NOAH
Je n'ai pas pu fermer l'œil de la nuit. Des centaines de questions ont tourné en boucle dans ma tête et m'ont torturé l'esprit pendant des heures, sans jamais trouver de réponses. Je ne comprends pas. Qui aurait voulu lui faire du mal ? Elle qui avait un cœur énorme, qui était si dévouée envers les autres, qui souriait à longueur de temps, qui voyait le meilleur chez chaque personne. C'est juste impossible. Cette histoire n'a pas de sens. Et en même temps, son suicide n'en avait pas non plus.
Quand les premières lueurs du matin ont pointé le bout de leur nez, mon premier réflexe a été d'ouvrir le répertoire de mon téléphone, pour trouver quelqu'un à appeler. Trouver quelqu'un qui pourrait m'aider, quelqu'un à qui me confier. Et puis je me suis souvenu que je n'avais personne, que je n'avais jamais eu personne, mise à part ma soeur. Plus de famille, plus de parents pour me réconforter et m'aider à affronter les épreuves trop compliquées à gérer seul.
Mon père est décédé quand je n'avais que deux ans, et ma sœur cinq. Ma mère n'a pas supporté sa mort, et est tombée dans la drogue. Son addiction l'a rendue violente, irresponsable et incapable de s'occuper des deux enfants qu'elle avait mis au monde. Les assistantes sociales ont jugé meilleur de nous envoyer en foyer. Il me semble que nous y sommes restés 3-4 ans, et du plus loin dont je me souvienne, ces années abritent mes meilleurs souvenirs. Puis, on nous a trouvé une famille qui voulait bien nous accueillir jusqu'à notre majorité. Nous étions aux anges à l'idée de retrouver la chaleur et la sécurité d'un foyer, sans savoir qu'à cet instant, notre enfer commençait. Nous avons passé plus de dix ans dans une maison où les "parents" nous traitaient comme des larbins, et nous violentaient. Le sol n'était pas bien nettoyé ? Un coup de ceinture. Les vêtements n'étaient pas parfaitement repassés ? Une brûlure de fer à repasser. Le repas n'était pas assez chaud ? On dormait dehors. Personne ne mérite de subir ces violences. Personne ne mérite de se faire traiter de la sorte. Et même dans ce Pandémonium, ma sœur restait mon héroïne. Elle se débrouillait pour que je prenne le moins de coups possibles, même si cela signifiait multiplier les siens. Elle faisait en sorte que je la vois toujours sourire, même quand son visage était déformé par la douleur et l'épuisement.
Puis est venu le jour de ses 18 ans. Ce jour qu'on redoutait tant. Parce qu'il fallait qu'elle quitte notre famille d'accueil, ce qui en soit était une bonne chose. Mais cela signifiait aussi me laisser seul dans cet enfer, moi qui n'avais que 15 ans. J'insistais pour qu'elle parte sans se préoccuper de moi, je voulais qu'elle soit enfin heureuse, et je ne voulais pas être un frein à la chance qu'elle avait de s'enfuir d'ici. Mais l'idée de m'abandonner était tout bonnement inconcevable pour elle. Alors une fois de plus, elle a remué ciel et terre pour moi. Elle a mis les assistantes sociales au pied du mur, en leur montrant les preuves physiques de tout ce qu'on vivait. Et quand elle s'est rendue compte que ces dernières n'agissaient pas, elle s'est décidée à aller directement à la gendarmerie, pour dénoncer nos parents d'accueil.
Mais pendant des semaines, j'étais bloqué dans cette maison de l'enfer, sans aucune nouvelle de ma sœur ou de la police. Rien ne se passait. J'avais fini par croire que ça n'avait pas abouti, que j'allais encore devoir prendre mon mal en patience pendant trois longues années. Jusqu'au matin où ce sont le bruit des gyrophares qui m'ont tiré du sommeil. Ils étaient là. Ils étaient venus les arrêter. Ma sœur était là, elle aussi. Elle a reçu des vagues d'insultes par nos gardiens, quand ils ont compris qu'elle les avait dénoncés. Mais elle s'en fichait. Tout ce qu'elle voyait, c'est que nous étions enfin sortis de leurs griffes, que j'étais sain et sauf, que c'était la fin de nos années de souffrance. Et c'est tout ce qui l'importait. Et pour la première fois depuis de longues années, les larmes qui coulaient sur mes joues n'étaient ni douleur, ni tristesse. C'était un autre sentiment, que je n'avais que trop peu connu et ressenti. Du soulagement, du bonheur à l'état pur.

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RENAISSANCE
RomanceÀ la suite d'un mystérieux accident, Ella Summer tombe dans le coma. Quand elle se réveille 2 mois plus tard, c'est le drame : elle ne sait même plus qui elle est, ni ce qu'elle a vécu auparavant. Elle ne se souvient que d'un simple prénom : Élisa...