La Fiancée de la Foudre

Chapitre 22 : Du Grain à Moudre

Étant donné la situation, le Duc avait été clair : elle serait escortée d'Orina et d'Herald jusqu'à son arrivée. Sinon, pas de rendez-vous.

Honnêtement, elle n'était pas assez stupide pour le contredire. Avec toutes les tentatives d'assassinat et les problèmes de manipulation mentale de son oncle, elle n'allait pas jouer les héroïnes naïves et écervelées, du genre : oh, ciel, je ne supporte pas que l'on me donne des ordres !

Tout d'abord parce que le donneur d'ordre était sacrément sensuel, deuxièmement parce qu'elle tenait à ses fesses. À elle, hein. Même si les siennes aussi.

D'ailleurs, en parlant de fesses, elle avait bien fait de venir avec Orina et Herald. Certains commençaient déjà à se questionner sur la nature de sa relation avec le beau chevalier derrière elle. Déjà qu'il était grand, le bougre, il avait à présent des oreilles de loup qui en faisait la cible de tous les commérages. Et tout le monde semblait disposé à lui prêter une liaison avec la Duchesse Deslys. Jusqu'à ce qu'ils remarquent Orina, stoïque, à son côté. Annulant toute prétention d'infidélité pour Sana.

-Votre Grâce, roucoula une noble en se portant à sa rencontre. Voulez-vous que je vous initie à la vie mondaine de l'opéra ?

Sana se retint difficilement de hausser un sourcil, pour plaquer un sourire courtois sur ses lèvres. Cette femme cherchait à se rapprocher d'elle en vue de coucher avec Herald, visiblement. Ses pensées étaient toutes tournées vers le chevalier. Chevalier qui s'ennuyait ferme, au vu de son nuage émotionnel.

-Je vous remercie, madame. Mais je suis déjà bien accompagnée, comme vous pouvez le voir.

Ses deux escortes sourirent plaisamment à leur tour, avant de lui emboiter le pas. Quand elle fut alpaguée pour la troisième fois de cette façon, elle commençait sérieusement à désespérer de voir arriver le Duc de Karth. Son terrifiant fiancé ferait barrage entre elle et eux !

-Herald ?

Tiens donc ? Un homme venait de se figer devant elle, les yeux rivés au chevalier de Karth... ou plutôt à ses oreilles. Mais une chose interpella aussitôt Sana. Ils se ressemblaient énormément.

-Monsieur le Vicomte de Kirik, le salua-t-il, froid.

Froid n'était pas un qualificatif qu'elle userait pour Herald. Néanmoins, en cet instant, il était totalement fermé. Hum hum... quand il croisa rapidement son regard, elle comprit. « C'est mon demi-frère ».

Ah oui. Il était vrai qu'il savait, pour sa capacité à lire dans les pensées.

-On dirait que les rumeurs sont vraies. Tu as des oreilles de chien, maintenant.

-De loup, le corrigea Sana en pivotant vers le frère honni. Il les a acquises de façon fort héroïque. Voulez-vous en entendre le récit ?

Le Vicomte fronça les sourcils.

-Excusez-moi, mais vous êtes ?

-Ciel ! Vous ne savez donc pas de qui Herald est le chevalier, alors que vous êtes son frère ?

-Heu... Oh ! Désolé, Votre Grâce ! Je suis... troublé.

-Oh, monsieur le Vicomte de Kirik, je vous pardonne. Néanmoins, je présume que ce n'est pas l'émoi de ces retrouvailles qui vous chavire. Depuis combien de temps n'avez-vous pas vu votre frère ?

« Depuis qu'il a été chassé. »

-Depuis qu'il a quitté la maison familiale, j'imagine, fit mine de réfléchir le Vicomte.