Chapitre 17

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Je fuis loin des journalistes. Les portes d'entrée sont bloquées par des gardes alors j'emprunte les escaliers qui me mèneront je-ne-sais-où. De toute manière, je ne peux pas rentrer maintenant, et encore moins avec des journalistes à mes trousses.

J'ai beau être une princesse en talons aiguilles, rien ne m'empêche d'être plus rapide qu'eux. J'accours dans les couloirs, mes jupons voletant autour de moi. Une goutte de sueur traverse mon front tant j'ai chaud. J'entends les questions pleuvoir dans mon dos mais je n'écoute pas. J'ouvre la première porte que je vois, et la referme aussitôt derrière moi à clef.

Je suis sauvée.

Je me laisse choir le long de la porte, le souffle court, et mon cœur manque de lâcher quand je réalise que je ne suis pas seule. En face de moi, les portes battantes des fenêtres s'ouvrent d'un coup précipité et un homme se faufile à l'intérieur comme s'il ne souhaitait pas être vu. Je me relève d'un coup d'un seul et mes yeux s'ouvrent grands.

— Darren ? Qu'est-ce que vous fichez ici !

Il porte sa tenue habituelle, mais il y a quelque chose de différent chez lui. Ses cheveux paraissent plus sombres, ou bien ce sont ses yeux qui me semblent ailleurs.

Il pose son regard sur moi, range quelque chose dans sa poche avant de réajuster sa veste.

— Vous fuyez vos problèmes, je fuis les miens, répond-il en haussant les épaules.

Je traverse la pièce afin de comprendre la raison de sa venue ici, ou devrais-je plutôt dire de l'infraction qu'il a commise.

Dehors, un groupe de six ou sept hommes sont rassemblés et semblent lancer la direction vers les fougères à l'arrière de la Salle des Fêtes, comme si c'était par là que Darren avait fui.

— Qui sont ces hommes ?

— Des ennemis.

— Des nobles, vous voulez dire. Ils portent des blasons coûtant plus que vous ne gagnerez jamais dans votre vie. Qu'avez-vous fait ?

Il me lance un regard mauvais et sort de sa poche une dizaine de pièces d'or. Il les pose alors sur la table et réplique d'un ton moqueur :

— Vous auriez fait la même chose à ma place.

Ma mâchoire risque de tomber par terre. Une dizaine de pièces d'or. C'est impossible que...

— Qu'avez-vous fait ? Qui êtes-vous ? craché-je. Pour voler des hommes de la sorte ?

Darren s'assoit sur le siège du bureau, ses yeux rivés sur ces pièces d'or. Il en saisit une qu'il fait tournoyer entre ses doigts.

— Pendant nos jours de repos, nous sommes sortis en ville avec d'autres prétendants. Je m'ennuyais et j'écoutais les discussions vacantes, quand j'ai entendu l'un de ces hommes parler d'une fortune inimaginable qu'il venait d'acquérir. Je l'ai suivi et je l'ai volé. Souhaitez-vous les détails de ma manœuvre ou devrais-je m'abstenir étant donné l'avalanche d'insultes que je risque de recevoir d'une seconde à l'autre ?

Les mots m'en manquent. Ce type est un voleur. Je dois en parler à Père. Je dois l'informer immédiatement de ces méfaits, il est hors de question que j'épouse un voleur, ou bien même qu'un voyou ait sa chance avec moi !

— Vous n'êtes qu'un fripon !

Je ne suis même pas en colère, je crois. Seulement tétanisée. Darren a sûrement volé bon nombre d'objets de valeur au palais. Je devrais aussi demander la vérification de tout précieux bien.

— Savoir de quelle manière cet homme avait hérité de cette fortune vous intéresse-t-il, reine ?

— Je m'en moque, Darren, vous n'êtes qu'un voleur, comment avez-vous pu agir en toute conscience d'âme en voleur ce pauvre homme ?

Darren laisse tomber la pièce sur le bureau et ses yeux se rivent aux miens.

— Darren, vous...

— Il avait renvoyé des fermiers pour une maudite erreur de comptabilité, Reyna. Soit disant lui devaient-ils un certain nombre de kilos de blé. Les fermiers n'ont pas tout donné. Ils ont donné la majorité de leurs biens, et ce pauvre homme comme vous l'appelez si bien, a envoyé une mère, un père et leurs deux jeunes enfants en bas-âge à la rue. Tout fier de lui, il a récupéré leurs terres pour les revendre au plus riche. Dix pièces d'or valent-elles vraiment la vie de ces fermiers ?

— Alors quoi ? Vous vous la jouez Robin des Bois ? Il y a des injustices partout dans ce monde. Ce n'est pas en étant un peu moins pourri que les plus pourris que vous gagnerez.

Darren se lève et me dévisage comme si je ne valais rien.

— Je ne me la joue pas Robin des Bois, espèce de petite peste pourrie gâtée. J'essaye de faire le bien quand je le peux. Ces dix pièces auraient pu servir à aider ces fermiers. Mais vous, derrière vos diadèmes et robes à paillettes, vous ne pensez qu'à votre propre cas. Vous vous souciez peu du sort de vos sujets.

Il récupère la dernière pièce d'or qu'il tenait entre ses doigts et la pose sur la table.

— Vous me demandez souvent pourquoi je me suis inscris. Et bien croyez-moi ou non, mais j'avais peut-être espoir de voir changer la princesse d'Imir. Vous aviez un cœur bien plus pur étant petite, et ce trait vous manque, reine.

Il reste quelque secondes là, à me dévisager, une certaine mélancolie traversant son regard. Je me rappelle moi, petite, chantant à tue-tête toutes les mélodies possibles, me promettant de sauver le monde des vilains bandits. Darren a sûrement raison. Peut-être ai-je perdu ma bonté et ma générosité au fil des années.

Vous aviez un cœur bien plus pur étant petite.

Mais comment pourrait-il le savoir ?

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐂𝐨𝐞𝐮𝐫𝐬 | 𝐓𝐎𝐌𝐄 𝟏Où les histoires vivent. Découvrez maintenant