Chapitre 12 : Cam : Visite

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Depuis les quelques jours qui ont suivi l'accident de Maëlys, je reste tout seul dans ma chambre, je ne parle, ne souris ou ne ris plus. Je n'en peux plus. Je suis fatigué, vraiment. Je fais des insomnies dues au stress selon le docteur Jolie.

Cependant, oui, bien sûr, je n'ai pas osé dire que c'était seulement à cause du garnement de dix ans qui joue à sa toute nouvelle console que ses parents lui ont offerte « pour t'apporter du soutien mon chéri » en reprenant les termes exacts. Je vais vomir.

Mon père m'avait laissé une lettre sur mon lit avant que je parte. Je n'avais pas osé l'ouvrir. Elle commençait à prendre la poussière sur ma table de chevet. Rien que l'écriture calligraphique d'un de mes parents me donnaient des hauts le cœur. Ils me dégoutent.

Mon téléphone sonna. Une alarme. L'écran s'alluma et je pus lire « Psy » en gros sur un fond d'écran où l'on me voyait en compagnie de la personne à qui je tenais le plus. Cette même personne qui se trouvait sur le lit de mort lutant pour rester dans ce monde, pas franchement juste et cool. Je n'avais pas réussi à la protéger.

Pour soigner ma « dépression », mes parents et le docteur avaient pris la décision de me prendre des rendez-vous hebdomadaires chez la psy la plus « gnangnan », excusez-moi le terme, je sais que seule ma mère utilise cette expression, mais bon, de la ville. En gros, elle t'apprenait en une heure à apprendre à faire la paix à toi-même, à te pardonner, à m'ouvrir aux joies de la vie et que la paix, c'est bien. Tout ça en fermant les yeux et tu dois la laisser te parler à deux centimètres de l'oreille.

Ça me donne l'impression qu'elle fait de l'ASMR mais en encore plus insupportable que les meufs sur TikTok.

Maé aurait rigolé si elle serait ce que subissaient toutes les semaines. Je n'en pouvais plus de cette bonne humeur, d'énergie et de « paix avec soi-même ».

Un jour, je vais craquer et ce ne sera pas beau à voir, je vous préviens.

Ça va faire le deuxième rendez-vous, ce qui signifie que ça fait deux semaines que Maé est HS, comme Mathias disait. Ce terme est tellement horrible et j'ai envie de lui casser la gueule quand il dit ça. Mais bon, de un, il est beaucoup plus costaud que moi, faute de la flemme pour aller à la salle comme tous les gras de dix-sept ans normaux et de deux, parce que je suis beaucoup trop fatigué.

La seule personne que je supporte encore est Théo, le frère de Maé. Ce mec est trop stylé. Vraiment. Il passe environ une heure avec moi tous les deux jours et me traite comme une personne normale.

C'est ça l'un des nombreux trucs chiant avec le cancer. Les gens pensent que tu n'es pas capable d'ouvrir une porte, de porter un sac ou encore pire de te serrer la main ou de te faire la bise. En plus pour ça, je pense que je ne suis pas le pire, allez demander à Maé.

Je décide de ne pas aller au rendez-vous et de rendre visite à mon amoureuse.

De toute façon, je sais que je n'en ai pas pour longtemps encore, cancer du poumon de stade trois qui commence pencher violemment vers le quatre. Peu de chance de m'en sortir étant donner que les antibiotiques ne marchant pas.

Je n'ai pas osé en parler à Maé, car je veux profiter de chaque moment, chaque bouffé d'air que je suis capable d'inspirer, sachant qu'un jour, au beau milieu d'une phrase, de mon sommeil, d'un baiser, avec un peu de chance, j'essayerais de chercher de l'air, en vain.

Charmant, vous ne trouvez pas ?

La seule raison pour que je force mes poumons à tenir le coup, c'est elle. À chaque douleur cuisante dans mon thorax, je me dis que c'est fini et que je ne vais pas plus la revoir. Jamais. Cette vision de la mort ne fait un peu flipper, je l'avoue. Et finalement, je suis là, le lendemain, à affronter une nouvelle journée sans ma bien-aimée.

Je traverse le couloir d'un pas en mémorisant chaque tache, épaisseur et petits détails du couloir un peu miteux. Carrément même.

Je toquai à la porte en espérant une quelconque réponse, mais non.

J'entre dans la chambre, personne, sauf elle. Son lit a été installé au centre de la pièce et un vieux sweat est en boule sur un siège dans un coin de la pièce.

Je reproche le siège de son lit et je m'installe.

Je souris, je me souviens la première fois que je l'ai vue. Des pas dans le couloir, je reste à ma place, de toute façon, je m'en fous.

Je ferme les yeux et je sens les larmes venir. Je ne les retiens pas. Ça y est, elles coulent sur mes joues. Cela faisait deux semaines que je les retenais. D'habitude, je ne pleure jamais. Mon père m'a toujours dit que c'étaient les faibles qui pleuraient. Il m'a élevé pour être un homme viril, pas une fillette.

Je regarde le moniteur cardiaque qui indique des faibles courbes.

C'est très bizarre, c'est là première fois que je suis seul avec elle depuis son accident. On dirait qu'elle dort. Elle doit souffrir. Affreusement. Mais elle doit tenir bon, elle va revenir et tous sera comme avant pour elle, mais différent pour moi.

Mon anniversaire approche, si elle revenait, elle ne pourrait pas me faire un plus beau cadeau.

À partir de maintenant, je vis jours pour jours. Je suis censé profiter, mais je ne peux pas sans elle.

Les pas se rapprochent, le bruit s'accentuât et la poignée se tourne lentement.

Jour pour jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant