Chapitre 7

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Flash-back pour le lecteur : 2 ans plus tôt

ELLA

Cela fait plus de quinze minutes que je suis partie de chez moi et que j'arpente à pied les rues d'Annecy pour me rendre au centre-ville. J'ai beau habiter la Place des Romains depuis toute petite, je ne m'étais jamais vraiment rendue compte de la petite trotte qu'il y avait pour arriver au centre. L'avantage, si mon entretien d'embauche se passe bien et que je suis retenue pour le poste, c'est que faire cette route à pied tous les jours, matin et soir, m'aidera à perdre ces satanés kilos en trop qui ne veulent pas me lâcher. Ces putains de kilos qui m'empêchent d'apprécier ma silhouette dans le miroir, qui ont trop souvent été la source de moqueries et d'insultes. Ces putains de kilos qui me bouffent la vie depuis des années. Pourtant je suis loin d'être obèse, juste en surpoids, mais c'est déjà trop, dans cette société où seule la "ligne parfaite" est acceptée et valorisée.

Une fois arrivée dans le centre ancien d'Annecy, je prends le temps d'admirer cette architecture historique qui caractérise si bien notre ville, et la beauté du reflet des bâtisses dans le Thiou, la rivière qui traverse Annecy avant de se jeter dans le Fier. J'inspire, les yeux fermés, pour apprécier le doux parfum naturel de cet endroit, entre lacs et montagnes. Puis je reprends mes esprits et regarde une nouvelle fois le GPS sur mon téléphone pour ne pas me perdre. Ce serait bête d'arriver en retard à mon tout premier entretien d'embauche. Je suis l'itinéraire, et traverse le petit pont pour me rendre sur la rive gauche de la rivière. J'arrive enfin devant la façade de ce qui va peut-être devenir mon nouveau lieu de travail. Elle paraît si grandiose et moderne, qu'elle fait presque tâche au milieu de l'ambiance historique des rues du centre-ville. Intimidée, je m'avance vers l'entrée, et les portes, entièrement transparentes, coulissent d'elles-mêmes, comme pour m'inviter à pénétrer dans cet endroit. Je ne peux m'empêcher de regarder partout autour de moi, telle une petite fille avec de grands yeux ébahis. L'extérieur représentait bien la grandeur de l'agence à l'intérieur. Tout en est presque démesuré, et je me sens comme une petite fourmi qui n'est pas à sa place, dans ce lieu un peu trop luxueux, pour la jeune fille un peu trop simple que je suis. Soudain, de grands doutes m'envahissent. Et si ce job n'était pas fait pour moi ? Et si ce n'était pas l'environnement qui me convenait ? Et si je n'étais pas à la hauteur ? Je suis à deux doigts de faire demi-tour, lorsqu'une voix féminine m'interpelle.

- Mademoiselle Summer, c'est bien vous ?

Je me retrouve face à une femme qui doit avoir la trentaine, et qui, pour le coup, s'accorde bien avec l'ambiance de cet environnement. Hauts talons aiguilles, jupe moulante qui met en valeur des jambes de mannequin, chemisier parfaitement repassé, cheveux tirés en un chignon dont aucune mèche ne dépasse...

- Heu oui, c'est ça. Je suis là pour un entretien, pour le poste de secrétaire, dis-je en bégayant.

Elle me toise de haut en bas, me juge, et finit par afficher une mine offusquée face à mon apparence qui, de toute évidence, ne colle pas au superbe de cet endroit. Je me sens alors coupable de ne pas avoir réfléchi en enfilant un pull simple, un jean slim, des converses, et en ayant coiffé mes cheveux en une vulgaire queue de cheval. J'ai voulu porter une tenue qui me représentait, j'ai voulu être moi-même, mais encore une fois, ça pose problème. Je me sens rougir de honte, de timidité, et je déglutis difficilement, en ravalant les larmes qui menacent de se pointer. Toute mon adolescence, on m'a reproché de ne pas être assez. Pas assez belle, pas assez fine, pas assez extravertie... Pendant toutes ces années, on m'a jugé pour ce que j'étais, on m'a rejeté. Si je pensais que cette époque était derrière moi, cette femme me replonge en plein dans mon cauchemar.

J'essaie de me reprendre tandis qu'elle me fait signe de la suivre. Elle m'amène face à un bureau, entouré exclusivement de vitres transparentes. Elle toque doucement à la porte sur laquelle est inscrit "M. Garcia". Ça doit certainement être le directeur des lieux. Ce dernier nous fait signe, et la jeune femme me laisse alors entrer, puis repart en refermant la porte derrière elle. Je sens l'angoisse arriver peu à peu dans ma poitrine, et remonter jusque dans ma gorge. Je n'aurai jamais dû postuler ici, même si ma mère était persuadée que c'était une opportunité en or. Ça l'est peut-être, mais pas pour moi. Je ne suis pas assez sûre de moi pour travailler dans un environnement si "bourgeois". Toutes ces personnes autour de moi ne font très clairement pas partie du même monde, et je ne joue pas dans la même cour qu'eux, la femme qui m'a accueillie me l'a bien fait comprendre.

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