Chapitre 1 : leçon d'astronomie - Kirta

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La nuit tombait. Les astres lumineux se confondaient avec l'horizon, offrant leurs derniers rayons colorés de la journée. La petite Kirta avait laissé entrouverte la porte de la chambre pour guetter son grand frère et sa mère. La jeune enfant savait qu'ils se rendraient à l'observatoire pour une leçon d'astronomie, ce n'était plus qu'une question de minutes.

Sa mère passa devant la porte entre baillée, vêtue chaudement, un sac à la main, très certainement rempli de bougies, de feuilles de phosphorea et de tout objet pouvant éclairer et réchauffer pour survivre à la nuit. Elle avait également enduit son visage, ses bras et ses jambes de maquillage phosphorescent. La dame avait une très bonne forme physique pour son âge. Les muscles un peu fatigués par le temps, mais encore saillants sculptaient son imposante silhouette. Elle avait les cheveux courts et lisses, signe qu'elle vivait ses dernières années. Et sans grande surprise, à la vue de sa carrure, ses écailles et ses grands yeux étaient bleus.

Kirta sortit de la chambre, les jambes tremblantes, pour tenter une dernière fois d'assister au cours de sa mère.

– Maman, est-ce que je peux venir moi aussi ?

– Ma chérie, tu n'es pas Bleue, l'astronomie n'est pas une discipline pour toi. Profite plutôt des après-midis à la bibliothèque avec ton père.

– Mais, mes écailles sont bleues...

– Kirta Paraïr ! Nous avons déjà eu cette discussion ! Retourne immédiatement te coucher et n'essaye plus de contourner les règles !

– Je hais ces sales yeux rouges ! hurla la petite fille, au bord des larmes.

La femme âgée claqua la porte d'un revers de main. Kirta sursauta. Le bruit réveilla ses deux petits frères, les jumeaux, qui étaient assoupis dans la pièce. La grande sœur pesta. Elle avait un plan pour assister au cours malgré l'interdiction de sa mère, mais pour le mener à bien, les deux bambins ne devaient pas la voir sortir. Heureusement pour elle, ils se retournèrent dans leur lit et ne tardèrent pas à ronfler à nouveau. La jeune fille guettait derrière la porte le moindre bruit pour ne pas manquer l'occasion de sortir.

La matriarche appela Rukatt pour qu'il la rejoigne. L'enfant avait hérité de la stature de sa mère, tout juste âgé de 11 ans, il mesurait déjà presque 1m70. Il avait, lui aussi, tout un sac rempli de l'arsenal nécessaire pour la longue nuit qui l'attendait. Il avait attendu ce premier cours avec impatience, non parce qu'il n'était jamais sorti au moment du crépuscule ou n'avait même jamais passé la nuit ailleurs que dans la chambre, mais bien parce que l'astronomie était une noble activité réservée aux personnes Bleues en Pazatana.

Kirta entendit sa mère et son frère franchir la porte d'entrée. C'était le moment de mettre son plan à exécution. La jeune fille se glissa dans le salon sur la pointe des pieds, jetant un œil au passage vers la chambre de ses parents. Son père semblait y être enfermé. Tant mieux, il ne la verrait pas partir. Elle s'avança jusqu'à la poignée qu'elle actionna avec la plus grande précaution pour ne pas faire de bruit. Elle mit un pas dehors, puis deux. Les battements de son cœur s'emballèrent. C'était la première fois qu'elle était dehors si tard. Les soleils étaient presque couchés, il commençait à faire sombre. Les plans de phosphorea autour de la maison commençaient à briller d'une faible intensité. La petite fille était émerveillée, elle ne les avait jamais vus de nuit et la journée leurs feuilles étaient éteintes. Si elle revenait quand l'obscurité serait plus profonde, elle les verrait scintiller ! Cette idée l'enchanta, mais elle n'avait pas beaucoup de temps pour observer le paysage. Elle cueillit deux feuilles et s'en fit rapidement un bracelet.

Kirta plissa les yeux, essayant de voir, malgré la faible luminosité, où étaient sa mère et son frère. Elle vit au loin deux silhouettes lumineuses. Comme si deux étoiles étaient descendues du ciel pour arpenter les rues de Pazatana. À pas feutrés, elle les suivit. Elle sentit soudain un frisson naître le long de ses bras qui s'étendit pour parcourir entièrement son corps. Le froid et l'obscurité commençaient à lui mordiller la peau. C'était donc ça, la désagréable sensation que procurait la nuit.

L'étoile bleueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant