, sentait que les autres croyaient en lui et en tirait sa force pour finir à leurs côtés.
Ailes noires incapables de voler contre ailes dorées capables de faire mille fois le tour du monde.

Anevrisme (Sanzu x Mikey bonten era)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant