Chapitre 10

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— Trois... Deux... Un... Combattez !

J'admire les deux adversaires qui se font face, l'un se jetant immédiatement sur l'autre dès que le lancer est donné. J'ai essayé de retenir le prénom des vingt candidats mais cela s'est avéré plus compliqué que prévu.

Je sais, en revanche, que les deux hommes sont les premiers à s'affronter. L'un est grand et fin, au visage émincé, l'autre plus trapu et petit. Ils ont tous les deux une vingtaine d'années et se battent comme si leur vie en dépendait.

À quelques pas de moi, Gortus se dirige vers moi, son arme en main. Il vient s'assoir à mes côtés, il faut dire que je me suis glissée entre les prétendants pour être au cœur des ragots. Paraît-il que Javier a promis à tous ses adversaires de les battre sans l'ombre d'une difficulté.

C'est ce qu'on verra.

Qui sont-ils ?

— Le plus grand s'appelle Hunter et le plus petit est Adryen, celui dont je vous ai parlé auparavant. Hunter est issu d'une famille bourgeoise et est nageur professionnel.

J'apprécie de plus en plus Gortus pour sa capacité à m'informer le plus justement possible.

Peu avant l'épreuve, Père m'a expliqué que je pouvais handicaper un candidat par épreuve et de la manière que je voulais, et avantager un autre de la même façon. J'ai donc tout pouvoir sur la suite de ce tournoi.

Quand quelqu'un me tapote l'épaule, je me retourne vivement. Anthos me sourit de toutes ses dents. Il est accompagné de Hedge qui a l'air ébahi devant le combat qui se joue devant nous.

— Alors, ma luciole, tu as déjà choisi qui tu allais pénaliser ?

J'ai déjà mon idée en tête depuis une dizaine de minutes. Le combat vient de se terminer sur la victoire d'Adryen. Gortus et Anthos échangent quelques mots mais je n'y prête plus attention. Je la reporte sur Darren qui est assis à deux sièges de moi.

Un sourire aux lèvres, je me lève, et me dirige tout droit vers l'estrade où j'y ai caché ma manoeuvre. En main, je repars vers Darren qui lève enfin les yeux vers moi. À son regard, je comprends qu'il est loin d'être ravi.

— Je pense que vous vous débrouillerez à merveille avec cette épée d'entraînement.

Je la lui tends mais il ne la prend pas. Les autres candidats me dévisagent, mi apeurés, mi satisfaits que cela soit Darren qui écope du désavantage.

— Vous m'handicapez de la sorte, Votre Altesse ?

— Je crois en vous, Darren. C'est pour cela que je vous rends la tâche plus difficile. Le tournoi serait moins appréciable sans cela.

Au lieu d'une épée en métal lourde et plus maniable, je continue de lui tendre une mini épée en bois qui se fera taillée dès la moindre occasion lors de son affrontement avec Javier.

Je lis dans les yeux de Darren une colère infinie. Il m'arrache l'épée des mains et je réplique :

— Ce n'est pas de cette manière que vous obtiendrez mon cœur, Darren.

Son nom est appelé. Il est l'heure pour lui de combattre. Il se lève, la hargne au visage, et s'abaisse pour murmurer à mon oreille :

— J'obtiendrai votre cœur, Reyna. Et je me ferai une joie de le briser en mille morceaux.

Il me donne un coup d'épaule avant de rejoindre la scène et j'ai beau le fusiller du regard, ma colère ne s'éteint pas. Je rejoins mon siège aux côtés de Gortus et croise les bras sur ma poitrine.

Anthos, derrière moi, est hilare.

— Pourquoi l'avoir désavantagé ?

— Mais oui, Reyna, pourquoi avoir désavantagé un canon atomique comme lui ! s'époumone Hedge en agitant son éventail.

Je me tourne vers lui. Sa tunique est un mélange de couleurs et de fleurs exotiques pour lesquelles il semble avoir une passion exagérée. Il a l'air de baver sur Darren alors que je lui accorde à peine un coup d'œil.

Gortus, lui, jette le même regard à Hedge. Il le dévisage comme s'il n'était qu'une créature étrange sortie des profondeurs.

— Darren le méritait. Il n'a cessé de me manquer de respect et je lui voue une haine toute particulière.

Dans un sens, j'exagère sûrement. Mais il est hors de question pour lui de gagner l'épreuve. Je le pénaliserai jusqu'au bout du tournoi.

Mes yeux se posent sur lui. Le combat est lancé et je le vois dévisager avec dégoût son arme. Javier n'en fera qu'une bouchée. Il a revêtu son armure et est bien plus grand que Darren qui ne porte qu'une tunique blanche d'écuyer.

Javier commence à attaquer. Darren reste sur la défensive tandis que son adversaire l'assaille de coups, tous plus violents que les autres. Darren tente de parer mais a le malheur de se protéger de son arme qui finit tranchée en deux morceaux. Nous l'entendons pousser un grognement au moment où Javier lui entaille le bras.

Je grimace alors que le sang se met à goutter. Darren est maintenant totalement inoffensif mais cela n'arrête pas Javier qui continue de l'attaquer. Son opposant s'abaisse, tente de se défendre comme il peut mais les choses dégénèrent.

Javier lui entaille de nouveau le bras et Darren lâche un cri de douleur, si bien que je me lève, furieuse. Tout cela est de ma faute. Darren est maintenant à moitié écroulé au sol, les deux bras en sang.

Ni une ni deux, je quitte mon siège, et me dirige tout droit vers la scène munie d'une épée de pacotille. Au moment où Javier s'apprête à porter le coup fatal sous les murmures ébahis des spectateurs, je m'écrie :

— Assez !

Cet idiot pose ses yeux sur moi, un rictus vengeur au visage. J'ai bien conscience que les deux se sont affrontés hier soir et l'ego de Javier doit avoir été touché mais il est hors de question de tuer un candidat !

Je lève mon épée vers l'adversaire et lâche d'un ton sans équivoque :

— Il est interdit de tuer un autre prétendant. Mon père vous l'a rappelé, c'est inscrit dans le règlement. Javier, je vous disqualifie.

Darren, lui, se relève et me crache presqu'au visage :

— Si vous ne m'aviez pas désavantagé, je l'aurais réduit en bouilli. Vous n'êtes qu'une gamine capricieuse.

Et il me jette à terre les morceaux de son épée en bois. Javier, lui, quitte la scène d'un pas furieux et l'annonce est faite : la première épreuve est annulée.

Ce tournoi s'annonce mal.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐂𝐨𝐞𝐮𝐫𝐬 | 𝐓𝐎𝐌𝐄 𝟏Où les histoires vivent. Découvrez maintenant