LIVIA
— T'as eu combien ?
Je glisse ma copie dans mon sac en cuir sans me préoccuper du monde autour de moi. Je déteste quand le prof de programmatique rend les devoirs sur table qu'il nous impose mensuellement pour soi-disant nous « préparer aux partiels ». L'amphi est toujours en effervescence et personnellement, je préfère quand les geeks savent se tenir. Là, on se croirait la veille de la Paris Game Week.
— T'as eu combien ?
Je sursaute en entendant une voix retentir près de moi et réalise alors que c'était à moi qu'on parlait. C'est Franck, l'un des types de ma classe.
— Une bonne note, réponds-je. Et toi ?
— Pourquoi tu ne veux pas me dire ta note précise ? rétorque-t-il en ignorant ma question.
Il ne dit pas ça méchamment, seulement avec curiosité.
Ça me déplaît quand même.
— Pour ne pas que tu sois jaloux, rétorqué-je avec un sourire charmeur.
Sur ce, je passe ma besace en cuir sur mon épaule et tourne les talons. À peine arrivée dehors, je m'allume une cigarette. On est quasiment mi-octobre maintenant et le froid me mord le bout des doigts, mais je ne m'en préoccupe pas.
C'est l'avantage d'être fumeur : ça vous rend insensible au froid. Vous êtes prêt à tout tant que vous réussissez à avoir votre dose de nicotine.
La première bouffée est toujours la meilleure. L'attente rend ce moment-là encore plus spécial, comme lorsqu'on a pas vu quelqu'un depuis longtemps et qu'on lui saute dans les bras à l'aéroport.
Soudain, je suis interrompue par mon téléphone qui vibre dans ma poche. Nonchalante, je jette un œil à l'écran. Le nom qui s'y affiche m'envoie aussitôt une décharge électrique en plein cœur.
— Nonna ? dis-je en décrochant en vitesse. Tout va bien ?
— Oui, oui, tout va bien ! me répond aussitôt une voix douce que je connais bien. Je voulais seulement être sûre que tu n'allais pas être en retard, j'ai mis un poulet aux olives à cuire à l'instant et il sera prêt pile pour ton arrivée.
Le soulagement desserre enfin ma poitrine, à la fois doux et idiot. Ça fait mal, l'inquiétude.
— Non, je serai à l'heure. Promis.
— Ah, très bien. À tout à l'heure, tesoro.
Puis elle raccroche, me laissant coite. Je ne prends même pas le temps de terminer ma cigarette et l'écrase sous ma chaussure avant de m'enfuir vers la station de métro au pas de course.
Ma grand-mère habite dans la banlieue proche de Paris... mais pas si proche non plus. Il faut enchaîner plusieurs métros, trains et bus mais dans les faits, elle n'habite pas si loin de chez-moi. Je me dis parfois que si j'avais le permis de conduire tout serait plus simple, mais je crois que je suis une gosse trop bornée et capricieuse pour accepter qu'on me donne encore des leçons.
J'adore la maison de ma grand-mère. Elle est toujours à la fois ordonnée mais remplie de bibelots, rafistolée de partout et pourtant en très bon état. C'est la seule personne que je connaisse qui empile trois couches de draps et une énorme couverture dans son lit même en été et qui parfume absolument tout chez-elle, des tapis aux rideaux. Il y a une sorte d'odeur de fleur qui embaume toute la maison, un peu trop agressive quand on n'y est pas habitué mais incroyablement agréable quand on la connaît.
— Mio cara ! Entre, entre ! s'exclame ma grand-mère à la seconde où je mets les pieds sur le seuil de sa porte.
Un sourire éclaire mon visage quand je l'imagine guetter mon arrivée à la fenêtre.
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(Not) Meant to be
RomanceLivia et Jade se sont rencontrés au tout début du lycée. Et puis, avec le temps et comme beaucoup de gens, ils ont évolué chacun de leur côté. Après tout, rien d'étonnant : ils n'étaient ni amants, ni amis, ni même très proches... Et pourtant, aucun...