Chapitre 12

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Un troupeau de bovins ruminait au milieu de la prairie paisible, sous l'illumination des étoiles. Le temps leur avait permis d'oublier leur inquiétude, concernant le petit groupe d'humains venu se poser dans leur pâture.

Exténué, allongé sur l'herbe humide, Max reprenait son souffle en écoutant les battements de son cœur. Le jeune Atis descendait une outre de vin, espérant se remettre de ses émotions.

— Ouf, souffla Thomas, appuyé contre l'une des roues de la carriole. J'ai bien cru qu'on allait tous y passer.

La chance s'était montré de leur côté, lorsque le monstre avait pris la décision de poursuivre le dernier bandit vivant. Leur cavalcade ne s'était pas interrompue pendant près de deux heures, jusqu'à ce qu'ils soient sortis de la forêt et qu'elle soit hors de vue. La présence apaisante du bétail les avait invités à marquer une halte en bord de route.

— Comment as-tu su qu'il fallait garder notre calme ? Demanda Max à Anya, alors qu'elle nourrissait les chevaux.

— Je n'en savais rien. J'ai supposé que le monstre se concentrerait en priorité, sur ceux qui s'agitaient le plus, l'instinct animal, elle marqua une pause hésitante, puis reprit. Cette créature... Tu semblais craindre sa présence avant même qu'elle ne se montre.

— Oui, j'ai fait le même genre de rencontre près de Vertebrune. C'est de rester immobile qui m'a sauvé également cette nuit-là, répondit-il.

— C'est étrange, leur recrudescence m'inquiète, songea-t-elle à voix haute.

— Comment ça étrange ? Intervint le commerçant qui se précipita vers eux. Tu sais ce que sont ces monstres ?

Sa peur se mua en agressivité, comme s'il la tenait soudain pour responsable. Paniqué, Anya eut un mouvement de recul, Max le darda d'un regard noir et Thomas se figea sur place.

— Désolé, s'excusa t'il en levant les mains, avant de venir à portée de confidences. Mais sérieusement, tu sais quelque chose sur ces créatures ?

— Pas grand-chose, hésita Anya. Votre peuple a simplement oublié leur existence. Mais j'imagine que vous avez grandi vous aussi, avec des histoires de monstres qui punissent les enfants turbulents.

— Heuu oui, bien sûr ! Attends, c'est ça le truc ? En fait, tout est vrai et on est dans la merde ? Répondit Thomas en commençant à faire les cent pas.

— Mon peuple les appelle les Anciens, j'ai grandi avec leur histoire. Mon père me racontait qu'avant que les humains n'héritent de la terre, les dieux dominaient.

— Les dieux ? Interrompit le jeune Atis. Quelle hérésie me chantes-tu là ? Dieu est unique et nous domine tous.

— Nous n'avons pas tous les mêmes dieux jeune homme, répondit Thomas en se penchant vers lui et en appuyant sa main sur l'épaule de l'apprenti. D'un geste, il invita Anya à poursuivre et s'agenouilla.

— Là d'où je viens, nous pensons que la Nature est mère de toute chose et que ces créatures sont ses esprits. Nous les honorons, bien que personne n'en est vues depuis plusieurs générations. Ils se seraient presque tous éteints, afin de laisser leur place à une nouvelle faune. Néanmoins, la légende raconte qu'il en demeure encore, endormi. Ce n'est pas normal que nous en ayons vu, ils ne fréquentent pas les Hommes.

— Tu sous-entends que quelque chose aurait perturbé l'équilibre naturel ? Demanda Max.

— Je n'en sais rien pour être honnête, ça n'était encore que du folklore pour moi, jusqu'à aujourd'hui.

— Et bien c'est génial, déclara le marchand en tapant sur ses genoux. C'est la guerre et en plus, y'a des anciens dieux qui ont décidé de venir nous bouffer en prime ! Avec un peu de chance, on va forcer les monstres et les Barbanes à se taper dessus, comme ça on est tranquille !

Voyage vers l'île des mortsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant