Chapitre 3

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NOAH

Il y a 1 an, quand j'ai eu mon poste d'infirmier en CDI dans cet hôpital, ici à Annecy, je me suis dit que je tenais enfin ma chance de prendre ma revanche sur la vie, de montrer que je le méritais, et que moi aussi, j'avais le droit au bonheur. Alors je me suis promis d'être sérieux, de ne plus me laisser aller à aucune distraction, d'arrêter les bêtises inutiles, et de me concentrer sur mes objectifs de vie. J'avais fini par me persuader que les histoires d'amour n'étaient pas faites pour moi, étant donné que je fous tout en l'air avant même que les choses n'aient réellement commencé. Peut-être parce que j'ai tellement peur qu'on m'abandonne que je préfère ne m'attacher à personne. Peut-être parce que c'est plus facile de repousser toutes celles qui s'intéressent à moi plutôt que de les laisser rentrer dans ma coquille.

Et puis il a fallu que ma collègue tombe malade, que je doive la remplacer auprès de ses patients. Il a fallu qu'en ouvrant la porte du cabinet de Perla, je tombe sur elle. C'est quand j'ai croisé son regard, rempli d'innocence, d'interrogation, et de mystère, que j'ai su que rien ne serait plus jamais comme avant. C'est comme si ses yeux, en seulement quelques secondes, venaient de faire trembler les murs que j'ai bâtis autour de moi depuis des années.

Je m'avance vers son fauteuil roulant en faisant tout pour avoir l'air confiant, alors même que mon cœur bat bien plus vite que la normale, et je me place derrière pour la faire avancer. Est-ce possible qu'un simple être humain puisse avoir un tel effet sur moi alors que je l'ai rencontré il y a à peine une minute ? Et bordel, comment une jeune femme peut-elle être si ravissante, si lumineuse, sans même avoir besoin de sourire ?

Merde, Noah, reprends toi, on avait dit plus de distraction, tu restes concentré sur ton travail, ce n'est qu'une simple patiente que tu ne reverras plus d'ici quelques jours.

Le couloir pour se rendre jusqu'à sa chambre me paraît interminable. Ni elle ni moi n'osons parler, pourtant n'importe qui autour pourrait sentir la tension palpable qui s'est installée. Sauf que je me rappelle que je vais devoir m'occuper d'elle au moins aujourd'hui, voire aussi demain, alors autant briser la glace. Je finis par lancer, en ayant l'air le plus désintéressé et le plus froid possible :

- Tu es bien Ella Summer ? Chambre 412 ?

- Heu, oui oui, dit-elle rapidement, comme si je venais de la sortir de ses pensées en lui parlant.

Le silence retombe. La vérité, c'est qu'elle me déstabilise tellement que je n'arrive même pas à trouver quoi dire, et ça doit se sentir, alors je préfère me taire plutôt que d'avoir l'air idiot.

Nous arrivons enfin à sa chambre. Une fois que j'ai ouvert la porte afin qu'elle puisse entrer, elle me lâche un "Merci", d'une petite voix timide et à peine audible. Bordel, même sa voix est angélique. À son chevet, l'attend un jeune homme, qui doit avoir un peu moins de 30 ans, et plus loin, une femme plus âgée, certainement la cinquantaine. L'homme se retourne aussitôt quand il nous entend entrer. Au moment où je vois son image, une sensation de déjà vu me frappe. Je le connais, je l'ai déjà rencontré, mais où ? Impossible de m'en souvenir. J'ai beau chercher, ça ne me revient pas.

Je déglutis quand je l'entend s'exclamer "Mon amour ! Enfin je te retrouve". Je sens une boule se créer dans mon ventre sans que je ne puisse contrôler, et d'un coup une vague d'émotions me frappe : de la déception, mêlée à de la jalousie, saupoudrée par une souffrance que je n'explique pas. Je préfère alors faire demi-tour, partir, et fermer la porte derrière moi. Je n'avais plus rien à faire ici de toute façon, je reviendrai m'occuper d'elle plus tard. 

RENAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant