Chapitre 17

787 67 36
                                    

L'atmosphère était tendue depuis plusieurs jours. La jeune femme sentait cette tension flotter dans l'air tel un parfum poisseux et collant et elle savait qu'elle était en tort. Que tous ces reproches flottant dans l'air étaient sa faute. Mais plutôt mourir que s'excuser. James avait nombre de fois médit d'elle et jamais le mot « pardon » ne lui avait effleuré les lèvres.

Mais Dieu qu'il était fort pour la faire se sentir coupable !

Après les mots durs que son oreille sans doute redoutable avait saisis, son mari s'était mis à lui faire la tête, lui parlant peu ou pas.

Bon, cela ne changeait pas de d'habitude mais James prenait un malin plaisir à s'éloigner subtilement et ostensiblement d'elle dès qu'elle s'asseyait sur le canapé.

Les deux étaient beaucoup trop fière pour faire le premier pas et Abigail serrait les dents pour s'empêcher de montrer une quelconque réaction qui traduirait son agacement.

Un mardi où la fin de l'hiver persistait encore dans le froid qui gelait les doigts, Abigail se prélassait tranquillement près de la cheminée, délaissant sa broderie pour rêver un peu. Puisque son mari la fuyait comme la peste, elle ne s'était pas privée pour fureter un peu partout et essayer de trouver les objets parfaits pour un vol. Elle avait essayé de fracturer la porte mystérieuse dans le couloir toujours aussi solidement verrouillée, en vain. Et elle n'avait pas osé demander au majordome de la lui ouvrir, de peur qu'il n'aille tout raconter à James. Mais doucement un plan se formait dans sa tête.

Il lui fallait une occasion. D'après ses observations Calian n'avait aucun mal à se faufiler dans sa chambre la nuit. Personne ne les avait surpris et personne ne l'avait surpris en train d'escalader le mur. Il pouvait donc très bien, à sa demande, s'infiltrer n'importe quelle nuit et voler ce qu'il voulait.

Mais c'était trop simple. Elle voulait que le cambriolage terrifie presque tout Londres, semant la panique même au sein des maisons les plus sécurisées. Et quoi de mieux qu'un bal ? Elle pourrait l'organiser et inviter tout un tas de personnes importantes et célèbres. Convaincre James sera du gâteau, elle en était certaine. Mais il devra faire face à ce bal à ses côtés. Cela lui permettra de faire d'une pierre deux coups : permettre à Calian de s'infiltrer sans encombre chez elle et s'afficher en tant que couple parfait aux yeux de la société. Elle concocterait un plan pour faire baisser la garde aux majordomes et sans doute aux policiers que son mari placera pour surveiller les lieux.

Être la maitresse de maison et la femme d'un marquis lui assurait une sacrée autorité qu'elle comptait bien utiliser.

Abigail était tellement prise dans ses rêveries qu'elle n'entendit pas James entrer dans la pièce et s'installer sur le canapé si bien que lorsqu'elle tourna la tête elle sursauta si fort que sa broderie faillit finir brûlée.

-Mon Dieu ! haleta-t-elle une main sur la poitrine. Annoncez-vous au moins, vous avez failli me tuer de peur.

-Ce n'était pas mon intention, s'excusa-t-il platement, le nez plongé dans son habituel journal. Et puis je ne voulais pas déranger votre rêverie qui m'a paru si passionnée.

Sans pouvoir s'en empêcher, le rouge lui monta aux joues et Abigail marmonna des insultes dans sa barbe en reprenant son travail. Dieu, qu'il était agaçant lorsqu'il ouvrait la bouche.

-Je ne suis pas sûr que « horrible démon » et « butor » ne soient des termes qualifiés pour parler de son époux.

La voix calme et toujours aussi tranquille de James lui coupa la respiration et la jeune femme se tourna lentement vers lui alors qu'il la dévisageait un sourcil haussé.

Fichtre. Il l'avait entendue.

Plutôt mourir que répondre. Abigail se mordit la langue pour s'empêcher de laisser échapper une autre insulte et se détourna le plus dignement possible de James sans lui accorder un mot.

AshtonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant