LIVIA
Oh.
C'est tout ce dont à quoi j'arrive à penser en voyant mon reflet dans le miroir en pied de ma chambre. Mon corps est enserré dans une robe noire minuscule et mes talons sont vertigineux. Au moins, on voit tous mes tatouages : tous les débiles du lycée verront que j'ai grandi, que j'ai évolué.
Je ne sais pas pourquoi cette idée m'obsède autant mais depuis que j'ai accepté de suivre Cyrielle à ce gala, je n'ai fait qu'y penser. J'ai changé, me répété-je constamment depuis une semaine. Je crois que je suis terrifiée d'être toujours cette gamine sans défense qui appelait son père en pleurant dans les toilettes pendant la récré pour qu'il vienne la chercher.
Nous sommes le dix-neuf septembre et dans moins d'une heure, je serais dans l'endroit où j'ai passé trois des pires années de ma vie.
Quel enfer.
Épuisée d'avance, je pousse un soupir et commence à m'activer pour être sûre de ne pas me poser – en d'autres termes, je refuse de me laisser une seule occasion de changer d'avis. Une fois mon petit sac prêt, je le passe à l'épaule et souffle sur mon bâton d'encens pour l'éteindre avant de quitter ma chambre.
Quand j'arrive dans la pièce à vivre, je remarque que la porte d'entrée est ouverte et que des éclats de voix retentissent dans le couloir. Un fin sourire apparaît sur mes lèvres, sachant très bien ce qui se trame.
Comme prévu, lorsque j'arrive sur le palier je trouve Cyr' en grande conversation avec Édouard. Ils sont assis l'un à côté de l'autre sur la première marche de l'escalier et gesticulent en se racontant je-ne-sais-quoi. Je les fixe un instant en arquant un sourcil avant de rétorquer d'un ton monocorde :
— Vous savez qu'on a un canapé ? Vous n'êtes pas obligés de vous asseoir là comme des clochards.
Édouard me lance l'un des regards dégoûtés dont lui seul a le secret. Ça me fait rire à chaque fois.
— Qui lui a demandé son avis à celle-là ? rétorque-t-il avant de se lever. Non, en vrai, on s'est juste croisés et on s'est arrêtés pour discuter, c'est tout.
— Oui, comme d'habitude, réponds-je. Et comme d'habitude, vous pourriez vous asseoir dans l'appartement et pas devant.
— On s'est laissés emporter par notre conversation, dit Cyrielle en se levant. Tu es prête ?
J'acquiesce tandis qu'elle fait glisser ses yeux le long de ma tenue. Un frisson me parcourt sous l'intensité de son regard mais j'essaie de le cacher en tendant une main à Édouard pour l'aider à se relever à son tour.
— Oula, merci, dit-il en époussetant rapidement son pantalon. Je vais y aller moi, mon mec doit m'attendre désespérément comme une âme en peine. On se voit demain ?
Cyrielle sourit lorsqu'elle lui répond :
— On habite en face, Ed'. Tu sonnes quand tu veux.
Le visage de celui-ci s'illumine, presque comme s'il avait oublié cette information.
— Ah ouais, pas con. Bon bah, à demain.
Sur ce, il rentre chez-lui tandis que je roule des yeux, le sourire aux lèvres.
J'ai souvent du mal à me faire des amis, mais le fait est qu'Édouard est réellement devenu plus qu'un simple voisin. Il a emménagé sur le palier seulement quelques mois après nous il y a déjà plus de quatre ans. Cyrielle et moi n'arrêtions pas de devoir sonner chez-lui pour lui filer son courrier – tout ça parce qu'il avait collé son nom sur notre boîte aux lettres par erreur et qu'aucun de nous ne s'en était rendu compte. À force qu'on lui rende service, il a voulu nous remercier et nous a invitées à boire un verre chez-lui, puis deux, puis trois. Au final, j'ai terminé à quatre pattes dans ses toilettes à dégueuler les litres de tequila que je venais d'ingérer et il m'a tirée tant bien que mal jusque dans mon lit dans l'appart' d'en face. Après ça, je crois qu'on a officiellement pu dire qu'on était devenus amis.
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(Not) Meant to be
RomantizmLivia et Jade se sont rencontrés au tout début du lycée. Et puis, avec le temps et comme beaucoup de gens, ils ont évolué chacun de leur côté. Après tout, rien d'étonnant : ils n'étaient ni amants, ni amis, ni même très proches... Et pourtant, aucun...