Chapitre 9

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Une résonnance lointaine et indistincte vibrait en se rapprochant. Anya flottait dans un espace vide et immatériel, elle dérivait hors de son propre contrôle. La honte s'était emparé d'elle et son unique désir se résumait à disparaître, ne plus penser à rien. Ne plus laisser son cerveau explorer les méandres de l'accablement et du remord. Ceux-ci s'amusaient à la tourmenter et l'obligeaient à revivre la scène, dont Erein fut le marionnettiste. 

Le décor d'un cachot miteux, taché de sang noir, se matérialisa dans son esprit et les acteurs entrèrent en scène. La voix du commandant, aussi élégante que perfide, la mettait au supplice, alors qu'il investissait sans cesse son espace vital.

— Tu vas me dire tout ce que tu sais sur ce tendre Max, chuchota t-il à ses oreilles.

Anya ne détenait aucune information essentielle sur cet homme. Elle ne connaissait rien de lui, si ce n'est qu'il se trouvait en ville à la recherche de ce sadique. Toutefois, par simple dégoût et fierté, elle se bornait dans son mutisme. Son tortionnaire n'en parut que plus excité. Comme prit d'ivresse, son corps vibra et il fit claquer son fouet dans l'air.

— Tu es une tigresse n'est ce pas ? Que dirais-tu de parfaire le tableau ?  

Il s'appliqua à la fouetter jusqu'au sang, sur toute la hauteur du dos. Il savourait chaque goutte d'hémoglobine dans un soupir malsain. Les hurlements d'Anya remplirent les couloirs de l'étage durant de longues et douloureuses minutes.

— Mais ça se présente drôlement bien dis donc, s'exclama t'il dans une hystérie autosuffisante. Tu vas pouvoir me remercier, je t'ai fait les rayures ! 

Après s'être étiré avec un détachement effarant, Erein s'écarta pour se rendre à l'extrémité de la pièce. Lugubre et métallique, le son d'une lame qu'on ôte d'une surface en bois lui fit contracter ses muscles dans une résistance nerveuse. Tremblante, les jambes recouvertes de sang, elle pria en silence que tout s'arrête. Impossible de se leurrer cependant, il ne s'agissait là que des préliminaires.

— Il reste à finaliser mademoiselle, tu seras une œuvre magnifique. 

Il se plaça devant elle alors qu'elle se débattit contre ses chaînes, comme une bête en cage.
Anya le fixa d'un regard bestial et menaçant, elle se refusait à lui donner la satisfaction escomptée. Mais, l'effet fut inverse, Erein adopta un air attendri et bienveillant qui la prit au dépourvu. Une fois disparu dans son dos, il entailla ses bras et ses jambes à de multiples reprises, jubilant à chaque cri provoqué.

— Excellent ! Tu te révèle une toile de choix, annonça t'il avant de poursuivre en un soupir las. Si seulement je pouvais te garder un peu plus avec moi pour m'amuser ; je n'aurais pas dû prononcer ton exécution si promptement.

Son corps meurtri ne sembla plus qu'être déchirures et souffrances. Une fontaine de sang dont la source se tarirait prochainement.

— Tu ne cèdes toujours pas on dirait, fascinant, s'amusa Erein, qui savourait le résultat sans omettre le but premier de l'interrogatoire.

Elle ne céda pas. Muette comme une tombe et déterminée à blesser l'orgueil de ce faraud cabotin. Qu'importe les tortures, il se heurterait à un mur de glace impossible à briser.
Seulement, à défaut de pouvoir le fendre, il n'eut qu'à le faire fondre.

Les échos incertains se firent plus clairs et la tirèrent de sa torpeur.

— Comment va-t-elle ?

— Elle devrait s'en sortir, j'ai pu arrêter les saignements. Cette fille est d'une constitution solide pour ne pas avoir péri.

Les voix lui parvinrent de loin, comme une réverbération ténue impossible à identifier.

— Dieu soit loué, je n'aurai supporté qu'elle trépasse dans notre établissement.

Voyage vers l'île des mortsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant