La Fiancée de la Foudre

Chapitre 17 : La Chaleur de la Foudre

-Vous êtes certaine, madame ? fit Orina.

Sana hocha la tête. Soucieuse, sa femme de chambre-garde du corps resta un instant silencieuse, en pleine réflexion.

-Très bien. Nous allons prendre les dispositions nécessaires.

-Je te remercie. J'aurais bien demandé à Herald, malheureusement, il est devenu un homme.

Cette remarque fit éclater de rire Orina. Visiblement, elle le connaissait depuis fort longtemps. Tous deux connaissaient le Duc avant son accession au titre, tout comme monsieur et madame Kleen. Curieuse, Sana se demanda à quoi ressemblait son fiancé, jeune.

-Une bête enragée dans un corps de chiot, lui répondit monsieur Kleen, avec un grand sourire.

Hein ? Surprise, elle cligna plusieurs fois des yeux, puis décida de s'inviter dans les pensées de son interlocuteur. Ce qui se trouvait en cet instant dans l'esprit du majordome était un jeune adolescent brun, aux cheveux lui tombant aux épaules. Sous une pluie battante, les mains croisées dans son dos bien droit, il regardait devant lui, son regard bleu pâle brulant de fureur. Des cernes ornaient son visage, l'eau de la pluie roulait sur ses joues trop creuses. C'était là une image qui avait marqué monsieur Kleen. À onze ans, le futur Duc avait été puni par son grand-père, pour avoir pris la défense d'une jeune fille dans le village voisin. Cette dernière, sourde n'avait pas entendu arriver le carrosse ducal. Percutée, elle avait failli perdre la vie dans l'accident. Le comble était que l'ancien Duc avait estimé qu'elle était coupable de ce qui lui arrivait. Il avait failli exécuter l'enfant et sa famille dans la foulée. Seule l'intervention de Liam leur avait permis d'en réchapper.

Il avait été condamné à une semaine sans boire ni manger pour s'être opposé en public à son grand-père. Pour recevoir une autre punition plus tard : rester trois jours durant debout sans bouger dans la cour. Tout cela parce qu'il était sorti en cachette du château, afin d'emmener des médicaments et des vivres à cette petite fille. La sœur d'Orina.

Cette image sous la pluie datait du matin du troisième jour de la punition de Liam, où monsieur et madame Kleen avaient essayé de lui donner à boire et à manger en cachette.

« Qui suis-je pour vous mettre en danger pour une bouchée de pain ? » avait assené Liam, en refusant catégoriquement leur aide.

Son incursion dans l'esprit du majordome n'avait duré qu'un instant. Pourtant, Sana cligna des paupières, l'estomac noué. Elle se souvint de ses confidences sur l'état de sa main, brisée par son grand-père. Le Duc de Karth était un homme infiniment complexe. Mais elle ne pouvait le nier : il était l'homme le plus courageux, têtu et généreux qu'elle ait croisé jusqu'à présent.

Néanmoins, elle comprenait de mieux en mieux pourquoi il l'avait aidé, sans l'ombre d'une hésitation. Ce n'était pas par pitié. Ce n'était pas sur ordre de l'Empereur, même s'il était chez les Krieger à sa demande. Non, c'était parce qu'il reconnaissait une partie de son propre passé en elle.

Pas étonnant qu'il ait massacré les hommes de monsieur Gilles à l'auberge, lors de notre fuite, songea-t-elle.

Puis, elle réalisa que tous les gens qui la protégeaient, dans la demeure des Karth, connaissaient le passé du Duc. Ils savaient, et le respectaient en partie pour cela. Curieuse, elle avisa Herald qui haussa un sourcil. N'avaient-ils pas mentionné une histoire de braconnage, quand ils s'étaient chamaillés après sa transformation ?

-Comment avez-vous rencontré le Duc ? s'enquit-elle.

Le sourire du chevalier se figea légèrement sur ses lèvres.