Chapitre 8

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Le soleil se lève sur le palais d'Imir. Il est à peine huit heures lorsque les portes de ma chambre s'ouvrent sur plusieurs domestiques qui ne s'arrêteront pas pour me rendre la plus présentable possible. On tire mes draps, m'enjoint à me lever mais c'est à peine si j'arrive à ouvrir les yeux.

À ma porte, Mère apparaît, visiblement inquiète de mon état actuel.

— Tout va bien se passer, Reyna. J'ai demandé à ce qu'on t'apporte une demi-douzaine de tasses de café.

Elle n'a même pas l'air de plaisanter. Derrière elle, la silhouette d'Anthos se dessine. Les cheveux en bataille, à moitié nu devant nous, il joue avec les lanières de son peignoir, un œil ouvert sur deux.

— Tu as encore meilleure mine que moi, ironisé-je.

Je me redresse péniblement. Mère disparaît, sûrement pour aller presser d'autres domestiques de sauver ses enfants à l'aide de caféine.

Anthos passe les portes de ma chambre et se met à bâiller. À plusieurs reprises. Bon Dieu que la journée va être très longue !

— Je crois que j'ai une gueule de bois atroce, marmonne-t-il.

Il s'effondre sur mon lit sans un mot de plus. Devant lui, une jeune domestique lui jette un regard en coin. De prime abord, je me dis qu'il ne s'agit que d'une attitude curieuse. Mais quand je comprends que le peignoir a glissé, dévoilant les muscles saillants de mon frère, je comprends.

Je me mets debout, me racle la gorge alors qu'Anthos se glisse sous mes draps.

— Je peux encore dormir un peu, ce n'est pas moi qui me ferai séduire dès cette après-midi.

— Mère sera en colère si tu n'es pas prêt d'ici là.

— Le sommeil est important, luciole. J'ai besoin de mon quota d'heures.

Les domestiques se dépêchent d'ouvrir les fenêtres et de ranger le désordre créé comme si le temps pressait. Seule une fait ses tâches de manière aléatoire et ne cesse de zieuter sur Anthos.

En toute simplicité, je me pose à côté d'elle et lance d'une voix assez basse pour qu'Anthos lui-même n'entende pas :

— C'est un imbécile, pas vrai ?

La fille lève les yeux vers moi, et je lis dans son regard un mélange de peur et d'amusement. Comme si répondre oui la démangeait mais qu'elle devait se contenir.

— Oh, je n'oserais pas dire cela, Votre Altesse.

— Dites-le. Non, encore mieux. Disons-le en chœur, vous êtes prêtes ? Trois... Deux... Un... ANTHOS EST UN IMBÉCILE !

Nous le crions ensemble si bien qu'Anthos sursaute en se redressant. J'éclate de rire et la fille aussi. Enfin, la domestique. Lorsqu'elle et Anthos se font face, elle s'empresse de retourner à son travail.

Et moi, j'observe Anthos avec attention. Suffisamment pour savoir qu'il la dévisage sans aucune vergogne. Je claque des doigts devant lui et il revient tout d'un coup à la réalité. Alors, les domestiques, dont cette jeune fille, sortent de ma chambre, au moment où Mère rentre de nouveau.

— Reyna, écoute-moi bien parce que je vais te lister le planning d'aujourd'hui. Neuf heures, petit-déjeuner, à onze heures la présentation du tournoi aura lieu et tu pourras officiellement rencontrer tes prétendants et leur parler. Ainsi, la première épreuve démarrera cette après-midi dès quatorze heures. L'annonce du gagnant se fera à seize heures, et comme ton père l'a dit, tu choisiras les récompenses parmi celles proposées. D'ici ce soir, tu attribueras le gain au vainqueur et ce soir, dîner familial. Les jumeaux sont arrivés hier soir tardivement alors je vous conseille de vous dépêcher si vous voulez les retrouver avant l'annonce du tournoi.

Mère s'arrête enfin de parler et Anthos la jauge d'un air... comme s'il venait de voir un fantôme.

— Respire, Mère, respire. Tu vas nous faire une crise cardiaque avant l'âge.

— J'essaye Anthos, mais avec la famille que j'ai, je peux t'assurer que ce n'est pas facile tous les jours, réplique-t-elle du tac au tac.

Puis elle lui adresse un sourire radieux avant de sortir de ma chambre. J'éclate de rire et dépasse mon frère en lui donnant un coup d'épaule :

— Tu es amoureux ! Je le savais !

— Je te demande pardon ?

Il me poursuit dans les couloirs alors que je le crie sur tous les toits, telle la vipère de sœur que je suis.

— Anthos est amoureux !

— Et de qui, sombre idiote ?

Je m'arrête nette et me tourne vers lui, outrée par ses mots.

— Je ne suis donc plus ta luciole préférée ? C'est de cette manière que tu traites ta famille, sombre crétin ? Bien, je retiens. Je me vengerai.

Il passe sa main sur son visage, exaspéré. Je poursuis ma route mais une voix nous arrête :

— Et de qui est amoureux Anthos, oui ? On aimerait savoir, nous !

Je fais volte-face en même temps que mon idiot de frère et un sourire se dessine automatiquement sur mon visage en les apercevant.

Freya et Hedge.

Aussi connus sous le nom des jumeaux sanguinaires. À leur actif plus de trois cents vols en tout genre et presque cinquante-deux meurtres quand même !

— D'une domestique. Jolie comme un cœur, elle est arrivée récemment, et je peux vous dire qu'il l'a bien maté.

Hedge éclate de rire alors que Freya demeure impassible. Elle croque dans un bout de pomme, assise sur un banc royal, les jambes croisées et le dos parfaitement droit. Ses longues boucles brunes ont été attachées en arrière, lui donnant un air trop sage. Elle porte un pantalon en cuir noir assortie à des talons aiguilles de la même couleur, et son décolleté plongeant a été choisi pour attirer tous les mâles du pays, j'en suis sûre.

Hedge, lui, n'a pas changé. Ses cheveux roux forment un amas sur son crâne d'où deux yeux parviennent quand même à créer le contact avec nous. Il est l'exact opposé de sa sœur puisqu'il porte une chemise de toutes les couleurs et un pantalon bien trop grand pour lui. Ses tâches de rousseur inondent son visage tandis qu'il m'offre un clin d'œil.

— Alors, prête à te faire séduire durant un mois entier ?

— Repose-moi la question le mois prochain et ma réponse sera toujours identique, je réplique. Quel bon vent vous amène ici ?

— Oh, tu sais, les affaires. Notre père veut négocier avec le tient le coût des navires. Selon lui, Imir se remplirait les poches sur le dos de Meridia. Il va pour ainsi dire qu'il n'a pas tort. Enfin, peu importe. Nous, nous sommes venus pour le Jeu des Cœurs, pardi !

— Le tournoi ne sera pas très intéressant, je peux te l'assurer, je souffle.

— Je n'en suis pas si sûr.

Anthos a profité de notre échange pour disparaître. Il se savait en position délicate en étant au cœur des conversations mais il ignore que je n'ai pas oublié la façon dont il regardait la domestique.

Je saurai lui coller un mariage au dos. J'en suis persuadée, je ne serai pas la seule embarquée dans cette affaire.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐂𝐨𝐞𝐮𝐫𝐬 | 𝐓𝐎𝐌𝐄 𝟏Où les histoires vivent. Découvrez maintenant