Chapitre 7

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Lorsqu'il regarda son reflet dans le miroir ce matin-là, Stiles fut stupéfait de constater à quel point Théo l'avait changé. Seulement trois jours après son retour en cours, la transformation était visible. L'angoisse le tenaillait en permanence et si elle ne s'était pas inscrite dans ses traits, elle ressortait d'une autre manière.

Ses joues commençaient lentement mais sûrement à se creuser. Pas parce qu'il ne mangeait pas. Pas parce qu'il avait le ventre noué.

Non, c'était autre chose.

Parfois, Théo le faisait vomir. Lui ordonnait de se vider l'estomac, ne le lâchant qu'une fois qu'il s'était exécuté. D'autres fois, c'était Stiles lui-même qui, sous le choc de ce qu'il vivait, n'arrivait pas à garder bien longtemps la nourriture qu'il ingurgitait. Et pourtant, il mangeait. Les rares fois où il se retrouvait seul, il se gavait, ou alors... Il essayait simplement de se rattraper. Parce que rien ne devait se voir ou du moins... Pas suffisamment pour être réellement constaté. Quoique Stiles eut une pensée malsaine. Si personne ne remarquait son malheur au lycée, à quoi bon continuer de faire tant d'efforts pour cacher l'impensable ? Stiles baissa les yeux, incapable de retenir son propre reflet plus longtemps. Les épaules voutées, il savait qu'il devait faire quelque chose. Même si l'on était samedi, il devait... Agir. Faire semblant de vivre sa vie. Après tout, c'était pour cela qu'il s'était levé tôt... Enfin, si seulement.

Dormir était un réel défi depuis que Théo partageait son lit et laissait ses mains se balader à leur guise. Et même lorsqu'elles ne bougeaient pas, Stiles les sentait le brûler. Brûler sa peau qui ne demandait qu'à être passée à l'acide pour faire disparaître la sensation du toucher de Théo.

- Ton père travaille, aujourd'hui.

Le simple son de cette voix le fit violemment frissonner. Evidemment, il ne pouvait jamais se retrouver seul bien longtemps. Théo rôdait toujours, et lui rappelait suffisamment sa présence pour que Stiles comprenne qu'il ne pourrait jamais se sentir tranquille. Il ne releva pas les yeux, par peur de croiser ceux de la chimère dans le miroir. Mais sa main se posa sur son épaule.

Oui, Noah travaillait en ce premier jour de week-end. Il était toujours au poste, le samedi. Et Stiles le savait, tout comme il savait ce que Théo allait lui dire.

- Je vais t'emmener, tu le sais.

Un ton bas. En apparence sûr de lui. Une phrase simple, juste pour le prévenir... Lui rappeler ce qu'il avait prévu pour lui.

Oui, murmura Stiles dans sa tête, oui, je le sais. A la place, il articula :

- Tu n'es pas obligé de faire ça.

Sa voix n'était pas loin du chuchotement. Il n'y avait rien d'assuré dans ses mots, ni dans ses fébriles intonations. Et c'était marrant parce que d'un autre côté, prononcer cette simple phrase lui donnait l'impression qu'il pouvait espérer. Oui, espérer le faire changer d'avis, lui montrer que... Qu'il lui était déjà dévoué malgré lui. Parce que de toute manière, il n'avait pas le choix. Sa main sur son épaule, il la sentait bien. Trop bien. Elle le dégoûtait, le brûlait. Et pourtant, il se savait incapable de bouger, incapable de la repousser. Théo le paralysait sans plus faire pression sur lui. Il avait déjà gagné : il l'avait maté. Dressé. Et continuait de le menacer, en agitant presque sous ses yeux l'épée de Damoclès qui pendait funestement au-dessus de la tête de son père. Alors non, il n'avait pas besoin de continuer, ni de mettre à exécution ce qu'il avait prévu pour lui en ce jour. Il ne lui avait rien caché de ses intentions, au contraire : il l'avait prévu, et c'était peut-être pire encore que s'il l'avait laissé dans l'ignorance. Là aussi, la pression était énorme. C'était étouffant, parce que Stiles savait qu'ainsi... Il n'avait pas un moment à lui, même seul. C'était comme si Théo l'empêchait de trouver refuge dans sa propre tête.

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