Chapitre 22

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-Je... suis une horrible personne. Ha-Harriet pardonne-moi, s'il te plait.

Milicent contemplait impuissante le triste spectacle de sa sœur au chevet de leur sœur, sans vie et froide.

Abigail pleurait. Depuis des heures, depuis l'annonce de Milicent, des torrents salés dévalaient ses joues, l'asséchaient de l'intérieur jusqu'à ce qu'elle ne soit qu'une coquille vide. La culpabilité était tout ce qui lui restait. Elle aurait voulu s'arracher la peau, hurler, se punir, ramener Harriet, rendre l'impossible possible. Traitre. Traitre destin, funeste jour, funeste nuit.

Passer son temps à fricoter avec... avoir senti son cœur battre plus fort alors que celui de sa sœur s'arrêtait dans la chambre d'à côté. C'était elle qui méritait la mort, les pires tourments pas Harriet, pas cette ange qui l'avait toujours fait rire, avait égayer ses journées.

Abigail avait vu sa sœur naitre et grandir, fraiche et pétillante avec un long avenir devant elle et non pas cette mort atroce et injuste qui en avait décidé autrement, crachant son vilain poison sur les couleurs chatoyantes de la vie. Nous ne sommes pas censés voir mourir les personnes que l'on a vu naitre, pensa-t-elle rageusement en chassant vainement des larmes.

Elle ne sursauta même pas quand une main se posa sur son épaule.

-Abigail, murmura tristement sa sœur. Il faut partir. Laisse...

Un sanglot interrompit sa phrase mais elle releva prudemment sa jeune sœur, toujours prostrée et la guida jusqu'à la porte.

**

Les oiseaux chantaient, le ciel avait revêtus son plus beau bleu et le soleil réchauffait délicieusement les corps. Le cercueil noir faisait tache ainsi que les rangées d'habits sombres mais Abigail regardai droit devant elle. Elle retenait ses pleurs depuis deux jours et trente minutes exactement. Depuis que sa mère avait fondu dans ses bras et que son père s'était enfermé dans son bureau, n'en sortant même pas aujourd'hui. Elle se devait d'être forte, là pour sa famille, pour Harriet. Elle était sûre que de là où elle était, sa sœur serait ravie que la journée lui ait rendu hommage en éclairant tous les hommes d'une lumière chaleureuse.

Abigail renifla. Le printemps avait été sa saison préférée. Quelle ironie : elle ne l'avait pas passée.

Rebecca avança près du cercueil, yeux rougis et mouchoir à la main. Leur père absent, c'était à elle de tenir un discours même si elle en paraissait incapable. Dans un silence de mort, de phrases entrecoupées chaque minute, la comtesse arriva enfin au bout de son discours et repartit s'asseoir, les mains tremblantes. Le prêtre vint annoncer les dernières paroles et la foule se dispersa. Mais la jeune femme resta immobile et avança après un long moment. Elle déposa près de la boite noire des chrysanthèmes roses et murmura une prière en son for intérieur avant de se reculer.

Une marée noire se tenait derrière elle mais la jeune femme ne se retourna pas, préférant garder son regard figé droit devant elle, sans montrer ses larmes au monde entier. Car s'ils découvrent ses joues mouillées, que restera-t-il dans le secret de son cœur ? Juste sa culpabilité, atroce et cuisante, comme une lame au fer rouge, lacérant son organe jusqu'à envahir sa peau de frissons brûlants et douloureux. La main de Milicent se posa sur son bras mais Abigail se dégagea, ne pouvant supporter la pitié de sa sœur. Pas en sachant l'horrible rôle qu'elle avait joué dans sa propre maison.

Dès l'enterrement fini, Abigail partit se réfugier directement dans sa chambre ignorant les paroles de condoléances de sa famille et le regard triste et inquiet de sa mère. Elle ne voulait voir personne, elle ne voulait parler à personne. Elle voulait juste se morfondre, pleurer, crier sa rage contre elle-même. C'était injuste. Harriet n'avait pas à mourir, elle qui était si innocente et pure, si...

AshtonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant