Chapitre 6 : Camille : Surprise

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La première chose que je fais en sortant de la chambre, c'est d'aller prévenir le médecin assigné à notre chambre. Je le vois partir tout content avec une armée de boites et piqûres ainsi que de milliers de petites fiches avec des instructions dessus.

Elle va en baver.

J'en profitai pour aller me doucher. Je m'arrêtai un moment pour me regarder dans la glace. Je n'avais pas changé, j'étais encore un ado de 17 ans avec des cheveux blonds mi-long et des yeux noirs. Quoique mes pommettes eussent légèrement rosi pour une raison inconnue.

Me détournant de la glace, j'appelai un infirmier pour qu'il m'aide. C'était ça le plus relou ici, la douche. J'ai besoin d'être tout le temps accompagné pour tenir la poche, les fils et tout le bazar qui va avec. Ça fait longtemps que j'ai renoncé à mon intimité.

J''espère qu'un jour, ma vie pourra reprendre comme avant. J'en doute fort, même si les médecins me répètent que tous vont bien et qu'il n'y a aucune raison de m'inquiéter, je ne les crois pas. Je ne leur ais jamais fais confiance. Pour moi, se sont juste des mecs en blouses blanches qui nous gardent aussi longtemps que possible pour l'argent.

Je me pose souvent au bar de l'hosto où Mathias et son groupe de potes me laissent regarder le match avec eux. Je suis bien le seul qui a le droit de faire ça. Les petits de 10 ans me regardent avec envie quand je passe derrière le comptoir tous les dimanches soir pour les rejoindre dans une pièce annexe.

J'aurais bien aimé surveiller Maé ce soir-là, mais Mathias m'aurait posé des questions. Ce jour-là, les cris des supporters français me donnèrent mal à la tête. Je n'ai qu'une seule envie, rentrer dans ma chambre.

Je fixe la barquette de frites devant moi et la canette de soda à moitié vide. Les autres me regardent avec un regard inquiet, mais ne posent pas de questions. Tant mieux, je préfère être tranquille. Quand enfin, l'arbitre siffle la fin du match, je ne sais même pas qui a gagné. Sûrement les Français vu que Mathias sort des bières en chanter l'hymne national.

J'en profite pour filer. Sur le chemin du retour, je cours presque enfin bon, vous imaginez bien qu'avec une perfusion, ce n'est pas le plus facile. Encore, c'est mieux qu'avant avec la barre. Maintenant, je prends juste la poche, la met dans mon sac à dos en veillant à ce que personne ne me voit et que les fils plantés dans ma peau tiennent bien.

C'est sûr que si je me fais choper, je suis dans la merde. Je ne sais même pas si je suis censé sortir trop de mon lit. Mais Mathias et sa bande ne sont pas des balances.

J'entre discrètement dans ma chambre en essayant de faire le moins de bruit possible. Elle dort. Je regarde le moniteur cardiaque pour m'assurer qu'elle est bien en vie. Son dos se lève à chaque inspiration. Je reste plusieurs longues minutes à observer cet étrange phénomène jusqu'à que la sonnerie de mon téléphone me tire de mes pensées. Je m'approche de mon lit pour le saisir puis je reste figé. Mes parents. C'est bien la première fois qu'ils m'appellent. Je n'étais même pas sûr qu'ils avaient ou se souvenaient de mon numéro. Je sors dans le couloir pour ne pas la réveiller.

- Oui ?

- Camille, quelle joie de t'entendre. Comment vas-tu ?

Quelle joie, oui bien sûr, toujours plus. Je levai les yeux au ciel.

-Est ce qu'on vous a appelé pour vous prévenir que j'étais mort ? Non ? Alors ça va, répliquais-je

- Vraiment très drôle ça Camille. Tu sais très bien que ton père et moi sommes très inquiets. C'est juste pour le travail, tu sais, c'est compliqué.

- J'avais remarqué oui.

- Mais devine quoi, on a décidé de te rendre visite dans 2 semaines ! Alors, tu es content ?

Je restai figé. Mes parents venaient. À l'hôpital. En France. Dans 2 semaines.

J'étais tellement sous le choc que je n'entendis pas les paroles de mes parents. Quelques minutes, plus tard, je raccrochai et me laissai glisser le long du mur. Je pris ma tête entre mes mains et pleurai. Je m'en fous si quelqu'un me voit pleurer.

D'habitude, je le fais discrètement pour avoir l'air d'un dur à cuire, mais je ne peux plus faire semblant. Une partie de moi est heureuse et l'autre furieuse. Non, je ne peux pas être content de leur venue. Ils m'ont abandonné. Pendant des mois, j'ai souffert de ce cancer de merde et leur absence m'a pesée chaque jour. Ils ne sont plus mes parents. Non, ils ont cessé de les être au cours des derniers mois où ils avaient pratiquement oublié mon existence.

Des parents ne me laissent pas leur enfant seul dans un hôpital livré à lui-même et partir à l'autre bout du monde. Non, ce n'est pas possible. Je gémis et continu à pleurer. Je souffre et je le sais. Ce cancer est en train de me bouffer de l'intérieur sans que je ne puisse rien faire. Personne ne sait si je vais survivre alors je vis chaque jour comme si s'était le dernier. Mais celui-ci, je craque. J'entends des bruits, je relève la tête et vois une mince silhouette s'avancer vers moi. Maëlys.

Oh non, la seule personne que je ne voulais pas qui me voie pleurer. Elle ne dit rien, juste elle s'assoit et pose sa tête sur mon épaule. Elle pleure aussi. On reste de longues minutes comme ça. Je savoure chacune d'entre elles. Bizarrement, je m'arrête de pleurer et pose ma tête sur la mienne. On fixe tous les deux le mur d'en face. On ne pleure plus.

Au bout d'une dizaine minutes, on se lève. On se fixe.

- Merci, dis-je en lui adressant un sourire timide.

Elle hausse les épaules et s'en va. Mais j'ai l'impression de voir un sourire se former au moment où elle tourne le dos.

Je reste seul comme ça, un sourire béat sur le visage debout au milieu d'un couloir, éclairé par des LED grésillantes. Je m'endors avec difficulté ce soir-là.

Je me réveille en sursaut. Un cri. Je me tourne brusquement. Elle a crié. Je me lève, ensommeillé, pour la rejoindre. Elle est toute tremblante et pleine de sueur quand je la touche. Nous sommes désormais assis, tous les deux, la tête posée sur celle de l'autre. Exactement dans la même position et pour la même cause qu'il y a quelques heures. Mais cette fois, c'est pour elle qu'on est comme ça. Environ une demi-heure après, je la laisse dormir. Au moment de partir, elle me retient par la manche.

- Cette fois, je suppose que c'est à moi de te dire merci », me dit-elle en m'adressant un léger sourire

Elle s'approche et pose ses lèvres fraiches sur ma joue. Je retourne dans mon lit tout bredouille. Je m'allonge. Merde, je crois que je suis amoureux.


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