Chapitre 18

589 54 33
                                    

Abigail ouvrit plusieurs fois la bouche sans qu'un mot n'en sorte, comme un poisson hors de l'eau. Elle leva un regard effaré vers Calian qui ne s'aperçut ni de son trouble ni de sa peur et qui se dirigea droit vers la petite église. Un frisson la parcourut et elle regarda autour d'elle. Pourquoi avait-elle l'impression qu'ils étaient épiés ?

-Calian, attendez ! chuchota-t-elle aussi fort qu'elle put.

Abigail se sentait comme une petite fille laissée derrière dans le noir d'une sombre forêt. Elle rejoignit le voleur en quelques enjambées et empoigna fermement le bas de son vêtement, s'y accrochant de toute ses forces. Peut-être était-ce un mouvement ridicule mais la lame froide et rigide du couteau au creux de sa main lui rappelait sans cesse les sombres dangers qui rodaient autour d'eux.

-Enfin, recommença-t-elle à murmurer puisque Calian ne daignait pas lui accorder un mot, pouvez-vous m'expliquer pourquoi diable...

-Taisez-vous, lui intima-t-il brusquement s'arrêtant et tournant sa tête vers un point sur sa droite.

Abigail suivit son regard mais ne vit rien de particulier. Les branches des arbres se balançaient au gré de la froide bise qui commençait à se lever et le même désagréable frisson la traversa encore une fois.

-Nous allons entrer dans cette petite maison, l'éclaira enfin Calian. Cette fois-ci, ce ne sont pas des bijoux qu'il faut trouver mais des liasses de billets. Faisons vite. Nous ne sommes point en sécurité ici, et plus nous nous attardons, plus le risque...

Il jeta un coup d'œil à la jeune femme, terrifiée, et n'osa pas finir sa sentence mais elle la termine à sa place.

...de mourir et ne plus voir la lumière du jour augmentera.

Ils bifurquèrent comme prévu vers la demeure collée à l'église. Abigail s'attendait à un tour de passe-passe de la part de Calian pour ouvrir la porte mais celle-ci s'ouvrit sans difficulté.

Était-ce bon signe ? Ou mauvais présage ?

Le battant, mal graissé, grinça effroyablement et le son parut résonner dans tout le village endormi. Abigail se colla étroitement au voleur, quitte à l'agacer un peu plus ou à passer pour une mauviette.

Elle avait bien trop peur pour s'en préoccuper.

-Rappelez-vous ce que je vous ai dit, lui dit Calian en retirant doucement sa poigne de son vêtement qu'elle n'avait pas lâché. Au moindre danger, battez en retraite ou défendez-vous.

Je ne sais même pas comment me servir d'un couteau, comment pourrais-je me défendre ? gémit la jeune femme en pensée sans oser se plaindre à voix haute. Elle hocha la tête et se sépara à contrecœur de la présence réconfortante de Calian.

Ils cherchèrent chacun de leur côté. A première vue, l'endroit exiguë n'offrait pas beaucoup de cachette à fouiller mais la réalité était toute autre. Mille tiroirs cachés furent ouverts et dérangés, mille coffrets empilés tels des poupées russes furent déboitées et pas un seul billet en vue.

Découragée, Abigail se redressa, la fatigue remplaçant doucement la crainte dans ses veines. Elle ne savait pas à qui appartenait cette maison, quelle intimité elle violait de la sorte mais ces recherches étaient tout sauf fructueuses.

L'espace était exiguë et chaque fois qu'ils cherchaient proches l'un de l'autre, Abigail finissait par s'empêcher de respirer pour ne pas sentir le doux frôlement de ses mains contre elle. Son anxiété et sa fatigue ne faisaient pas bon ménage et elle se sentait distraite à tout va, que ce soit par les claquements secs des tiroirs ou le souffle chaud du voleur près d'elle.

AshtonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant