Chapitre 5

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ELLA

"Parfois, il faut savoir tout perdre pour ensuite gagner le meilleur. Parfois, il suffit d'y croire afin qu'un arc-en-ciel se dessine en enfer." (Nos âmes perdues)

J'ai passé la plus grande partie de ma nuit à lire, ça a occupé mon insomnie. C'est ma mère qui m'a ramené quelques romans hier, en m'expliquant que la lecture a toujours été une passion chez moi. Alors hier soir, au bout de plusieurs heures à tourner en rond pour trouver le sommeil, en vain, je me suis décidée à ouvrir un de ces bouquins, j'ai concentré mon attention sur les premières lignes, et j'ai compris. J'ai compris que pour la première fois, quelque chose n'avait pas changé. J'ai compris que cette passion qui m'animait auparavant était toujours présente, toujours en moi. J'ai compris que ce qui était mon échappatoire avant mon accident, le serait aussi après. Parce que c'est plus facile de rentrer dans l'histoire de quelqu'un d'autre plutôt que d'affronter la sienne. Parce que c'est plus facile de trouver les sentiments qui nous décrivent si bien dans un livre plutôt que de les exprimer soi-même. Parce que c'est apaisant, de se cacher derrière des pages blanches plutôt que de combattre ses démons.

Je repense à l'héroïne de ce roman. Cette jeune fille brisée, seule, qui tente désespérément de sortir la tête de l'eau. Comme moi, d'une certaine manière. La différence, c'est qu'elle est dotée d'une force que je n'ai pas. La différence, c'est que je ne crois pas pouvoir me relever comme elle l'a fait. Si on ne peut pas reconstruire une maison sans ses fondations, on ne peut pas non plus reconstruire une vie sans son passé, sans ses souvenirs. J'ai l'impression d'être dans un trou profond, où la seule échelle qu'on me donne pour tenter de remonter, c'est le mystère de cette "Elisa". Mais comment le résoudre ? Personne ne la connait, je ne sais rien d'elle, pas même son nom de famille. J'essaie de retrouver quelqu'un qui semble n'exister aux yeux de personne. On dirait que je recherche un fantôme.

Je suis rapidement tirée de ma rêverie par une jeune femme, qui rentre en trombe dans ma chambre, en trottinant d'excitement vers moi. Je prends quelques secondes pour la scruter, et remarque en premier lieu à quel point elle est fine. Pas un poil de graisse, pas un seul bourrelet. Mais cet effet est accentué par sa grande taille, je dirais à vue d'oeil qu'elle doit approcher des 1m80. Mon regard remonte ensuite vers son visage, et je ne peux qu'être frappée par son expression si lumineuse. Elle arbore un grand sourire qui révèle 2 jolies fossettes, et ses yeux pétillent si fort qu'on sent toute la joie de vivre s'émaner d'elle.

- Voilà ma Ella ! Comme je suis contente de te revoir !! Oui alors bon, je sais que t'as certainement aucune idée de qui je suis alors on va tout reprendre du début. Je me présente : Charlotte, la fille la plus joyeuse et optimiste de cette Terre qui te fait office de meilleure amie et d'acolyte depuis tes 9 ans. Experte pour faire rire les gens et leur fait oublier tous leurs problèmes, toujours dispo pour toi si t'as envie de chialer un bon coup ou de faire la connerie du siècle, je suis la meilleure pote que tu pourras trouver, dit-elle en me tendant une main pour que je la serre.

Elle a déblatéré son discours à une telle vitesse qu'elle a besoin de reprendre son souffle. Tant qu'à moi je ne peux m'empêcher de rire, face à cette personnalité si particulière. Mais elle me plaît déjà, ça c'est certain. Charlotte se met également à rire, certainement soulagée que je ne l'envoie pas balader.

- J'aimerais bien me présenter à mon tour mais je ne sais pas vraiment qui je suis, alors je vais juste dire : Ella, amnésique, la fille la plus perdue de cette planète, experte dans l'art de chialer parce qu'un putain d'accident a rendu sa vie chaotique, dis-je avec une pointe d'humour, essayant de recouvrir le mal-être un peu trop présent dans ma voix et mes paroles.

Elle m'adresse un large sourire, rempli de compassion, et me prend dans ses bras.

Cette jeune femme n'est peut-être à mes côtés que depuis une petite minute, pourtant c'est la première personne depuis mon réveil à avoir réussi à me faire décrocher un sourire sincère. Ce genre de sourire qui dit "même si mon monde a l'air de s'écrouler sous mes pieds, à cet instant précis, j'ai eu l'impression de passer ma tête par la fenêtre de l'enfer, et de sentir un léger souffle de vie".
Je ne la connais pas, enfin je ne la connais plus, mais si l'on était les meilleures amies du monde dans mon ancienne vie, je ne doute pas une seule seconde qu'on le sera aussi dans celle-ci.

RENAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant