Chapitre 7

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Hors de question de perdre le contrôle de la situation. Son instinct de survie l'irradia d'une énergie nouvelle, dont elle s'abreuva afin de dresser une barrière impénétrable.
Cet homme la jaugeait comme un prédateur examine une proie, il allait vite redescendre de son piédestal. Ce n'était pas cet hybride entre un Don Juan au rabais et un bouffon s'étant coincé un testicule, qui prendrait l'ascendant psychologique. Son expérience des affres de la vie lui avait déjà bien chargé la mule en matière d'épreuve. Elle avait la tête dure et ce parangon des manipulations s'apprêtait à le découvrir à ses dépends.

Tout du moins, c'est ce qu'elle s'efforça de croire. À l'opposé, elle maudissait ses membres trémmulants, de peur qu'ils ne la trahissent. Ses forces rassemblées, elle plongea un regard infaillible dans celui du commandant.

— J'ai accompli ce pour quoi vous m'avez engagé, déclara-t-elle d'une voix ferme. Maintenant payez moi.

La façade faussement agréable de l'homme fondit sur des traits froids et indécis. Ses doigts tapotèrent l'enveloppe avant de la saisir et de la jeter dans le feu. Anya observa d'une fascination spontanée, l'enveloppe roussir et disparaître. Elle emportait avec elle, l'étendue de ses secrets.

— C'était les derniers documents reliant mon nom à celui de ces mécréants, déclara t'il d'un ton monocorde, alors qu'il partageait son admiration de ces flammes avides. C'eut été embêtant que le commandant de la garde trempe avec pareils vauriens. 

Anya se mordit la lèvre sous son foulard, son anxiété monta d'un cran. Elle ne souhaitait, sous aucun prétexte, connaître le contenu de cette lettre. Relevé de son fauteuil, l'homme pivota son buste dans sa direction et s'enquit d'un sourire en coin, dont l'apparente tranquillité ne la rassura pas. Quelque chose clochait, comme un piège se refermant sur elle. Il suintait la malfaisance par tous les pores de sa peau. Elle se sentit idiote d'avoir accepté de travailler pour lui. Ce n'est pas comme si elle avait réellement eut le choix cependant.
Puis, les pièces du puzzle commencèrent à s'assembler dans son esprit. L'engrenage lancé, elle réalisa qu'il la désignait très probablement comme une victime collatérale, un sacrifice de précaution.

Il souhaite faire disparaître ses liens avec les bandits de Vertebrune, qu'est ce qu'il pouvait bien manigancer avec eux ?  Maintenant que j'y pense... Cet homme que cherche Max, n'avait-il pas un lien lui aussi avec ces brigands ?

L'homme parut se délecter de cet instant, comme s'il savourait chaque secondes de la réflexion d'Anya. Laquelle ne pouvait qu'aboutir à une conclusion désagréable. On toqua à la porte.

— Commandant, une missive urgente !

— Entre donc !

Un jeune écuyer entra dans la pièce, fébrile. Il portait sur sa chemise, l'emblème des gardes de la tour. La figure essoufflée et rougie, il fit un pas en direction du commandant, puis se stoppa net. Sous le regard foudroyant de ce dernier, et comme un enfant prit à commettre une erreur, le novice referma la porte en prenant bien soin d'enclencher la poignée. Après un regard intrigué envers Anya, il sortit de sa sacoche en bandoulière une missive enroulée et frappée du sceau royal. Le commandant indiqua d'un regard son bureau et le messager la déposa dessus avec précaution. Anya ressentit toute l'amertume émanant du commandant, comme agacé d'être dérangé dans un moment de qui n'appartenait qu'à lui.

Elle observa d'un coin de l'œil l'embrasure de la porte. Cette intervention représentait sa chance de sortir d'ici en un seul morceau. Nulle autre occasion ne priverait le commandant de la vigilance dont il faisait preuve, en dépit de son air faussement aimable. Le temps qu'il ôte le page de son chemin, elle serait déjà dehors. Les deux ivrognes dans la pièce d'à côté réagiraient trop tard ; les gardes à l'entrée seraient aisément semés ; les arbalétriers en factions ne disposaient que d'un essai pour parvenir à l'atteindre, à supposer qu'ils en aient le réflexe. Seule la vigilance du dénommé Gaston pourrait représenter un obstacle, mais rien d'insurmontable. 

Voyage vers l'île des mortsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant