Prologue

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JADE

8 ANS PLUS TÔT

— Bon, tu vas l'inviter à danser, oui ou non ?

Je sursaute au même moment où la main de Raphaël s'abat sur mon épaule. Il arbore un sourire moqueur et ses yeux passent de moi à Livia, que je regardais au loin.

Pris en flag'.

— Je...

Pourquoi est-ce que je fais semblant d'hésiter, déjà ? On sait tous que je ne le ferais pas.

— Non, avoué-je, les joues rouges. J'oserais jamais.

Mon pote lève les yeux au ciel une seconde.

— Si ça peut te rassurer, je pense que tu n'auras aucune compétition. Aucun autre type ne compte l'inviter, à mon avis.

Ça m'arrange, ai-je envie de répondre. Au moins, je ne risque pas de la voir danser dans les bras de quelqu'un d'autre.

— Si tu as envie de danser avec elle, vas-y, rétorque alors Raphaël en pressant plus fort mon épaule dans sa main. C'est la fin de l'année mec, dans deux semaines c'est les vacances d'été. Si elle te bâche t'auras deux mois pour t'en remettre.

Je ne réponds rien, me contentant de la regarder de loin. Je ne sais pas exactement depuis quand est-ce que je suis littéralement obsédé par Livia Le Gall, mais le fait est que j'ai pensé à elle absolument toute l'année.

Quand je l'ai vue se lever au moment où la directrice a appelé son nom au micro le jour de la rentrée dans l'auditorium, j'ai senti mon cœur faire un drôle de truc. C'était la première fois de ma vie que je ressentais ça, comme un mélange d'attirance et d'intimidation. J'ai essayé de me convaincre que c'était passager, que c'était juste mon corps qui déconnait... Mais non.

Plus les semaines ont passé, plus j'ai commencé à penser à elle. Étant donné qu'on est dans la même classe, j'ai fait en sorte d'être assis à des endroits stratégiques dans tous les cours pour pouvoir la regarder sans être cramé.

La vérité c'est que je ne sais même pas pourquoi est-ce que je fais une fixette sur elle. Elle est froide et ne parle à quasiment personne, excepté sa meilleure amie Cyrielle. Elle ne lève jamais la main en classe alors qu'elle a les meilleures notes et que tout le monde sait qu'elle a des tas de choses intelligentes à dire. Elle ne s'habille quasiment qu'en noir et elle boit du café, beaucoup de café ; la plupart du temps, quand je la croise hors de la classe, elle est presque toujours près de la machine devant la salle des profs. On n'est pas censés l'utiliser, mais je n'ai jamais vu personne lui dire quoi que ce soit.

C'est peut-être ce qu'il y a de plus fascinant autour de Livia : les gens lui vouent une sorte d'admiration naturelle. Sans même qu'elle n'ouvre la bouche, on lui tient la porte, on la respecte et on lui sourit. Beaucoup diront que c'est parce qu'elle est tout simplement magnifique mais en réalité, je pense que ça va plus loin que ça. Il y a un truc dans ses yeux qui aimante les gens. Un truc à la fois doux mais un peu cassé que j'ai remarqué dès la première fois que nos regards se sont croisés le jour de la rentrée... regard que je n'ai jamais pu oublier.

Je crois que mon cœur l'a choisie, tout simplement, et ça me tue d'être trop con pour oser l'approcher.

— Il y a déjà eu deux slows ; si tu veux tenter ta chance tu devrais te dépêcher, me dit Raphaël avant de se reculer.

J'acquiesce, avalant difficilement ma salive. Il a raison, il faut que j'y aille. Qu'est-ce que je risque, au pire ? Qu'elle me rejette ? Elle va me rejeter, c'est certain – je suis sûr de n'avoir strictement aucune chance avec elle.

(Not) Meant to beOù les histoires vivent. Découvrez maintenant